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À La Une - Liban

Démission de Hariri : quelles conséquences sur l’économie

Selon plusieurs économistes, la crise gouvernementale va un peu plus retarder la mise en place de réformes structurelles comme le lancement de projets d'investissements.

Des portraits du Premier ministre démissionnaire Saad Hariri, de son père l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah sur des horloges dans un magasin à Saïda, au Liban-Sud. AFP / Mahmoud ZAYYAT

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a pris tout le monde de court samedi en annonçant sa démission depuis Riyad, un an après sa désignation dans la foulée de l'élection de Michel Aoun à la présidence de la République. Peu après cette annonce, plusieurs voix ont fait part de leurs inquiétudes concernant les répercussions de cette crise gouvernementale sur l'économie du pays ainsi que sur la stabilité de la livre - ancrée au dollar.
Un climat anxiogène qui a poussé la Banque du Liban (BDL) à réagir dimanche dans un communiqué dans lequel son gouverneur, Riad Salamé, a assuré que la situation financière du pays n'était pas menacée et que le secteur bancaire disposait de suffisamment de réserves pour voir venir.

Livre protégée
Cette assurance est partagée par plusieurs économistes contactés par L'Orient-Le Jour. « La livre est protégée par des (pare-feu) financiers, à l'image des importantes réserves de devises rassemblées par la BDL et qui ont atteint 44,3 milliards de dollars (ndlr, un niveau record) et qui couvrent 80 % des dépôts en livres. La stabilité monétaire s'appuie aussi sur les importantes réserves de liquidités en devises de ses banques », indique par exemple le directeur du département de recherche de Bank Audi, Marwan Barakat.

Même constat pour le directeur du département de recherche du groupe Byblos Bank, Nassib Ghobril. « La BDL a pris des mesures préventives depuis longtemps, démontrant au passage que sa politique monétaire est adaptée à la situation économique et au profil du pays », affirme-t-il, faisant référence aux opérations d'ingénierie financière menées par la banque centrale en 2016 ainsi que celles réalisées cette année - et sur lesquelles la BDL a communiqué à chaque fois après coup.

« S'il est encore beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions définitives, je pense que l'on peut écarter le risque d'une déstabilisation de la livre ou de panique à court terme, même si beaucoup de déposants seront fébriles », note de son côté l'économiste Roy Badaro. Ce dernier écarte également la possibilité que les principales agences de notation financière américaines modifient la note de la dette souveraine du Liban dans l'immédiat. Cet été, Moody's a abaissé d'un cran la notation du pays du Cèdre, de B2 à B3, ce qui correspond au B- confirmé dans la foulée par Fitch et Standard & Poor's. Les trois agences ont en outre assorti leur note d'une perspective « stable ».
Pour M. Ghobril, « ces agences vont toutefois suivre avec beaucoup d'attention l'évolution de la situation dans les prochaines semaines et publieront sans doute des commentaires pour exprimer leurs opinions. »

M. Badaro considère, lui, que la situation pourrait nettement se compliquer si une issue à cette crise n'est pas rapidement trouvée. « Cette démission créé une période trouble. La conséquence à terme c'est que les risques - et donc le prix du risque - augmentent ce qui va négativement influer sur les investissements et les taux d'intérêt, entre autres », soutient-il.


(Lire aussi : Démission de Hariri : ce qu'en dit la presse locale et régionale)

 

Baisse de la confiance
Les trois économistes sont moins sereins concernant les répercussions de la démission de M. Hariri sur l'économie réelle et l'avenir des réformes structurelles promises par le gouvernement.

« Elles vont être significatives, notamment parce que d'importants projets d'investissements - publics et privés - vont être repoussés ou mis en attente », résume M. Barakat. De fait la démission pourrait en premier lieu provoquer un retard important dans l'attribution des licences d'exploration et de production d'hydrocarbures offshore de cinq des dix blocs de la Zone économique exclusive (ZEE) libanaise. Le 13 octobre, l'Autorité de l'Energie avait annoncé avoir reçu deux candidatures dans le cadre de l'appel d'offres et s'était fixée un délai d'un mois pour les évaluer. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a exprimé dimanche sur son compte Twitter sa crainte que la démission de M. Hariri ne retarde l'avancée de ce dossier.

