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Liban - Magistrature

Aoun soutient les revendications des juges... sans rien promettre

Les professions libérales expriment, elles aussi, leur mécontentement à l'égard des effets de la nouvelle loi sur la grille des salaires.

Les membres du Conseil supérieur de la magistrature entourant le président Aoun. Photo ANI

Le président de la République, Michel Aoun, a réaffirmé hier la nécessité de respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire, soulignant que celle-ci était consacrée dans les textes, tout en s'abstenant de prendre une position concrète au sujet du mouvement de protestation engagé par la magistrature contre la récente loi qui a instauré un régime unique pour les allocations des juges et des fonctionnaires.

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait entamé jeudi dernier une sorte de grève partielle contre ce jumelage, estimant qu'il porte atteinte à la spécificité du pouvoir judiciaire.

M. Aoun s'exprimait lors d'une visite qu'ont effectuée à Baabda le président du CSM, Jean Fahd, et ses membres, le procureur général près la Cour de cassation, Samir Hammoud, le chef de l'Inspection judiciaire, Bourkan Saad, les présidents de cours de cassation, Michel Tarazi, Jean Eid et Ghassan Fawaz, le premier président de la cour d'appel de Beyrouth, Tannous Mechleb, le président de la Chambre d'accusation du Mont-Liban, Afif Hakim, la présidente du service du contentieux, Hélène Iskandar, et le représentant des tribunaux de première instance auprès du CSM, Mohammad Mortada.

La visite s'inscrit dans le cadre de la tournée effectuée ces derniers jours auprès de hauts responsables, notamment le Premier ministre, Saad Hariri, et le président du Parlement, Nabih Berry, en vue de maintenir les dispositions spéciales qui régissent le pouvoir judiciaire et son indépendance. Une indépendance que le président Aoun a reconnue et défendue devant ses visiteurs, affirmant qu'« elle est consacrée par la Constitution, les lois et les règlements ».

Le chef de l'État a en outre indiqué que l'article 20 de la Constitution « accorde aux magistrats des garanties d'indépendance que nul n'est habilité à leur retirer », ces garanties comportant notamment un régime de protection régi par la caisse mutuelle des magistrats, dont l'article 33 de la loi sur la grille des salaires vient d'édicter la soumission au même règlement que la caisse des fonctionnaires.

Les assurances de M. Aoun sont intervenues en réponse à l'exposé que lui a présenté le président du CSM sur les développements qui ont suivi le vote de la loi, et aux propos de celui-ci selon lesquels « les juges sont indépendants au plan de leurs salaires, leurs allocations et leurs indemnités, puisqu'ils ne sont pas soumis au régime des fonctionnaires et à la hiérarchisation prévue dans le cadre administratif public et dans les institutions publiques ».

Le chef de l'État a par ailleurs saisi l'opportunité de cette rencontre avec M. Fahd pour l'appeler à accélérer le processus des nominations judiciaires.

À son cinquième jour, la grève de la magistrature a par ailleurs suscité une remarque cinglante de Walid
Joumblatt, chef du PSP, sur son compte Twitter, à l'encontre des protestataires : « Les juges sont en vacances, pardon, en grève. Mais qu'en est-il du citoyen qui attend un jugement de remise en liberté ou une décision qui statue sur une affaire déterminée ? Lui n'est pas en vacances. »

 

(Pour mémoire : La grève des juges dans son second jour)

 

À l'ordre des avocats de Beyrouth
À l'opposé de M. Joumblatt, les présidents des ordres des professions libérales ont manifesté, hier, leur appui aux magistrats.

Dans une conférence de presse qu'il a donnée à la Maison de l'avocat, en présence notamment des présidents des ordres de la presse, des rédacteurs, des ingénieurs de Beyrouth, des médecins de Beyrouth, des médecins de Tripoli, des dentistes de Beyrouth, et des dentistes de Tripoli, respectivement Aouni Kaaki, Élias Aoun, Jad Tabet, Raymond Sayegh, Omar Ayache, Carlos Khairallah et Idriss Zakaria, le bâtonnier de Beyrouth, Antonio Hachem, a affirmé que ces responsables des différents corps professionnels sont aux côtés des juges, estimant que les revendications de ces derniers « sont légitimes et visent à leur permettre de poursuivre leur action en vue de rendre justice et de réaliser un projet d'État ». « Un projet d'État et non un projet du pouvoir », a ajouté M. Hachem, soulignant que « l'objectif est d'éradiquer la corruption et le gaspillage dans les administrations ».

Le bâtonnier de Beyrouth a par ailleurs vivement stigmatisé la loi sur la grille des salaires, notamment au plan des moyens de financement, jugés « iniques ». Il a dans ce cadre exhorté le président de la République, Michel Aoun, à « remédier aux distorsions résultant du jeu des surenchères politiques et électorales, ayant abouti à l'adoption de l'échelle des salaires à travers une loi expéditive ». « D'autant que le chef de l'État a exprimé son opposition à un vote de la grille avant que de pouvoir en assurer les revenus, et qu'il a rejeté le principe de séparation de cette grille et de la loi sur le budget », a-t-il fait constater.

M. Hachem a en outre fustigé l'idée d'imposer des taxes aux contribuables plutôt que de réduire les dépenses publiques.
« Au lieu d'assurer des recettes "propres" en mettant en place un plan de relance économique visant à renforcer la collecte d'impôts dans toutes les régions et mettre fin à la corruption dans tous les secteurs économiques et administratifs, on s'en prend aux portefeuilles des citoyens et à leurs demandes légitimes », a-t-il asséné.

Le bâtonnier a ainsi estimé que « l'imposition inconsidérée et injustifiée des taxes conduirait à une hausse anarchique des prix et à l'effondrement de l'économie, menaçant le citoyen dans sa vie de tous les jours et favorisant les situations de faillite dont les conséquences seraient les licenciements au lieu des embauches et de croissance ». Concernant plus particulièrement la TVA, le bâtonnier a estimé qu'« elle aurait dû se limiter aux seuls produits de luxe, comme cela avait été proposé à l'origine ». Il a également évoqué l'impôt sur les revenus des professions libérales, déplorant que « les déclarations doivent désormais porter également sur les revenus provenant des intérêts des dépôts en banque ».

En clôture de la conférence, M. Hachem a affirmé que les réunions de la Fédération des ordres des professions libérales resteront ouvertes en vue de « faire face aux mesures fiscales iniques ».

 

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