Le chef de la Ligue arabe, Ahmad Aboul Gheit, a appelé lundi à "préserver" le Liban des conflits régionaux, au moment où le pays traverse une grave crise politique déclenchée par la démission surprise du Premier ministre, Saad Hariri. Le président de la République, Michel Aoun, a de son côté indiqué que "le Liban n'est pas responsable des conflits dans certains pays arabes", rejetant le fait qu'on lui en fasse payer le prix.
"Les pays arabes comprennent la situation au Liban, et veulent le préserver (...) de toute dissension", a indiqué le secrétaire général de la Ligue arabe à son arrivée à Beyrouth.
La visite de M. Aboul Gheit au Liban intervient au lendemain de la réunion extraordinaire, dimanche au Caire, des ministre des Affaires étrangères, convoquée par l'Arabie saoudite et à l'issue de laquelle la Ligue arabe a accusé "le Hezbollah et les Gardiens de la révolution iraniens de financer et d'entraîner des groupes terroristes à Bahreïn". Dans sa déclaration finale, la Ligue arabe a également "fait assumer au Hezbollah, un partenaire dans le gouvernement libanais, la responsabilité de fournir aux groupes terroristes dans les pays arabes des armes sophistiquées et des missiles balistiques". M. Aboul Gheit avait lui-même estimé dimanche que "les capitales arabes sont dans la ligne de mire des missiles balistiques de Téhéran".
Le Liban a émis des réserves à l'encontre de trois alinéas où le Hezbollah est cité et associé aux mots "terroristes" ou "terrorisme", les alinéas 4, 6 et 9, mais pas à l'encontre de l'intégralité du texte. Le Liban était représenté à cette réunion par le délégué permanent auprès de la Ligue arabe et chargé d'affaires de l'ambassade du Liban au Caire, Antoine Azzam, en l'absence du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, une décision destinée à éviter toute confrontation avec l'Arabie saoudite ou avec Bahreïn.
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"Il est du droit des Libanais de résister"
Le chef de l'institution panarabe, basée au Caire, s'est entretenu avec le président, Michel Aoun, au palais de Baabda. "J'ai expliqué les circonstances qui ont amené la Ligue arabe à prendre cette position", a déclaré M. Aboul Gheit à l'issue de son entretien avec M. Aoun. "Personne ne peut vouloir, ou accepter, que l'on nuise au Liban, a-t-il affirmé, soulignant la "spécificité" du pays, aux équilibres confessionnels fragiles. Et ce n'est pas la première qu'une partie libanaise est visée par une décision de la Ligue."
"Le Liban n'est pas responsable des conflits dans certains pays arabes et c'est inadmissible qu'il en paie le prix de sa stabilité sécuritaire et politique alors qu'il n'a agressé aucun pays", a de côté affirmé M. Aoun. Et de marteler : "Le Liban ne peut pas accepter que l'on sous-entende que le gouvernement (dans lequel le Hezbollah est représenté, ndlr) participe à des actes terroristes".
M. Aoun a en outre dénoncé les "attaques continues d'Israël" contre le Liban. "Il est du droit des Libanais de résister et de faire échec aux plans israéliens par tous les moyens possibles", a-t-il ajouté.
M. Aboul Gheit a ensuite été reçu par le président du Parlement libanais, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné. "Tout le monde reconnaît la singularité de la situation du Liban", a déclaré le diplomate à l'issue de l'entretien. "Le territoire libanais ne peut être le théâtre d'une confrontation arabo-iranienne", a-t-il ajouté, soulignant que la Ligue arabe "n'a pas accusé le gouvernement libanais de terrorisme".
"La partie de la décision de la Ligue arabe concernant le gouvernement libanais est totalement inappropriée", a pour sa part indiqué M. Berry. "J'ai rappelé à M. Aboul Gheit les dizaines de décisions insistant sur le droit du Liban à résister et libérer le territoire et d'autres exprimant le soutien de la Ligue arabe à la résistance contre Israël", a-t-il ajouté. "Malgré les éclaircissements de M. Aboul Gheit, je lui ai montré l'introduction du texte de la décision qui fait mention de l'importance de relations entre les pays arabes et l'Iran basées sur le dialogue", a ensuite affirmé le chef du Parlement, regrettant que la décision ne mentionne pas le fait que la réconciliation entre l'Arabie saoudite et l'Iran serait plus productive".
"Merci et désolés. Merci à Dieu et désolés d'avoir combattu Israël au Liban", avait plus tôt dans la journée indiqué M, Berry, sur un ton ironique, en réaction au communiqué de la Ligue arabe.
En annonçant sa démission depuis l'Arabie saoudite le 4 novembre, le chef du gouvernement libanais avait dénoncé les ingérences de l'Iran dans son pays notamment au travers du mouvement libanais chiite du Hezbollah. Mais au Liban, certains, dont le chef du Hezbollah, avaient accusé le régime saoudien, parrain de M. Hariri, de lui avoir imposé cette démission surprise, d'autant que le Premier ministre est resté ensuite deux semaines à Riyad. Et la crise politique a rapidement été perçue comme un nouveau bras de fer entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite, les deux puissances régionales qui s'affrontent déjà sur plusieurs dossiers, notamment les conflits en Syrie et au Yémen.
M. Hariri, qui se trouve à Paris depuis samedi, devrait être de retour au Liban mercredi pour discuter de sa démission avec le chef de l'Etat. Il n'y est pas revenu depuis l'annonce de son départ depuis Riyad le 4 novembre. Le Premier ministre démissionnaire fera une escale au Caire, mardi, pour rencontrer le président Abdel Fattah al-Sissi, avant de retourner à Beyrouth.
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L'initiative de Paris se poursuivrait après le retour de Hariri à Beyrouth
commentaires (8)
ABOU GHEIT OUBLIE QU,IL EST EN SATRAPIE DU LIBAN !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 09, le 20 novembre 2017