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À La Une - Turquie

Divisés, les ultranationalistes maîtres du destin d'Erdogan

Si le Parti d'action nationaliste (MHP) dirigé par Devlet Bahçeli s'est rangé derrière le président turc, sa base électorale est fortement divisée.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, prononçant un discours devant une foule de partisans, le 14 avril à Konya. Photo AFP PHOTO/TURKISH PRESIDENTIAL PRESS SERVICE/KAYHAN OZER

Le président turc Recep Tayyip Erdogan aura tout fait pour gagner leurs faveurs: hausser le ton contre l'Europe, durcir la répression des milieux prokurdes et relancer le débat sur la peine de mort.

Les ultranationalistes sont au centre de toutes les attentions depuis que M. Erdogan s'est allié à eux pour mettre en oeuvre une révision constitutionnelle qui renforcerait considérablement ses pouvoirs, un texte soumis dimanche à référendum.
Mais si le Parti d'action nationaliste (MHP) dirigé par Devlet Bahçeli s'est rangé derrière M. Erdogan, sa base électorale est fortement divisée, et plusieurs figures majeures du mouvement s'opposent énergiquement à la réforme.

C'est le cas de Meral Aksener, une ex-ministre de l'Intérieur de 60 ans qui jouit d'une forte popularité. Expulsée du MHP en septembre après avoir tenté de renverser M. Bahçeli, elle s'est imposée comme l'une des principales figures du camp du non au référendum.

Ces divisions posent un risque pour M. Erdogan, car le vote nationaliste sera d'autant plus "crucial" que le scrutin s'annonce serré, souligne Samim Akgönül, professeur à l'université de Strasbourg (est de la France).
Conscient que l'issue du référendum dépendra grandement de sa capacité à rameuter ses troupes, le MHP a expulsé plusieurs de ses cadres qui s'opposaient à la réforme constitutionnelle.

Le rapprochement entre MM. Erdogan et Bahçeli peut surprendre. Les deux hommes, qui partagent un style politique viril, ont échangé des mots très durs par le passé.
Si le oui l'emporte, "le MHP sera encore plus fort", justifie à l'AFP l'un des adjoints de M. Bahçeli, Mehmet Günal. Les observateurs estiment que le dirigeant du MHP pourrait être nommé vice-président si le oui l'emporte au référendum.

M. Erdogan, qui multiplie désormais les compliments à l'endroit de son vieil ennemi, a effectué un geste symbolique en se rendant sur la tombe du fondateur du MHP, Alparslan Türkes, pour commémorer le 20e anniversaire de sa mort.

 

(Lire aussi : Pour Erdogan, un « oui » massif... ou rien)

 

'Bataille âpre'
Allant plus loin encore, le Premier ministre Binali Yildirim a effectué de la main le geste des Loups Gris, une faction ultranationaliste associée dans le passé à de nombreux assassinats politiques visant des militants kurdes ou de gauche.

Le défi, pour M. Erdogan, est de "convaincre les fascisants nationalistes qu'il est le premier des Loups Gris", indique M. Akgönül.
La voie à suivre est étroite pour M. Erdogan, qui doit donner des gages à cet électorat sans s'aliéner totalement les conservateurs kurdes, une frange non-négligeable de ceux qui votent traditionnellement pour l'AKP.

Mais pour bon nombre d'ultranationalistes, qui digèrent mal les concessions passées du gouvernement faites aux Kurdes et l'accueil de près de trois millions de réfugiés syriens, le soutien de M. Bahçeli à M. Erdogan sonne comme un parjure.

"Plus de 90% des nationalistes vont dire non", assure à l'AFP à Ankara Sinan Ogan, un ancien cadre du MHP expulsé, qui fait notamment campagne sur le fort sentiment anti-syrien en Turquie.
"M. Bahçeli commet une erreur. Il est en train de nous trahir", déplore Sezai Dursun, 63 ans, un militant de la première heure du MHP.
"Pourquoi M. Devlet (Bahçeli) soutient ce changement constitutionnel qui renforcera Erdogan ? Sa mission, ce n'est pas d'aider ses rivaux", ajoute un autre sympathisant ultranationaliste, Sahin, 51 ans, lors d'un récent meeting de Mme Aksener.
Cette dernière s'est imposée comme l'une des principales figures du camp du non, et sa voix porte au-delà des cercles nationalistes.

 

(Lire aussi : Que pensent les Turques à l’approche du référendum ?)


Charismatique, adepte des bons mots, elle est l'une des rares à oser attaquer M. Erdogan sur son alliance passée avec le prédicateur Fethullah Gülen, devenu aujourd'hui pire ennemi du président turc qui lui impute une tentative de coup d'Etat en juillet.
Sa campagne pour le non au référendum a été émaillée de plusieurs incidents dénoncés par son camp comme des actes de sabotage. Lors d'un discours en février, l'électricité de la salle dans laquelle elle s'exprimait a été coupée.

Le référendum dimanche aura également valeur de test pour le MHP, en révélant si une majorité de sa base soutient ou rejette la ligne fixée par M. Bahçeli.
Si le non l'emporte, souligne M. Akgönül, "le MHP peut être la scène d'une bataille âpre".

 

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