Présentée comme la solution la plus rapide pour augmenter la production d'électricité au Liban, la location de navires-centrales pour déployer jusqu'à 1 000 mégawatts de plus sur le réseau – un projet soutenu par le ministre de l'Énergie et de l'Eau, César Abi Khalil – risque d'être une nouvelle fois retardée. « La direction des adjudications (DDA) a renoncé à examiner les offres financières des candidats sélectionnés à l'issue de l'évaluation technique, comme le lui avait demandé le Conseil des ministres », a indiqué hier à L'Orient-Le Jour une source anonyme proche du dossier, confirmant des informations rapportées le matin même par le quotidien al-Joumhouriya.
Selon la source précitée, la DDA a estimé que l'appel d'offres lancé par le bureau du ministre de l'Énergie pour louer ces navires n'était pas conforme aux règles applicables en matière de marchés publics et ne garantissait pas la concurrence. « Seule une offre sur les quatre qui ont passé le cap de l'évaluation technique était réellement conforme au cahier des charges », poursuit-elle, ajoutant que ce dernier avait en outre été « modifié à plusieurs reprises » depuis le lancement de la procédure. Si elle n'a pas révélé le nom des candidats dont les dossiers ont été transmis à la DDA, la source précitée a affirmé que la seule offre recevable avait été présentée par « une entreprise citée à plusieurs reprises depuis le début de la procédure ». Une référence à peine voilée à la société turque Karadeniz à qui l'État loue déjà deux barges depuis 2013 – le Orhan Bey et le Fatmagül Sultan, qui produisent 370 MW et dont les contrats arrivent à échéance mi-2018.
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Confusion
La location de navires-centrales supplémentaires pour pallier une partie du déficit de production d'Électricité du Liban (EDL) fait partie du « plan du sauvetage » du secteur de l'électricité préparé au début de l'année par le ministre de l'Énergie. Adoptée dans les grandes lignes par le Conseil des ministres le 28 mars, en même temps que les autres axes du plan, cette solution avait été visée par des critique lui reprochant notamment son coût, estimé à plus de 4 milliards de dollars sur 5 ans. Selon plusieurs sources concordantes, cette estimation avait été réalisée sur la base d'une offre de Karadeniz.
Malgré les critiques, le Conseil des ministres avait chargé le ministère de l'Énergie de piloter l'appel d'offres pour attribuer ce marché public. La procédure a été lancée en avril et l'évaluation des offres confiée à une commission ad hoc – composée de représentants du Premier ministre, des ministères de l'Énergie, de la Justice, de l'Environnement, des Finances, ainsi que d'EDL. La DDA a, elle, été écartée. « Selon la loi, un établissement public peut lancer une adjudication sans passer par la DDA. Mais cet argument ne tient pas dans le cas présent parce que l'appel d'offres a en réalité été géré par le bureau du ministre de l'Énergie », commente la source précitée.
Il reste que l'examen des offres par la commission semble s'être déroulé dans une certaine confusion, à en juger par les rares communiqués publiés par les parties chargées de sa gestion. Début mai, la commission indiquait par exemple que seules deux sociétés – Karadeniz et l'américain Sea Power – sur les huit candidats déclarés avaient complété leurs dossiers. À la fin du même mois, EDL annonçait que les huit offres allaient finalement être évaluées par un « consultant international » devant rendre son rapport dans les deux semaines.
« Cette confusion s'explique par le fait que le cahier des charges a été modifié à plusieurs reprises pour correspondre à l'offre de Karadeniz », avance encore la source précitée.
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Il a fallu attendre le 21 juin pour que le Conseil des ministres décide de confier à la DDA l'examen des offres financières des sociétés retenues à l'issue de la phase d'évaluation technique. « Or la DDA a découvert (en recevant le dossier le 29 juin, NDLR) que cette dernière phase n'avait pas été complétée. Elle a alors fait appel au ministre qui a désigné des experts du ministère et d'EDL afin de l'épauler », raconte encore la source. « C'est à l'issue de ce nouvel examen technique que la DDA a pu constater que seule une des trois offres était conforme aux conditions du cahier des charges et a ainsi décidé de ne pas examiner les offres financières », conclut-elle.
Il reste que l'appréciation de la DDA ne s'impose pas au gouvernement qui peut décider de valider la procédure. « La DDA vient de transmettre ses conclusions au ministère de l'Énergie qui doit à son tour remettre son rapport au Conseil des ministres, à qui revient la décision finale », ajoute enfin la source précitée. Selon elle, « la décision du gouvernement de suivre ou pas les conclusions de la DDA ne pourra être justifiée que par des raisons politiques ».
Contacté par L'Orient-Le Jour, le ministère de l'Énergie s'est contenté de renvoyer à un communiqué publié hier par le secrétariat général de la présidence du Conseil des ministres, indiquant que la procédure suivait son cours normal.
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commentaires (8)
Nous constatons chaque jour avec plus d'effarement que tous ceux qui prétendent diriger ce malheureux pays, du plus grand au plus petit, n'ont aucune idée de ce que cela veut dire ! Ils en sont encore au degré de la maternelle...savent se chamailler, prendre ce qui appartient à l'autre, désobéir, courrir et crier bien fort quand quelque chose ne leur plaît pas, c'est tout ! Combien d'années devons-nous encore attendre pour qu'ils deviennent enfin adultes et responsables ? Irène Saïd
Irene Said
16 h 59, le 26 juillet 2017