M. Ghobril considère pour sa part que « la démission du Premier ministre ne va pas provoquer un choc dans la mesure où l'année a déjà été décevante par rapport aux attentes portées par le consensus politique » qui a abouti, il y a un an, à l'élection d'un président de la République après plus de deux ans de vacance présidentielle. « Malgré sa gravité, cette démission intervient deux mois avant la fin d'une année pendant laquelle la croissance devrait se situer entre 1,5 % et 2 %, un niveau qui reste médiocre », analyse-t-il. La BDL tablait avant ce weekend sur une croissance de 2,5 %. « Les répercussions de la démission de M. Hariri seront plus nettes en 2018, même si on peut déjà s'attendre à une baisse de la confiance des consommateurs d'ici la fin de l'année.

Autre victime directe selon MM. Barakat et Ghobril : le tourisme, qui devrait subir le contrecoup de cette crise gouvernementale, après un été marqué par un début de reprise. « La démission de M. Hariri va en outre repousser le lancement des réformes structurelles promises par le gouvernement et réclamées aussi bien par le secteur privé que par plusieurs organisations internationales. On peut aussi craindre que l’État ne soit plus en mesure d'adopter le budget 2018 dans les délais constitutionnels. », conclut M. Ghobril.

 

 

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commentaires (3)

Poser la question prête à sourire. Et très fort. Demandons sa libération, officiellement et vite fait SVP.

FRIK-A-FRAK

19 h 03, le 05 novembre 2017

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Commentaires (3)

  • Poser la question prête à sourire. Et très fort. Demandons sa libération, officiellement et vite fait SVP.

    FRIK-A-FRAK

    19 h 03, le 05 novembre 2017

  • C'est une grande tristesse avant tout pour le pays, ce qu'il vient de se passer par la démission du premier ministre libanais Saad Hariri. Les hypothèses concernant cette démission, seront nombreuses et contradictoires... Un grand inconnu demeure dans l'esprit de tous ....pourquoi cette démission soudaine dans un pays étranger et de surcroit un pays très impliqué dans les affaires internes du Liban (comme l'Iran d'ailleurs) Avait il le choix le premier ministre dans sa décision ? avait-il des pressions fortes pour lâcher le Liban qu'il aime tant le premier ministre ? Peut-il encore quitter l'Arabie saoudite en toute liberté ? Car n'oublions pas que cette affaire se conjugue avec un nombre élevé d'arrestations de ministres saoudiens et de princes de ce pays (le gratin des plus hautes autorités, et le jour même de cette démission) ...(ce n'est pas anodin, ni un hasard)! Quel sera la position de l'état libanais pour s'assurer de la liberté de ses mouvements du premier ministre démissionaire ? Ce sont des questions légitimes que nous sommes en droit de se poser. Maintenant que cette démission est "prononcée" il faut se remettre au travail et au plus vite ... La pays n'attendra pas ! Pour finir, quand notre pays va enfin casser l'abcès, et apprendre à mettre sur table les vraies problèmes qui se posent au pays ? SE LIBÉRER DE L'INFLUENCE DES PAYS TIERS ?

    Sarkis Serge Tateossian

    18 h 41, le 05 novembre 2017

  • Comme si l’économie du Liban ne tenait qu’à la présence de Mr. Hariri! Voyons donc, c’est une économie artificielle, aux soins intensifs depuis la fin de la guerre, qui avait attiré beaucoup d’investIsseurs surtout des pays du golfe, de la diaspora, et aussi de fortunes louches qui nous considéraient comme un paradis fiscal, avec un énorme mouvement de blanchiment d’argent dans le boom immobilier qui s’en suivît, et le soit-disant miracle Libanais de la résilience de la Livre Libanaise, sans enlever le mérite des acrobaties financières de Mr Salame à la Banque Centrale... Non, un pays exsangue, avec une dette de plus de 80 milliards de $, économie et tourisme à terre, régions avoisinantes à feu et à sang, arrêt des transferts de l’étranger, sanctions économiques pour le Hezbollah et j’en passe... C’est comme si cet article nous disait: « mais à part ça, Mme la Marquise, tout va très bien, tout va très bien... » Non, cessons de nous gargariser de belles paroles et regardons les choses en face: Même si Hariri restait, notre avenir économique n’est pas brillant, il est même catastrophique!

    Saliba Nouhad

    18 h 27, le 05 novembre 2017

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