La démission samedi de Saad Hariri de la tête du gouvernement libanais a surpris l'ensemble de la classe politique, y compris son propre parti, lequel jusqu'à vendredi encore répétait à l'envi qu'une démission du Premier ministre était exclue. Elle a surtout suscité de nombreuses craintes liées à l'incertitude et aux dangers éventuels auxquels le pays est désormais confronté.
Car plus que le fait lui-même, ce sont les motivations et, surtout, les multiples conséquences de cette démarche, pour le moins inhabituelle aux niveaux aussi bien de la forme que du fond, qui effraient les différents milieux politiques. « Franchement, le Liban est assez petit et faible pour pouvoir assumer les conséquences économiques et politiques de cette démission », s'est empressé de commenter Walid Joumblatt sur son compte Twitter, avant de préconiser avec insistance le dialogue, anticipant de la sorte la crise politique que l'initiative haririenne risque fort de provoquer au plan local.
(Dénonciation, compréhension : les réactions, au Liban, après l'annonce par Hariri de sa démission)
Si jusqu'à récemment une démission du chef du gouvernement était présentée à Beyrouth comme une éventualité qui serait l'aboutissement normal des tiraillements au sein de son équipe sur de nombreux dossiers, les principaux arguments développés par Saad Hariri pour motiver sa démission, à savoir le rôle « destructeur de l'Iran et de son bras militaire (le Hezbollah) dans la région et au Liban », ont balayé cette hypothèse et projeté en même temps le pays au cœur d'une confrontation régionale que Beyrouth essayait, souvent maladroitement, d'éviter.
Le discours de Saad Hariri et la terminologie qu'il a employée pour parler de l'Iran et du Hezbollah étaient pour le moins inhabituels. Une première lecture de cette démission suggère que l'Arabie saoudite a mis en marche les moteurs de la confrontation ouverte avec l'Iran et le Hezbollah, annoncée il y a quelques jours par son ministre pour les affaires du Golfe arabe, Thamer Al-Sabhane, dont les propos prennent aujourd'hui tout leur sens. « Je m'adresse au gouvernement parce que le parti du diable (le Hezbollah) y est représenté et parce qu'il est terroriste. Il ne s'agit pas de faire sauter le gouvernement. Il faut cependant que ce parti saute. Ceux qui croient que mes Tweets représentent mon propre point de vue se font des illusions. Ils verront dans les prochains jours ce qui va se passer. Quelque chose d'extraordinaire va se produire. Comme nous avons réussi à éliminer Daech (le groupe Etat islamique) et el-Qaëda, nous viendrons à bout de la tumeur cancéreuse au Liban », avait-il écrit.
Faisait-il référence à une démission du chef du gouvernement ? Pourquoi dans ce cas aurait-il tenu à préciser qu'il ne s'agissait pas de faire sauter celui-ci ? Les informations, diffusées samedi, sur une tentative d'attentat déjouée contre Hariri auraient-elles poussé Riyad à modifier ses plans ? Car, selon certaines informations non confirmées, Saad Hariri aurait été convoqué à Riyad, pour la deuxième fois en moins d'une semaine, parce que les autorités saoudiennes souhaitaient lui faire part de vive voix du plan déjoué pour attenter à sa vie. Autant de questions qui restent donc jusqu'ici sans réponse.
Une procédure inédite
Plus inédite encore est la forme de la démission. C'est à partir du royaume wahhabite où il s'était rendu vendredi, après une première visite de quarante-huit heures, lundi et mardi derniers, que Saad Hariri a annoncé qu'il rendait son tablier - ce qui constitue une première - alors que même si sa décision était motivée par des pressions saoudiennes accrues, il était supposé revenir au Liban, faire part au chef de l'Etat de sa volonté de ne plus diriger l'équipe gouvernementale, avant de rendre sa décision publique. D'aucuns estiment cependant que c'est le risque d'attentat qui serait à l'origine de ce manquement à la procédure protocolaire, d'où la comparaison qu'il a faite avec la période qui a précédé l'assassinat de son père, l'ancien chef du gouvernement, Rafic Hariri, en février 2005.
Quoi qu'il en soit, la démission de Saad Hariri et, surtout, ses motivations, portent un coup sérieux au mandat du président Michel Aoun et sonnent le glas du compromis politique, auquel Riyad avait donné son feu vert et qui avait permis de hisser le fondateur du Courant patriotique libre à la présidence de la République. L'Arabie saoudite où Michel Aoun avait choisi d'effectuer sa première visite, en tant que chef d'Etat, attendait de ce dernier, un allié du Hezbollah, qu'il joue un rôle de premier plan, soutenu par son chef du gouvernement et ses alliés chrétiens, afin de contrer la politique expansionniste du Hezbollah et l'influence grandissante de l'Iran sur le Liban. Riyad avait à maintes reprises exprimé son mécontentement face à « l'aplatissement » de Beyrouth devant Téhéran, critiquant notamment le silence libanais face au dernier discours iranien selon lequel aucune « action ne peut être entreprise en Syrie, au Liban, et en Irak sans le point de vue de Téhéran ».
L'épreuve de force met face à face d'un côté l'Iran et son allié libanais, le Hezbollah, et de l'autre le camp saoudien, soutenu par les Etats-Unis, et, plus discrètement, par une Russie qui se prépare à un règlement politique en Syrie où elle souhaite réduire considérablement l'influence iranienne; mais aussi indirectement par Israël, dont le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, soulignait vendredi combien la "menace" rapprochait l'Etat hébreu des pays arabes. Saad Hariri a choisi son camp, mais sans l'imposer aux Libanais, jetant ainsi la balle dans le camp de Baabda qui a de moins en moins la possibilité d'appliquer la politique du grand écart.
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Car...
commentaires (13)
Israël qui a contrôler le sud pendant 20 ans et qui a feint un retrait forcé par le parti qu ils ont patiemment formé pour qu il devienne, après leur départ, l outil par lequel Israël assurera une pagaille continue dans la région. Pendant ce temps sunnite chiite chrétien et druze et autres aussi se donne des coups de poing pendant qu Israël et ses mandataires rigolent et pompe du pétrole. Pendant ce temps on nous a amener 1.5 millions de réfugies indelogeables pour rajouter à la misère du Liban. Et on continu à jouer au paon... Je suis le plus beau les plus malin et le plus fort... Quel malheur..
Wlek Sanferlou
16 h 46, le 05 novembre 2017