Réunion des responsables politiques dans le cadre du dialogue national à Baabda, le 12 juin 2012. Photo archives « L’OLJ »
Dernièrement sur toutes les lèvres et dans tous les discours politiques, la politique de « distanciation » à l'égard des conflits de la région apparaît comme la condition sine qua none pour sortir de la crise que vit actuellement le Liban. Mais comment ce principe est-il aujourd'hui perçu par les protagonistes, à l'heure où le Hezbollah continue d'être engagé en Syrie et ailleurs ?
« La notion de distanciation a été proposée au début du conflit syrien par l'ancien Premier ministre Nagib Mikati », explique le politologue Sami Nader, qui définit la distanciation comme étant « le droit de ne pas prendre position par rapport à un conflit donné ». Le principe de la distanciation a ensuite été repris dans la déclaration de Baabda, adoptée le 12 juin 2012 à l'issue de séances de dialogue tenues sous l'égide de l'ancien président de la République Michel Sleiman. Il s'agit de « tenir le Liban à l'écart de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux et de lui éviter les répercussions négatives des crises et des tensions régionales (...), sauf pour ce qui est du devoir de respecter les résolutions de la légalité internationale, l'unanimité arabe et la cause palestinienne juste, y compris le droit au retour des réfugiés palestiniens et le rejet de leur implantation au Liban », peut-on lire dans la déclaration de Baabda.
« Le Hezbollah a accepté la déclaration de Baabda au départ car il était dans la tourmente. À l'époque, le régime syrien était en train de s'écrouler. Puis il y a eu quelques batailles et le parti chiite a repris du poil de la bête. C'est à ce moment-là qu'il est sorti de la déclaration de Baabda », analyse M. Nader. « L'Exhortation apostolique au Liban (lancée par Jean-Paul II en 1997 puis rappelée par Benoît XVI en 2012) a véhiculé l'idée du Liban-message. Cette idée a été reprise dernièrement par le président de la République, Michel Aoun, qui a appelé à ce que le Liban devienne un centre de dialogue, un pont pour la convivialité », poursuit-il.
« Nous sommes en train de donner une nouvelle direction à la distanciation. Nous voulons être un centre de rencontre pour les gens en conflit. La proposition de M. Aoun est une bonne voie de sortie de crise qui doit faire l'objet d'un dialogue au niveau national. Mais, même si ce projet est lancé par un allié du Hezbollah, sera-t-il compatible avec la résistance ? » se demande le politologue.
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Neutralité
Une source proche du courant du Futur estime pour sa part qu'on peut aujourd'hui « aller plus loin que la distanciation et parler de neutralité ». « Le concept de distanciation est uniquement relié au conflit syrien, alors que la neutralité peut être adoptée vis-à-vis de tous les problèmes du Moyen-Orient, y compris la Palestine. Avant, on parlait de neutralité par rapport aux conflits interarabes mais on peut aujourd'hui y inclure l'Iran », indique le responsable. Il évoque par ailleurs un véritable changement des mentalités par rapport à la question, notamment dans la rue sunnite. « Avant, ceux qui parlaient de neutralité, on les accusait d'isolationnisme. Maintenant, ce concept est de plus en plus accepté, surtout chez les musulmans et notamment les sunnites », estime-t-il.
« La neutralité a été indirectement abordée par le Premier ministre, Saad Hariri, dans ses dernières déclarations. Le député Ahmad Fatfat (courant du Futur), a commencé à l'évoquer explicitement il y a quelques semaines. Il s'agit d'un problème qui commence à être discuté. Quand on a la neutralité, on n'a plus besoin des armes du Hezbollah », poursuit le responsable.
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C'est un tout autre son de cloche que l'on perçoit chez le parti chiite qui fait de sa présence en Syrie une exception à la distanciation. « Pour le Hezbollah, la distanciation, c'est le fait de ne pas se mêler des affaires des autres pays, indique une source proche du parti. La distanciation, c'est lorsque les pays étrangers n'interviennent pas au Liban ni nous à l'étranger d'ailleurs. Sauf que ce que nous faisons en Syrie, c'est défendre le Liban. »
« Le but du Hezbollah est de défendre le Liban, même s'il a été obligé d'aller faire la guerre en Syrie. Nous avons été obligés de commencer cette guerre contre les terroristes de Daech et nous sommes convaincus de l'utilité de cette guerre. Il s'agit d'un travail de défense basé sur l'attaque. Si nous ne les éliminons pas, ils nous élimineront », assure le responsable du parti. Il dénonce par ailleurs « les ingérences de l'Arabie saoudite au Liban » et nie le fait que l'Iran intervienne au Liban. « Ce que le président iranien, Hassan Rohani, a dit dernièrement, c'est que l'Iran est un pays qui a un rôle régional et un avis mais qui ne se mêle pas directement de ce qui se passe dans les pays de la région. D'ailleurs, concernant les dossiers libanais et syrien, l'Iran laisse le soin au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, de s'en occuper et Téhéran n'intervient pas directement. Le Hezbollah est libre de prendre ses décisions, il réfléchit de manière libanaise et non de manière régionale », souligne-t-il.
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commentaires (8)
La distanciation,.. laissez-nous rire. Hassan Nasrallah guerroie en Syrie pour le Liban, au Yémen pour le Liban, à Beyrouth-Ouest pour le Liban, sur la route de Mokhtara pour le Liban !!! Ne parlez pas de Nabatiyé, on vous répond de Téhéran, de Baalbeck, on vous répond de Téhéran, de Hay-es-Sellom, de Téhéran !!! Si vous parles des armes, on vous répond de Téhéran, des milices, de Téhéran, des Chemises noires, de Téhéran !!!
Un Libanais
17 h 43, le 24 novembre 2017