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Liban - Magistrature

Les juges s’emportent contre une atteinte à leur indépendance

Les députés ont voté une loi instaurant un régime unique pour les allocations des magistrats et des fonctionnaires.

Les magistrats s'abstiendront dès aujourd'hui d'assurer le service normal de leurs fonctions, en signe de protestation contre l'adoption, hier, de la loi sur la grille des salaires édictant le jumelage de leurs allocations médico-sociales avec les caisses des fonctionnaires. Le corps de la magistrature avait pourtant menacé, en mars dernier, d'entamer une grève ouverte dans le cas où ce point du projet de l'échelle des salaires n'était pas retiré. Or, les députés ont fini par voter un article (33) de la loi comportant l'instauration d'un règlement unique, applicable tant aux prestations des fonctionnaires qu'à celles des juges.

Réagissant aussitôt à ce qu'il considère comme une atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), présidé par Jean Fahd, n'a pas tardé à exprimer son mécontentement, appelant tous les juges à s'abstenir, dès aujourd'hui, d'assurer le service normal de leurs fonctions.

« Face aux réactions négatives à l'égard de nos réclamations légitimes de respecter la Constitution qui stipule l'indépendance du pouvoir judiciaire, lequel doit être régi par un droit spécial, notamment en ce qui concerne la caisse mutuelle des magistrats, nous nous trouvons acculés à appeler les juges à s'abstenir dès demain (aujourd'hui) de remplir leurs fonctions, excepté celles liées aux gardes à vue », indique le communiqué publié par le CSM. Parmi les autres points qui suscitent également le mécontentement de l'instance judiciaire, le fait qu'avec l'adoption de la nouvelle loi, « les salaires des fonctionnaires peuvent désormais dépasser ceux des juges ».

 

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Des prestations vitales
Le conseil d'administration de la caisse mutuelle des magistrats, présidé par Ali Ibrahim, a affirmé dans le même esprit que la nouvelle loi « vide de tous ses effets l'objectif de la création de la caisse mutuelle ». Dans un communiqué qu'il a publié, le conseil a fait valoir que « les prestations de la caisse sont vitales pour la dignité des magistrats et de leurs familles », soutenant que ce fonds « doit continuer à bénéficier d'une indépendance administrative ».

C'est justement cette atteinte à l'indépendance de la loi sur la magistrature qui provoque l'indignation d'un juge haut placé, contacté par L'Orient-Le Jour. « De par la Constitution, nous formons un pouvoir au même titre que les pouvoirs législatif et exécutif, et, partant, ce pouvoir indépendant doit continuer à être régi par un droit spécial et non par des lois qui réglementent la fonction publique », martèle le magistrat, critiquant le nouveau texte législatif qui « donne au Conseil des ministres la prérogative d'élaborer un règlement commun à tous les fonctionnaires sans distinction, au plan des allocations de mariage, de naissance, d'enseignement et de décès ». « Notre position est une position de principe », insiste-t-il, stigmatisant dans ce cadre le fait que « même la question des vacances judiciaires a été incluse dans une loi relative à la grille des salaires des fonctionnaires ».

 

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Un point qui a particulièrement suscité la colère de ce juge, c'est que « désormais le gouvernement décide du montant de la contribution de l'État aux différentes caisses – dont la mutuelle des magistrats – sur base des intérêts du service public ». « Auparavant, cette aide parvenait en fonction de nos besoins », regrette-t-il, soulignant que le régime antérieur « favorisait une vie digne qui permettait de produire un bon rendement ».
Et de soulever, par ailleurs, un point qui lui semble injuste : « Avec la nouvelle échelle des salaires, un fonctionnaire de la deuxième catégorie bénéficie de la même rémunération qu'un juge, et un fonctionnaire de la première catégorie touche même un salaire plus élevé », s'étonne-t-il, se demandant si « c'est ainsi que le gouvernement apprécie le travail des magistrats ».

Le mouvement de protestation est-il parti pour durer ? « Nous espérons que les contacts entrepris actuellement avec les responsables porteront leurs fruits », répond le juge, révélant néanmoins que « ces mêmes responsables, appartenant aux différents blocs parlementaires, avaient pourtant promis de répondre à nos revendications ». « Il reste que le ministre de la Justice, Salim Jreissati, nous soutient à fond dans la requête de nos droits », fait-il savoir enfin.

 

 

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