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Liban - Événement

Tim Cook et Malala à Beyrouth, une Tabshoura à la main...

Apple et la Fondation Malala, qui milite pour l’éducation des filles à travers le monde, annoncent leur coopération lors d’une visite à la Lebanese Alternative Learning, fondée par Nayla Zreik Fahd.

Photo Brooks Kraft / Apple

L’émotion était palpable samedi auprès des jeunes filles, notamment de nombreuses réfugiées syriennes, rassemblées au siège de l’association Lebanese Alternative Learning (LAL, fondée par Nayla Zreik Fahd), à Beyrouth. Rien de plus normal, à la perspective de rencontrer deux personnalités mondiales : Tim Cook, le PDG d’Apple, et Malala Yousafzai, cette jeune militante pakistanaise pour les droits des femmes à l’éducation, Prix Nobel de la paix en 2014 et grièvement blessée en 2012 par les talibans pour avoir refusé de renoncer à l’éducation. Les deux personnalités ont effectué une visite-éclair discrète de quelques heures à Beyrouth, au cours de laquelle elles ont annoncé une nouvelle collaboration entre leurs deux institutions et rencontré de jeunes bénéficiaires d’associations partenaires avec la fondation Malala : LAL et son programme Tabshoura* (avec son partenaire l’ONG Malaak**, qui teste son nouveau logiciel pour l’éducation en ligne) et Bassma et Zeytouna.

Charismatiques et humbles à la fois, Tim Cook et Malala font leur entrée au milieu des jeunes filles très émues et leur répètent à plusieurs reprises combien ils sont heureux d’être là. « J’attends d’écouter vos expériences à l’école », les a encouragées Tim Cook. « J’ai vingt ans, donc à peine plus âgée que la plupart d’entre vous », leur dit Malala, tout en leur racontant brièvement son histoire poignante et son parcours de militante, et les appelant à plusieurs reprises à croire en elles et en leurs rêves.


(Lire aussi : LAL et sa Tabshoura, gagnantes à Genève de la catégorie « Accès »)


« Tu dois tenir bon, tu as ta mère… »
Le résultat sur les filles ne se fait pas attendre. « Mon père veut que j’arrête l’école, mais moi je refuse de le faire, et ma mère me soutient à fond », lance l’une des jeunes Syriennes. « Je suis prête à parler à ton père, mais tu dois tenir bon, tu n’es pas seule puisque tu as ta mère, et tu as mon soutien », lui répond Malala. Une autre jeune Syrienne n’arrive pas à retenir ses larmes : elle affirme vouloir devenir médecin parce que son père est mort faute de soins. Malala se dirige vers elle pour la tenir longuement dans ses bras, dans le silence ému du reste des participants.

Interrogées sur leurs rêves, chaque jeune fille exprime sans détour les raisons de son choix : pour l’une d’entre elles, devenir architecte lui permettra de participer à la construction de son pays. « Notre génération devra le faire parce que la génération de nos parents n’en sera pas capable », dit-elle, des larmes dans les yeux. Une autre veut devenir psychologue pour soigner le traumatisme des enfants de Syrie, une troisième pédiatre pour combler un grand vide…

Pour une jeune bénéficiaire de Bassma et Zeytouna, il a été trop difficile de s’exprimer. Quand Fadi Hallisso, président de l’association, fait remarquer qu’elle a une belle voix, Malala et Tim Cook lui demandent à l’unisson de chanter, ce qu’elle fait d’une voix d’ange, entonnant une ballade traditionnelle… « Je veux être artiste », dira-t-elle finalement, ragaillardie.


