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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Pourquoi la diaspora turque peut faire basculer le référendum

La renaissance de l'émigration politique post-putsch, une nouvelle problématique pour Erdogan.

Des partisans de Recep Tayyip Erdogan à un meeting privé à Kelsterbach, en Allemagne, le 6 mars 2017. Boris Roessler/AFP

Le temps presse et la campagne s'intensifie pour le président turc, Recep Tayyip Erdogan. À deux semaines du référendum constitutionnel visant à élargir les pouvoirs du président, les sondages annoncent un résultat très serré en Turquie, où le « oui » et le « non » se talonnent. Invitée à voter dès le 27 mars, la diaspora turque, qui représente environ 8 millions de personnes, dont 6,1 millions en Europe, pourrait contribuer à faire pencher la balance d'un côté comme de l'autre. À noter que le nombre d'électeurs de la diaspora mondiale se chiffre à 2,9 millions.

Des meetings en faveur du « oui », auxquels devaient participer des ministres turcs, avaient été organisés dans plusieurs pays d'Europe pour mobiliser cet électorat traditionnellement fidèle à l'AKP (parti de la Justice et du Développement). Mais, début mars, nombre de ces réunions ont été annulées dans plusieurs villes d'Allemagne, des Pays-Bas, d'Autriche, de Suisse et du Danemark, déjouant les plans du parti au pouvoir. « Cela a toutefois permis à Erdogan de jouer à fond la carte de la victimisation », affirme Didier Billion, directeur de l'IRIS et spécialiste de la Turquie contemporaine, interrogé par L'Orient-Le Jour. Le président turc a saisi cette occasion pour se poser en défenseur de la démocratie, accusant les Européens de le faire taire. « Du même coup, il fait écho aux frustrations auxquelles peut faire face une partie des expatriés turcs, notamment celle d'être considérés comme des citoyens de seconde zone », analyse pour L'OLJ Jean Marcou, professeur des universités à l'Institut d'études politiques de Grenoble.

 

(Lire aussi : Le parti prokurde dénonce un « embargo médiatique » en Turquie)

 

En se présentant comme le seul susceptible de se battre pour leur reconnaissance, le président turc s'offre une image de prestige auprès de ces ressortissants. S'il est la cible des critiques en Europe, les derniers rebondissements diplomatiques « n'ont pas ébranlé l'électorat de l'AKP à l'étranger, mais pourraient même le renforcer », affirme M. Billion.
Au cours des derniers scrutins, les scores du parti au pouvoir étaient plus importants au sein de la diaspora qu'en Turquie même. Lors des législatives de juin 2015, l'AKP avait récolté 50 % des voix en France, contre 40 % sur le résultat global. Les membres de la diaspora, dont la plupart sont issus d'Anatolie, la région asiatique de la Turquie, constituent une population majoritairement conservatrice, plus encline à voter pour l'AKP. Nombre de ces expatriés reviennent ponctuellement en Turquie et y constatent les améliorations économiques effectuées depuis leur départ, qu'ils attribuent au parti du président, renforçant ainsi son aura.

 

(Lire aussi : À l’approche du référendum turc, les partisans du « non » se veulent optimistes)

 

Le vote pour l'AKP n'est pas gagné
L'AKP a particulièrement ciblé cet électorat depuis son accession au pouvoir en 2001. M. Erdogan a plusieurs fois appelé les membres de la diaspora à s'intégrer, mais ne pas s'assimiler, pour s'assurer de leur attachement à la patrie. Ces dernières années, un effort particulier a été fourni pour renforcer ce lien, via l'adoption d'une nouvelle loi électorale en 2014, qui permet aux expatriés turcs de voter aux scrutins de leur pays d'origine depuis leur pays d'accueil, alors qu'auparavant ils devaient se déplacer en Turquie ou dans les aéroports. « Depuis l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, les taux de participation de la diaspora aux élections turques a grimpé », affirme M. Billion. Une participation qui attire de plus en plus l'attention des autres partis politiques turcs, qui ont compris que cette masse électorale pouvait peser dans la balance.

Ainsi, pour la première fois depuis 15 ans, les voix de la diaspora turque ne sont pas gagnées pour l'AKP. Les affrontements entre partisans et opposants de M. Erdogan, qui ont eu lieu la semaine dernière devant l'ambassade de Turquie en Belgique, rappellent à quel point cette diaspora est politiquement polarisée, comme le reste de la population. Un phénomène qui pourrait s'accentuer, car la Turquie fait face à la renaissance d'une émigration politique, notamment depuis le coup d'État avorté du 19 juillet 2016. « De plus en plus d'opposants à Erdogan émigrent en Europe, et ils devraient avoir une influence sur les membres de la diaspora », explique M. Marcou.
Une influence qui n'existait pas ou peu auparavant, et qui place l'AKP face à une nouvelle problématique.

 

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