Hanaa, qui avait perdu l’usage de la parole, aime les cours de chant.
Dans les camps de réfugiés syriens, des milliers d'enfants travaillent pour aider leurs familles à subsister. Petit à petit, l'éducation informelle disparaît, par manque de fonds dispensés par les donateurs. Les Nations unies ont voulu privilégier l'éducation scolaire formelle dans les écoles publiques du Liban. Pourtant, seuls 160 000 des 550 000 enfants syriens réfugiés fréquentent l'école publique. Ceux qui n'arrivent pas à aller à l'école sont livrés à eux-mêmes.
C'est dans ce contexte que les dix-neuf associations libanaises qui étaient présentes dans les camps de réfugiés syriens depuis le début de la crise ont cessé d'être financées, depuis janvier 2017, par les Nations unies, qui versent leurs fonds désormais aux ONG internationales. Certaines ONG libanaises, comme Beyond, tentent de subsister. Le nombre de centres de Beyond est tombé de 107 à 20 en six mois. Les centres sont désormais situés hors des camps de réfugiés syriens, mais demeurent quand même dans les localités qui accueillent un nombre important de déplacés. L'aide de Beyond touchait 22 000 enfants, aujourd'hui elle est uniquement accessible à 6 000.
L'Orient-Le Jour a recueilli le témoignage de quelques enfants pris en charge dans le centre de développement social de Beyond à Saadnayel.
Hanaa a 12 ans. Originaire d'Alep, elle se rend presque tous les jours à ce centre, où toute sorte d'activités sont dispensées : travaux manuels, dessin, chant, musique, théâtre, cours d'arabe, d'anglais et de maths... Le centre vient également en aide aux femmes syriennes, lançant diverses campagnes de sensibilisation et leur assurant un soutien dans leur vie quotidienne.
Quand Hanaa est arrivée il y a presque cinq ans au Liban, elle ne parlait pas. La petite, qui a perdu son père à la guerre, avait vu des proches, victimes d'éclats d'obus, mourir sous ses yeux. Issue d'une famille de huit enfants, elle s'est mise à travailler, à l'instar de nombreux mineurs vivant dans les camps de réfugiés syriens, pour aider sa famille à subsister. Elle a récolté des oignons et des pommes de terre. Elle a aussi travaillé dans les plantations de mouloukhiyé. Elle faisait la cueillette, effeuillait les tiges, lavait les feuilles et les mettait au soleil, tout cela pour le compte d'une usine agroalimentaire. Aujourd'hui, la fillette ne travaille plus. Ce sont trois de ses frères, plus âgés qu'elle, qui trouvent des emplois journaliers.
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« Il a perdu sa main »
Depuis son arrivée au Liban, Hanaa a commencé à fréquenter l'un des centres de Beyond. C'est en apprenant à jouer des instruments de musique qu'elle s'est remise à parler. Aujourd'hui, elle est l'une des élèves les plus assidues du cours de chant. « J'aime le chant et le théâtre. Ici, je me suis fait plein d'amis et je passe du très bon temps », raconte-t-elle. Le plus difficile pour elle en arrivant au Liban ? « Nous avions une maison avec un jardin en Syrie. Je dormais dans une chambre. C'était effrayant de dormir sous une tente... Il y avait des rats aussi », dit-elle. « Mais maintenant je me suis habituée et je ne veux plus rentrer en Syrie, je me suis fait plein d'amis dans le camp et je participe à toutes les activités dispensées ici », s'écrie-t-elle.
Moussa a 12 ans. Il est assis à la table d'une classe de travaux manuels avec d'autres enfants. Il travaille selon les saisons. Dernièrement, il gagnait 6 000 livres par jour en travaillant dans les champs à la collecte de pommes de terre. « Je n'aime pas aller au travail. Nous restons au soleil. Nous sommes obligés de courir derrière le tracteur qui passe pour ramasser les pommes de terre. Souvent, l'homme en charge du chantier nous frappe avec un long bâton pour nous obliger à courir plus rapidement. C'est aussi dangereux si on glisse... Une fois l'un de mes camarades a trébuché. Il ne s'est pas relevé à temps, le tracteur faisait marche arrière et mon camarde a perdu sa main », raconte-t-il.
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Aïcha, 7 ans, Yasmine, 10 ans, Taghrid, 13 ans, et Bouchar, 15 ans, travaillent chaque après-midi. Les avant-midi, elles prennent part aux activités dispensées par le centre de Beyond. En rentrant au camp, elles aident leur mère Kalima, 41 ans, à éplucher de l'ail. Toute la famille s'y met pour remettre tous les jours à des intermédiaires 5 à 7 kilos d'ail qui seront vendus aux restaurants de la Békaa. Et l'été constitue la haute saison. La famille gagne 500 livres libanaises au kilo.
« Mon mari est malade. Toute la famille doit s'y mettre pour pouvoir éplucher et laver 7 kilos d'ail par jour », raconte Kalima. La petite Aïcha se plaint. Comme ses sœurs, elle n'aime pas éplucher l'ail, mais elle est obligée d'aider. « Ça sent mauvais et puis souvent je me blesse avec le couteau », se plaint-elle.
Beyond a également créé des garderies pour les mères qui ont des enfants en bas âge et qui désirent travailler afin d'assurer un revenu familial.
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09 h 18, le 01 juillet 2017