Hala Wardé : « Que le Liban devienne le musée de cultures du Levant… » @Rasmus Mogensen
Une architecte libanaise de cinquante-deux ans, longtemps à l'ombre de Jean Nouvel, mais qui a fini par acquérir son indépendance. Du musée jailli du sable des Émirats arabes unis et d'une langue d'eau, il y a aussi le travail et la ténacité de l'ancienne élève du génial bâtisseur. Lumière sur l'une des huit architectes- partenaires des ateliers du maître, que le magazine Vanity Fair vient de classer parmi les 50 Français les plus influents du monde en 2017. Ses réponses sont pertinentes, courtes, concises, presque laconiques et d'une singulière clarté dans leur punch et précision. Des mots sans détour aucun qui vont à l'essentiel, jettent la lumière sur un projet colossal et décortiquent en toute simplicité la réalité d'un vécu professionnel qui a intrigué et fasciné le public, aussi bien en Orient qu'en Occident.
Quand on pose la première question sur la part des choses dans ce projet pharaonique de ce Louvre Abu Dhabi, la réponse de Hala Wardé fuse en toute spontanéité : « C'est un travail d'orchestration et de mise en œuvre d'une partition géniale conçue par Jean Nouvel. » Et à tous ceux, nombreux, qui doutent de la modernité et de l'ouverture des pays arabes, surtout en ce qui concerne la présence d'une femme dans un monde d'homme aux lois encore rigides, machistes et de surcroît à la tête d'un chantier aussi complexe et extraordinaire, le commentaire de Hala Wardé est désarmant de franchise : « Jamais je ne me suis sentie aussi femme que dans un pays arabe... »
Dans un projet aussi gigantesque, les difficultés sont sans nul doute innombrables. Comment les affronter, les aborder, les vivre, les contourner? L'architecte démystifie très simplement la situation : « La grande difficulté était surtout la mise en œuvre à la fois des équipes et de l'ouvrage. » En contrepartie de tant d'effort, d'abnégation, de patience et de minutie, quelles satisfactions professionnelles dans ce projet grandiose, applaudi aujourd'hui aussi bien par le public que par la presse ? Là aussi, la réponse arrive, modeste, comme un rai de lumière projeté sur une grosse part d'ombre. « La satisfaction professionnelle est la dernière pierre posée du bâtiment, la dernière étoile posée du dôme. »
Quand le vent se lève...
Sans jamais perdre de vue le très proche futur, Hala Wardé songe déjà au musée d'art de Beyrouth, le BeMa, qui lui a été confié à l'issue d'un concours international lancé par Apeal et présidé par un autre monstre sacré, l'architecte néerlandais Rem Koolhaas. Elle dit : « Je rêve que le Liban devienne le musée de cultures du Levant. Mais il y a aussi, parmi mes priorités, l'urgence de redonner à Beyrouth ses jardins perdus...»
Et si l'équerre, le crayon, la gomme, la règle, le papier, le rapporteur et l'ordinateur étaient, pour un temps, un peu mis de côté, à quoi songerait alors, comme pour la variation d'un rêve, une architecte qui a du cran, de l'énergie, le sens de la créativité et qui vient de cosigner un projet aussi marquant ?... « Être pianiste », lâche-t-elle tout de go. Ce n'est pas très étonnant : le monument construit en terre émiratie est décidément très musical, tout en notes et tonalités harmonieuses...
Fière de l'achèvement du Louvre Abu Dhabi, dormant peu (elle dit que c'est son gros défaut), ayant en horreur l'avarice (tare qu'elle ne supporte pas chez les autres), récusant toute notion de femme moderne (c'est une question qu'elle trouve obsolète...), s'encombrant peu d'objets (tout a donc une âme ?), stimulée par la musique et fuyant le bruit, Hala Wardé est, lorsqu'elle ne dessine ni ne construit, une femme fascinée par Antigone, qui confesse volontiers que ses plus belles rencontres sont celles avec Bach
et Baudelaire....
Pour finir, comme une fenêtre ouverte, comme la plongée dans un paysage lointain qui rassure, comme ce musée Louvre Abu Dhabi, palace arabe vénitien, les pieds dans l'eau, offert à la chaleur du soleil et au réconfort du sable, une devise. Comme ces mots qu'on place en fronton des grandes œuvres architecturales. Une devise qui illumine, guide et booste. Ses mots tombent à pic : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ! »
1965
Naissance à Beyrouth
1983
S'inscrit à l'école d'architecture de l'ALBA
1984
Rejoint l'École spéciale d'architecture (ESA)
de Paris
1990
Intègre l'agence de Jean Nouvel
2006
Coup d'envoi, sous sa direction, du projet Louvre Abu Dhabi
2008
Crée sa propre structure, l'agence HW Architecte
2016
Remporte le concours d'Apeal pour le musée BeMa
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commentaires (2)
La coupole qui couvre l'ensemble des 55 villages-cubes des espaces d'expo, n'a rien à voir avec cette base de l'édifice;L'intégration est inexistante: comment appelle-t-on Nouvel un génie? Quelle blague!!!
Skamangas Stelios
10 h 52, le 29 novembre 2017