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Liban - Entretien

Ninette Kelley : Connecter l’humanitaire au développement

La directrice du HCR à New York, qui a été représentante de l'organisme au Liban de 2010 à 2015, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

La directrice du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à New York, Ninette Kelley, a occupé de 2010 à 2015 le poste de représentante régionale du HCR au Liban. Mme Kelley joue un rôle de premier plan dans la nouvelle équipe du secrétaire général de l'ONU, Antonió Guterres, qui a lui-même été à la tête de cet organisme pendant dix ans. Basé à Genève, le HCR a pour but de protéger les réfugiés, de trouver une solution durable à leurs problèmes et de veiller à l'application de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951.

Connue pour sa « compassion et son leadership », Ninette Kelley a contribué, durant les cinq ans passés au Liban, à aider le pays du Cèdre et le peuple libanais à faire face aux nombreux défis causés par le grand flux des réfugiés syriens au Liban.

 

L'expérience libanaise vous a-t-elle marquée ?
Cette question m'a été posée après la projection du film Lost in Lebanon à New York. C'est la réponse du peuple libanais qui m'a le plus marquée. Je l'ai dit au Liban et je le répète partout où je vais dans le monde. Cette expérience a changé ma vie. J'ai été impressionnée par la manière dont ce petit pays, en proie à des conflits internes, a accueilli les réfugiés syriens dans ses foyers. Cette histoire est étonnante. Elle devrait être connue du monde entier. Nous n'épargnons aucun effort pour la raconter. Je retiens toutefois un implacable sentiment de profonde tristesse humaine. Le peuple syrien, si attaché à son pays, croyait que la guerre serait de courte durée. La poursuite de la guerre a éloigné tout espoir de retour, et l'avenir semble plus dévastateur. Ce sentiment de tristesse est encore ancré en moi.

 

(Lire aussi : « Les relations sexuelles m’effrayaient. Il m’obligeait donc à boire de l’alcool tous les soirs... »)

 

La décision de l'administration américaine de réduire les budgets de certaines agences humanitaires pèsera-t-elle sur des pays d'accueil comme le Liban, qui souffre de fatigue de l'hospitalité, comme l'a indiqué le coordonnateur spécial adjoint pour le Liban, Philippe Lazzarini ?
Nous devons adopter une approche en ligne avec M. Lazzarini, qui discute avec les bailleurs de fonds et donateurs humanitaires des besoins en cours. Plus de 70 % de la population syrienne au Liban vit en dessous du seuil de la pauvreté, et plus de 50 % dans une pauvreté totale. Et pourtant, un ensemble d'objectifs de développement durable (ODD) a été récemment adopté pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous dans le cadre d'un nouvel agenda de développement durable. Il est important de mettre en place des mesures pour appliquer cet engagement pour tous et d'associer les acteurs du développement. À cet égard, le Liban a été en quelque sorte novateur parce qu'il a rassemblé de nombreux donateurs bilatéraux qui ont contribué, avec un fonds de développement, à aider et investir dans les secteurs médicaux et de la santé, ainsi que dans le secteur de l'éducation pour fournir un service amélioré à la fois aux Libanais et aux réfugiés. C'est ce genre d'initiative qu'il faut appuyer pour connecter l'humanitaire au développement. Le mécanisme de financement concessionnel de la Banque mondiale a alloué des montants considérables pour le Liban et la Jordanie. Mais, pour recevoir ces fonds, des changements institutionnels doivent être apportés.

 

(Lire aussi : « Maintenant, je me suis habituée... Je ne veux plus rentrer en Syrie... »)

 

Le programme de réinstallation des réfugiés syriens dans des pays tiers est-il en marche ?
Nous avons un programme de réinstallation à l'échelle mondiale. Plus de 180 000 réfugiés à majorité syrienne ont été accueillis l'an dernier aux États-Unis, au Canada et en Australie. Nous continuons à encourager les pays à s'inscrire pour faciliter leur réinstallation, tout en espérant que ce programme soit plus vaste et offre plus d'opportunités pour le regroupement familial, pour des bourses d'études, afin de leur assurer un brillant avenir.

 

Les enfants de réfugiés syriens nés au Liban ont-ils droit à l'enregistrement ?
La loi libanaise exige l'enregistrement des naissances. Le processus d'enregistrement en six étapes est toutefois compliqué. Il doit être fait dans un délai d'un an. Selon les tout derniers chiffres du HCR, plus de 120 000 enfants sont nés au Liban depuis le début de la crise syrienne. Près de 78 % sont sans certificat de naissance du bureau d'enregistrement étranger (...). Près de 85 % ont maintenant des certificats du moukhtar, mais le manque de résidence légale est un obstacle dans la procédure ainsi que le délai d'un an.

 

Quelle est l'importance de la déclaration de New York pour le Liban ?
Un plan a été mis en place pour le Liban et la Jordanie, qui intègre à la fois les réponses humanitaires et les actions de développement pour soutenir le gouvernement et les communautés d'accueil. La déclaration de New York, signée par les États membres en septembre dernier, est un moyen positif de réponse aux grands mouvements de réfugiés. Nous menons depuis cinq ans une forte lutte pour que les acteurs du développement s'intéressent aux déplacements des réfugiés. Nous constatons enfin les progrès au niveau international. Je pense que la déclaration de New York est un important tremplin pour cet effort.

 

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