Rechercher
Rechercher

Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’art, la contemplation amoureuse et la psychanalyse (8)

La production artistique ressemble bien à un état amoureux. L'artiste est amoureux de son modèle. Le modèle inspire l'artiste en le libérant de ses inhibitions, de sa censure, du refoulement. Comme il en est dans l'état amoureux.

 

« Girl with a Pearl Earring »
Le film de Peter Webber, sorti en 2003, Girl with a Pearl Earring (« La jeune fille à la perle »), adaptation du roman éponyme de Tracy Chevalier, retrace l'histoire de Johannes Vermeer (Colin Firth) et de son modèle, Griet (Scarlett Johansson), qui venait de s'engager comme servante dans la famille du peintre. On est au XVIIe siècle, considéré comme l'âge d'or de la peinture hollandaise. Peint entre 1665 et 1666, l'identité du modèle reste une énigme : qui est la mystérieuse jeune fille ? Ce mystère n'est pas étranger à l'histoire de la relation entre le peintre et son modèle : le peintre contemple un visage et cherche par tous le moyens à le reproduire sur sa toile.

Lorsque Griet intègre la maison du peintre comme servante, elle le fait pour aider ses parents dans la misère. On remarque tout de suite qu'elle a un certain niveau culturel, le père de Griet, aveugle, ayant été lui aussi un peintre amateur. Dans la maison de Vermeer, elle s'occupe du ménage, des six enfants, cherche à se rendre agréable à la femme du peintre, à sa belle-mère et devient vite proche de la gouvernante. Tout de suite, dès l'arrivée de Griet, Cornelia, la fille adolescente du peintre, pressent le danger en voyant son extraordinaire beauté. Comme toujours les enfants, bien avant leurs parents, sentent si l'un d'eux va tomber amoureux, et de qui. Et Cornelia va tout faire pour que la bonne soit chassée de la maison, l'accusant d'un vol qu'elle a elle-même commis. Au début, Griet occupe sa place de servante avec beaucoup d'humilité et de soumission vis-à-vis de l'épouse et de la belle-mère du peintre.

Mais lorsque la femme du peintre lui demande de nettoyer l'atelier du maître, tout va changer. Griet est fascinée par les peintures de Vermeer et les objets qui occupent son atelier. Le maître ne l'a toujours pas remarquée. D'un objet à l'autre, Griet va tomber sur un miroir posé à côté d'un tableau. Elle se voit dans le miroir, constate sa beauté, comme pour la première fois, ce qui prélude à la place qu'elle allait occuper dans le tableau du maître. Et lorsque l'épouse et la mère lui demandent de nettoyer les fenêtres de l'atelier, elles sont saisies par la réponse de la servante : « Mais cela peut altérer la lumière... » Encore plus que sa beauté, cette réponse indique son degré de perception et de finesse artistiques et en fait définitivement une rivale pour l'épouse qui va la détester. Plus terre à terre, la belle-mère va chercher à en profiter.

Lorsque le peintre la voit pour la première fois, il se détourne comme pour ne pas voir ce qu'il allait voir, à savoir qu'elle allait être sa muse. Progressivement il sort de son inhibition et se remet au travail alors qu'il était dans l'impuissance depuis plusieurs mois. La belle-mère s'en rend compte et va favoriser plutôt la relation de son gendre avec la servante. Elle espérait que Vermeer allait se remettre au travail pour nourrir une grande famille qui commençait à être dans le besoin. Progressivement, le peintre devient dépendant de sa muse. Il finit le tableau sur lequel il butait depuis plusieurs mois, tableau commandé par son protecteur et mécène. Et en secret, il commence à peindre Griet, alors qu'il était connu pour ne jamais peindre deux tableaux à la fois.

L'attirance entre le peintre et son modèle devient de plus en plus intense. Deux scènes en témoignent. L'une où l'on voit leurs mains se rapprocher au point de se toucher, mais ils sont gênés par la voix de la belle-mère qui appelle Griet. L'autre, beaucoup plus troublante, où Vermeer demande à Griet plusieurs fois de s'humecter les lèvres pour leur donner toute leur valeur sensuelle. Cette fois, le peintre s'éloigne de lui-même et ne succombe pas à la tentation du baiser. Quant à Griet, elle court soulager cette tension érotique auprès du jeune Peter, son prétendant qui n'attendait que cela. Et c'est grâce à ce renoncement que Vermeer va s'adonner à la contemplation amoureuse qui va lui permettre de réaliser l'un des plus beaux tableaux de la peinture. Nous verrons la prochaine fois l'importance de la contemplation dans le phénomène amoureux et dans le rapport du peintre à son modèle ou sa muse.

 

Dans la même rubrique

La folie, l'art et la psychanalyse (7)

La folie, l'art et la psychanalyse (6)

La folie, l'art et la psychanalyse (5)

La folie, l’art et la psychanalyse (4)

La folie, l’art et la psychanalyse (3)

La folie, l'art et la psychanalyse (2)

La folie, l’art et la psychanalyse (1)

La production artistique ressemble bien à un état amoureux. L'artiste est amoureux de son modèle. Le modèle inspire l'artiste en le libérant de ses inhibitions, de sa censure, du refoulement. Comme il en est dans l'état amoureux.
 
« Girl with a Pearl Earring »Le film de Peter Webber, sorti en 2003, Girl with a Pearl Earring (« La jeune fille à la perle »), adaptation du roman...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut