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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’art, la contemplation amoureuse et la psychanalyse (9) « Girl with the Pearl Earring » (suite)

Nous avons vu la dernière fois comment Vermeer (Colin Firth), en mal d'inspiration, de production et d'argent finit par sortir de son inhibition lorsqu'il rencontre Greet (Scarlett Johansson). Il est vite fasciné par le visage de cette femme engagée comme servante peu de temps auparavant. À cette beauté envoûtante de Greet s'ajoute chez elle un sens inné de la lumière, des formes et des couleurs. Ainsi, lorsque la femme et la belle-mère du peintre lui demandent de nettoyer les fenêtres de l'atelier, et qu'elles la voient hésiter, elle répond, candide « Mais ça peut altérer la lumière... »

Progressivement, Vermeer tombe sous son charme. Ce qui déclenche une jalousie féroce de la part de sa femme. Le moindre regard que jette le peintre à la servante est épié. Sa femme et sa fille se consument de jalousie. La jeune adolescente ira jusqu'à voler un des bracelets de sa mère pour faire accuser la servante. Cette jalousie féroce donne à voir l'importance du regard que pose le maître sur le visage de la servante.
Non seulement le peintre va finir vite le tableau sue lequel il butait, il propose à Greet de la peindre en secret. Leurs rendez vous prennent vite l'allure de rencontres amoureuses. Les échanges de regard entre eux deviennent fascinants pour le spectateur qui voit en même temps un état amoureux et le rapport du maître au modèle. Les rendez-vous secrets, la contemplation par Vermeer de son modèle et le regard de Greet qui se fond et se confond avec celui du maître nous montrent ce qui est à l'origine de l'état amoureux et tout autant du rapport du peintre à son modèle : la contemplation de la mère par le nourrisson et du nourrisson par la mère.

 

La contemplation de la mère par le nourrisson
Si on observe bien deux amoureux se contemplant, coupés du monde extérieur comme on en voit souvent sur les bancs publics à Paris, on ne peut pas ne pas penser à un autre couple amoureux constitué par la mère et son nourrisson au sein (ou au biberon). Comme on l'a vu souvent, l'enfant n'a aucune espèce de perception de ce qu'il est. Il est le regard de la mère, il est son odeur, il est sa voix, il est sa peau. Sur le pur plan ontologique. Cette coupure par rapport au monde extérieur a fait dire à Roland Barthes que « le discours amoureux est d'une extrême solitude ». Et c'est bien cette solitude qui fait point commun entre l'état amoureux, le rapport du maître au modèle. Et si continue Barthes « ce discours n'est soutenu par personne...qu'il est abandonné des langages environnants, ignoré, déprécié ou moqué par eux... », j'avance avec vous l'hypothèse suivante : c'est parce qu'il réveille en nous le souvenir tabou et interdit de notre première enfance, l'amour fusionnel et incestueux avec la mère.

Lorsque la femme de Vermeer fait irruption dans l'atelier de son mari et voit le tableau sur le point d'être fini, La jeune fille à la perle, elle crie « C'est obscène » et se jette sur le tableau pour le déchirer. Ce n'est pas parce qu'elle a vu l'une de ses perles accrochée à l'oreille de Greet, et qu'elle en est terriblement jalouse, mais bien parce qu'elle a vu l'horreur : le regard de Greet saisi dans sa propre contemplation du maître, perdu dans celui de Vermeer. Cette scène primitive, est encore plus attirante et plus effrayante que celle imaginée par Freud, celle du rapport sexuel entre les parents surpris ou fantasmé par l'enfant. Cette autre scène primitive fut observée par saint Augustin : l'enfant pétrifié par l'envie (invidia) devant le spectacle de son frère de lait au sein de sa mère. Par l'envie et non par la jalousie. L'envie le pousse à vouloir briser ce qu'il perçoit : la complétude de la mère et de l'enfant, complétude dans laquelle il était lui-même peu avant la naissance du nouveau-né.

Du couple amoureux au couple du maître et de son modèle, la fusion des regards dans la contemplation produit cette complétude insupportable à l'autre qui regarde de l'extérieur.

 

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