(Pour mémoire : La coexistence, l’innovation et la collaboration au centre du sommet WISE 2017)


« Quoi de mieux que d’être à Beyrouth... »
Dans un entretien à L’Orient-Le Jour, qui a eu l’exclusivité parmi les médias arabes, Tim Cook précise avoir rencontré Malala pour la première fois en octobre à Oxford. « Au gré de nos conversations, nous nous sommes vite rendu compte que nous désirions collaborer, dit-il. J’ai aimé sa vision, son audace et son ambition. Nous nous demandions où annoncer cette collaboration. Il était clair qu’au Liban, il y a de vrais leaders, et un excellent exemple de réseau en action. Quoi de mieux que d’être à Beyrouth, là où les choses se passent ! » La collaboration entre Apple et la Fondation Malala devra permettre de financer, dans un objectif à court terme, l’accès à l’éducation pour 100 000 jeunes filles.

Interrogé sur l’impact des témoignages des jeunes filles, et comment ces mots s’insèrent dans sa propre vision de l’action pour l’éducation, Tim Cook qualifie la table ronde de « très touchante ». « Nous avons eu un premier entretien avec une famille libanaise (NDLR : à Tarik Jdidé) avant la réunion plus élargie. Au cours de cette première réunion, nous avons rencontré une mère avec une incroyable force de caractère, dédiant sa vie à ses trois filles, qui à leur tour ont des rêves très ambitieux, et cela m’a rempli d’émotion. Lors de la seconde réunion, nous avons pu ressentir les effets de la guerre sur les participantes de multiples façons. C’est nouveau pour moi, même si je m’attendais à ces témoignages. En écoutant les rêves de ces jeunes filles, qui veulent devenir médecin, pédiatre, architecte, artiste… je me dis qu’elles feront de grandes choses à l’avenir. Ce que j’ai vu ici me rend encore plus engagé envers cette action avec la Fondation Malala, un excellent intermédiaire pour réaliser tout ce qui est possible, avec un grand leader. »

À l’instar du projet Tabshoura-in-the-box de LAL, qui vise à faire parvenir la technologie à des personnes qui en sont privées, comment la société à la pomme peut-elle contribuer à des actions de ce type dans le monde? « Nos produits sont des facilitateurs, mais ils ont aussi besoin d’un grand leadership, affirme le PDG d’Apple. Depuis sa création il y a quarante ans, Apple a l’éducation gravée dans son cœur et son ADN. Nous avons ainsi accumulé beaucoup d’expérience sur la meilleure utilisation possible des nouvelles technologies en classe, et sur le moyen le plus efficace d’atteindre les enfants et de renforcer leur attachement au processus éducatif. »

Il poursuit : « Depuis les débuts d’Apple, l’égalité est au cœur de la philosophie de la compagnie. Et nous avons toujours pensé que l’éducation est un grand égalisateur. C’est ce qui donne au plus pauvre la chance de devenir le plus riche. Et étant donné que l’action (de la Fondation Malala) est axée sur l’égalité entre les genres, les valeurs se rejoignent parfaitement. »


(Pour mémoire : Un jeune réfugié syrien reçoit un prestigieux prix pour la construction d'une école dans la Békaa)


130 millions de filles non scolarisées
Pour sa part, Malala, également interrogée par L’Orient-Le Jour, se félicite du « progrès » dans son œuvre à travers le monde, même si elle déplore l’énormité persistante de la tâche, avec « 130 millions de filles toujours privées d’éducation ». « Mon rêve et notre vision, c’est que toutes ces jeunes filles doivent avoir le droit de choisir leur avenir, dit-elle. C’est ce que nous essaierons d’assurer notamment par cette coopération avec Apple. J’ai confiance dans l’avenir, je crois que de plus en plus de filles pourront réintégrer l’école et décider de ce qu’elles veulent devenir. »

