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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

La folie, l’art et la psychanalyse (4)


Nous avons vu la dernière fois comment et pourquoi Freud « résistait » à l'art, à la psychose et à la fin de l'analyse, cette dernière libérant le patient de tout lien de dépendance à l'Autre, et particulièrement à l'institution.

Quant à Lacan, dans son retour au texte de Freud, il opère un franchissement des résistances de Freud, déniées par l'institution. L'un et l'autre ont un rapport opposé au « vide ». Freud a horreur du vide alors que Lacan en fait la condition même de l'affranchissement du futur analyste et de la créativité de l'artiste. Pour Freud, dans « Analyse finie, analyse infinie », texte canonique pour les analystes de l'Association psychanalytique internationale (IPA) : « L'homme ne veut pas se soumettre à un substitut du père, il ne veut se sentir obligé à aucune reconnaissance. » Mettre la reconnaissance au même plan que la soumission dans le rapport père/fils est indigne d'un Freud. Il aurait pu s'inspirer de Nietzsche : « On ne rend jamais son dû à un maître quand on en reste toujours, et seulement, l'élève. »

Lacan a bien vu cette impasse de Freud et ira plus loin : « À la fin de l'analyse, l'homme n'a d'aide à attendre de personne... Il saura sans avoir eu de maître... Il retrouvera de lui-même en lui-même sa science » (référence au Ménon de Platon). Et pour mettre fin à la relation à l'Autre, relation faite de sujétion et de soumission/révolte, le futur analyste doit vivre l'« expérience du désarroi absolu au niveau duquel l'angoisse est déjà une protection ». Ainsi, pour que naisse le désir de l'analyste et dépasse le désir de l'Autre (ici l'institution), l'expérience passe par un affrontement de la détresse absolue où l'homme, dans son rapport à lui-même qui est sa propre mort, fait l'épreuve d'une sorte de « seconde mort » où l'Autre, Dieu, le Maître, le Père sont barrés.

L'artiste et le psychanalyste ont à se confronter avec le vide.
Dans un texte lumineux écrit il y a 50 ans, « La Proposition du 9 octobre 1967 », proposition écrite pour mettre en place une procédure de témoignage du candidat analyste quant au « passage » que constitue pour lui la fin de l'analyse, Lacan reprend en une formule radicalement subversive toutes les avancées qu'il a faites sur la fin de l'analyse : « Qui a articulé ce S de grand A barré n'a nul stage à faire, ni dans les Biens Nécessaires, ni parmi les Suffisances pour être digne de la Béatitude des Grands Ineptes de la technique régnante. » Lacan qualifiait ainsi les trois niveaux hiérarchiques de l'IPA, et voulait dire que le futur analyste qui a poussé le plus loin possible son analyse, qui a pu produire le mot de la fin et qui a fait ainsi l'expérience du « vide », celui-là n'a besoin d'aucun maître ni d'aucune institution pour le former.
Pour ce qui est de l'artiste, Lacan dira à l'adresse des analystes : « De l'art et de la leçon de l'artiste, il vaut mieux en prendre de la graine. » C'est-à-dire « d'en tirer une leçon, un exemple à suivre, un modèle à imiter ». Pour Paul Laurent Assoun, ce coup de chapeau de Lacan à l'artiste concerne un « processus de germination... où l'art serait comme un surgeon greffé sur la psychanalyse, fécondant l'usage du savoir de l'inconscient ».

Nous pouvons illustrer cela par le phénomène de la contemplation. La contemplation d'une œuvre d'art comme celle d'une femme dont on est amoureux produit un effacement de celui qui regarde au profit de la « vision souveraine », très belle expression de Georges Bataille. « Le regard amoureux se change en regard-substance, mes yeux n'étant plus en moi car je suis dans mes yeux », dit le poète Charles Bachat qui ajoute : « Annie vivait en moi comme si son regard avait chassé le mien. »
Nous retrouvons cette contemplation dans la relation mère-nourrisson. Le nourrisson est le regard de sa mère, sa voix, son odeur... Il l'est ontologiquement parlant, il n'est rien d'autre. D'où la magie de l'état amoureux.
Nous verrons la prochaine fois que la folie et l'art constituent un regard sur la « Scène primitive ».

 

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Quant à Lacan, dans son retour au texte de Freud, il opère un franchissement des résistances de Freud, déniées par l'institution. L'un et l'autre...

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