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Liban - Mesures fiscales

Les avocats montent au créneau : la grève ouverte se poursuit jusqu’au respect des revendications

Le barreau rejette la double imposition et la levée de la prescription liée aux impôts.

Le bâtonnier de Beyrouth, Me Antonio el-Hachem. Photo ANI

En grève ouverte depuis le 20 juillet dernier pour protester contre l'échelle des salaires et la nouvelle taxation adoptée par le Parlement, mais aussi contre le projet de budget, le barreau rappelle qu'il ne lèvera son mouvement qu'après avoir obtenu satisfaction au niveau de ses revendications. Dans l'attente, les avocats s'abstiennent de se rendre aux audiences devant les tribunaux et les instances judiciaires (dans l'ensemble du pays) sauf en ce qui concerne les affaires liées aux détenus, aux délais de procédures et aux ventes aux enchères. « Nous tenons à rappeler que nous n'admettons pas les nouvelles mesures fiscales qui nous touchent au même titre que les professions libérales », indique à L'Orient-Le Jour le bâtonnier de Beyrouth, Antonio el-Hachem.

 

Seconde lecture de l'échelle des salaires
Dans un communiqué publié en cours de journée, Me Hachem a tiré à boulets rouges sur le projet de loi de l'échelle des salaires. Il dénonçait l'inconstitutionnalité de cette décision qui a été adoptée alors qu'était à l'étude le budget. L'échelle des salaires doit faire partie du budget, martèle-t-il, insistant sur la nécessité de se conformer aux textes de loi, plus particulièrement l'article 84 de la Constitution. Pointant aussi du doigt les nouvelles charges fiscales qu'il qualifie d'injustes, Me Hachem en appelle au chef de l'État, Michel Aoun, l'invitant à prendre en considération les remarques qu'il lui a transmises lors d'une récente visite au palais de Baabda, avec les présidents des ordres des professions libérales. « Nous l'invitons à renvoyer au Parlement l'échelle des salaires pour une seconde lecture », souligne-t-il. Un appel qu'il réitère au Conseil des ministres, l'invitant « à étudier les nouvelles mesures avec objectivité et précision », se baser aussi sur les observations de l'agence de notation Moody's, qui a estimé que l'adoption par le Parlement du budget « représentera un point positif pour le Liban » (...) dans le sens qu'il « améliorera la transparence » (...) et permettra « la mise en place de réformes ».

 

(Pour mémoire : Aoun soutient les revendications des juges... sans rien promettre)

 

Que réclament donc les avocats aujourd'hui ? Contacté par L'Orient-Le Jour, l'avocat Élie Assaf, président du conseil disciplinaire auprès du barreau de Beyrouth, explique que deux nouvelles mesures fiscales ont particulièrement provoqué l'ire des avocats. D'abord « la double imposition » qui les touchera, liée aux taxes sur les intérêts bancaires (article 17 de l'échelle des salaires, voté au Parlement). « Non seulement nous devrons assumer une taxe portée de 5 % à 7 % sur les intérêts bancaires, mais, lors de notre déclaration fiscale, nous devrons aussi déclarer nos intérêts bancaires et les ajouter à nos recettes, cette imposition étant progressive », dit-il. Et ce à l'instar de toutes les professions libérales, ingénieurs, médecins, dentistes... « Or, la double imposition est mondialement interdite », relève l'avocat, dénonçant par le fait même « une violation du secret bancaire ». Le bâtonnier Antonio el-Hachem dénonce, de son côté, « la triple imposition que risque de provoquer une telle mesure, plus particulièrement pour les personnes ayant un revenu annuel de 100 000 dollars et plus ».

 

Réouverture des dossiers fiscaux
Le second point qui fait polémique concerne la suppression envisagée par la commission des Finances et du Budget du principe de prescription lié aux taxes. Si l'article 36 du projet de budget est adopté, « le fisc pourra désormais rouvrir tous les dossiers fiscaux, même ceux qui remontent à plus de 5 ans, et faire payer au contribuable impôts et amendes », déplore Me Assaf, jugeant inadmissible l'imprescriptibilité des mesures fiscales. « Le problème réside dans le pouvoir discriminatoire et discrétionnaire du fisc », souligne Antonio el-Hachem, faisant part de son « attachement au principe d'égalité par rapport au fisc ». « Le principe de prescription est admis dans tous les pays du monde », insiste le bâtonnier.

C'est dans ce cadre que les avocats poursuivent leur grève ouverte. Et ce parallèlement aux magistrats qui réfutent le jumelage de leurs allocations avec celles des fonctionnaires, dénonçant une atteinte à leur indépendance. Mais, pour l'instant, au niet du corps judiciaire, aucune réaction officielle. Sauf celle de l'ancien ministre de la Justice, Achraf Rifi, qui dénonce l'atteinte au corps judiciaire et à son indépendance. « La cessation des activités dans les palais de justice est un grave précédent », note-t-il dans un communiqué, faisant assumer « au pouvoir politique la responsabilité » de cette grève. « Ils affichent leur indifférence », déplore de nouveau Élie Assaf. « Normal, en cette période de vacances judiciaires », note-t-il. Mais, à partir du 15 septembre, date de la rentrée judiciaire, la pression du corps judiciaire risque de se faire sentir.

 

Pétition de 352 magistrats
Reste à signaler dans ce cadre que 352 magistrats ont signé une pétition adressée au président et aux membres du Conseil supérieur de la magistrature, au président et aux membres du Conseil d'État, ainsi qu'au président et aux membres de la Cour des comptes, réclamant la consécration de l'indépendance de la magistrature et « l'abolition de l'échelle des salaires ». À défaut, les 352 magistrats soulignent qu'ils cesseront « totalement » leurs activités. La pétition souligne que « certains textes législatifs récemment approuvés ont porté atteinte à l'indépendance de la justice et aux magistrats ».

 

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commentaires (1)

Les avocats peuvent être fiers de leur bâtonnier, Antonio el-Hachem qui a su mobiliser autour de l’Ordre des avocats toutes les carrières libérales en vue de faire respecter la Constitution. Quant aux magistrats, ils ont tout notre respect et notre admiration ! 352 signatures, un exploit! Voilà comment une République se construit face à ceux qui s’obstinent à la détruire! Le combat pour un Etat de droit ne fait que commencer et il ne devrait plus s’arrêter!

Citoyen volé

02 h 53, le 08 août 2017

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Commentaires (1)

  • Les avocats peuvent être fiers de leur bâtonnier, Antonio el-Hachem qui a su mobiliser autour de l’Ordre des avocats toutes les carrières libérales en vue de faire respecter la Constitution. Quant aux magistrats, ils ont tout notre respect et notre admiration ! 352 signatures, un exploit! Voilà comment une République se construit face à ceux qui s’obstinent à la détruire! Le combat pour un Etat de droit ne fait que commencer et il ne devrait plus s’arrêter!

    Citoyen volé

    02 h 53, le 08 août 2017

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