Sur ce qui caractérise LAL et son projet Tabshoura, Malala répond qu’elle fait partie de ces ONG qui accomplissent un travail « formidable », ajoutant qu’elle aimerait en soutenir autant que possible. « Nous cherchons toujours à travailler avec des leaders et des militants locaux, poursuit-elle. Je sais qu’il y a d’extraordinaires personnes actives dans ce domaine, et Nayla (Zreik Fahd, fondatrice de LAL) est l’une d’elles. Elle utilise la technologie et l’apprentissage digital pour l’amélioration des capacités. Elle relaie notre vision et fait en sorte que nous trouvions les meilleurs moyens de rendre l’éducation accessible à ceux qui en ont besoin. Je suis tellement heureuse qu’elle puisse aider des jeunes filles qui sont passées par des expériences très traumatisantes comme les guerres ou les conflits. Malgré cela, elles sont toujours en train de lutter, elles ont de grands rêves, et c’est grâce à LAL et à l’éducation qu’elle leur dispense qu’elles peuvent se réveiller chaque matin avec l’espoir de jours meilleurs. »

Interrogée sur son sentiment à l’idée d’accueillir des personnes aussi connues dans ses locaux et ses perspectives d’avenir, Nayla Zreik Fahd exprime son enthousiasme de faire partie d’un réseau aussi prestigieux. « Quand nous nous sommes tous rencontrés à Oxford, c’était un moment très émouvant, ajoute-t-elle. C’est un merveilleux réseau. Le soutien que nous apporte la Fondation Malala est unique. Le contact est permanent : je reçois chaque semaine un mail avec de nouvelles idées, nous recevons continuellement des visites… C’est vraiment remarquable. »

* LAL a initié le programme Tabshoura pour aider les jeunes ne pouvant se rendre à l’école à accéder à l’enseignement, notamment le projet Tabshoura-in-a-box, un logiciel dans une boîte, facilement utilisable par les établissements dans leurs classes.
** Malaak, fondée par Asma Abou Ezzeddine Rasamny, aide près de 350 enfants syriens déplacés dans le Akkar à obtenir un supplément d’éducation et à participer à des activités extracurriculaires.

L’émotion était palpable samedi auprès des jeunes filles, notamment de nombreuses réfugiées syriennes, rassemblées au siège de l’association Lebanese Alternative Learning (LAL, fondée par Nayla Zreik Fahd), à Beyrouth. Rien de plus normal, à la perspective de rencontrer deux personnalités mondiales : Tim Cook, le PDG d’Apple, et Malala Yousafzai, cette jeune militante...

commentaires (4)

Excellente initiative... Le seul bémol pour ceux qui ont connu les années 60 est de voir le Liban sujet d'aide sur l'éducation alors qu'il était lui même pourvoyeur d'éducation et d'ouverture d'esprit aux horizons vastes... Allah karim

Wlek Sanferlou

01 h 22, le 23 janvier 2018

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Commentaires (4)

  • Excellente initiative... Le seul bémol pour ceux qui ont connu les années 60 est de voir le Liban sujet d'aide sur l'éducation alors qu'il était lui même pourvoyeur d'éducation et d'ouverture d'esprit aux horizons vastes... Allah karim

    Wlek Sanferlou

    01 h 22, le 23 janvier 2018

  • Toutes contributions envers les filles et leur éducation, seront les bienvenues. Bel exemple.

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 46, le 22 janvier 2018

  • Attention on a déjà souvent bien décrit les mauvaises conditions de travail dans les usines de Apple , par example https://www.theguardian.com/technology/2017/jun/18/foxconn-life-death-forbidden-city-longhua-suicide-apple-iphone-brian-merchant-one-device-extract et les critiques sur Apple sur le plan là continuent ... En "collaborant" avec une telle partie Tabshoura et Malala doivent être très prudentes.

    Stes David

    12 h 33, le 22 janvier 2018

  • HONORABLE L,ACTION DE TIM ET MALALA ! QUAND A TIM ET SON AFFIRMATION GAFFEUSE QU,IL Y A DE VRAIS LEADERS AU LIBAN... ET MALGRE SA BONNE FOI... RIONS UN PEU !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 26, le 22 janvier 2018

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