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Moyen Orient et Monde - Portraits

Que pensent les Turques à l’approche du référendum ?

Qu'elles militent pour le « oui » ou pour le « non », elles ont chacune sa vision de la politique d'Erdogan.

Une militante du « non » à Istanbul, lors d’une marche pour la Journée de la femme, le 5 mars 2017. Murad Sezer/Reuters

Les citoyens turcs s'apprêtent à voter pour ou contre la réforme constitutionnelle en Turquie. Le 16 avril, le résultat des urnes permettra, ou non, au président Recep Tayyip Erdogan d'amender la Constitution en vigueur pour s'offrir un régime présidentiel taillé sur mesure. Représentant une bonne partie de l'électorat, les femmes turques, qu'elles militent pour le « oui » ou pour le « non », ont chacune sa vision de la politique dans leur pays.

Mehlika : La Turquie a besoin d'un homme fort pour s'imposer sur la scène internationale
Mehlika, 36 ans, est très active. Diplômée d'un master en traduction, elle se définit comme étant une femme moderne et éduquée. Assise dans le salon de sa mère à Güngören, un quartier résidentiel éloigné du centre d'Istanbul, après une longue journée de travail, elle raconte son parcours. Après avoir vécu trois ans à Bordeaux, où elle a perfectionné son français, elle revient s'installer en 2009 à Istanbul avec son mari. Elle est alors agréablement surprise par les changements qu'elle observe. « Erdogan a ramené un nouveau souffle à notre pays, c'est un homme de réformes », remarque-t-elle avec satisfaction. Elle votera « oui » lors du référendum en espérant que la Turquie devienne une grande puissance, totalement indépendante des pays occidentaux. Mehlika soutiendra jusqu'au bout le projet de réforme constitutionnelle de son leader : « Depuis 15 ans, Erdogan n'a fait qu'améliorer la situation des femmes. Il n'est pas sexiste. L'inégalité à laquelle il fait référence, c'est l'inégalité physique. Au contraire, l'AKP pousse les femmes à être actives et à avoir une vie sociale. » Cette mère d'un jeune garçon de 8 ans mentionne notamment les aides qu'elle a reçues pour poursuivre son master ou les primes octroyées aux grands-mères pour qu'elles gardent les enfants dans le cas où la maman travaille. « Avant, c'était les Beyaz Türkler (les Turcs blancs de la haute bourgeoisie) qui avaient le monopole de toutes ces activités. Maintenant, il y a plus d'égalité, c'est pour ça que les élites sont énervées », estime-t-elle.


(Lire aussi : Pour Erdogan, un « oui » massif... ou rien)

 

Nermin : Je ne veux pas que tous les pouvoirs soient concentrés dans les mains d'un seul homme
Nermin, 29 ans, travaille comme femme de ménage dans un petit hôtel à Beyoglu, dans le centre d'Istanbul. Mère de deux enfants, elle est issue d'une famille nationalo-conservatrice. Nermin est née et vit à Fatih, un quartier historique du centre d'Istanbul. Elle a toujours voté pour l'AKP. « Erdogan a nettement amélioré le secteur des transports, le système de santé et la condition des musulmans pratiquants, commente la jeune femme, mais je ne veux pas pour autant que tous les pouvoirs soient concentrés dans les mains d'un seul homme. Il a fait ce qu'il avait à faire en tant que président, mais ça ne lui concède pas le droit de s'octroyer tous les pouvoirs ! » Nermin votera non au référendum. Un choix motivé par une conjoncture économique de plus en plus délicate à laquelle elle n'est pas insensible : « Le coût de la vie a beaucoup augmenté ces dernières années, mais le salaire minimum n'augmente pas, déplore-t-elle. Nous devons payer beaucoup trop de taxes. Mais à quoi donc tout cet argent est-il utilisé ? »


(Lire aussi : "Oui" ou "Non" ? La Turquie déchirée avant le référendum)

 

Nisan : Le seul moyen d'arrêter le gouvernement, c'est de voter non au référendum
Nisan est une jeune étudiante en droit de 22 ans, membre fondatrice d'une organisation féministe du nom de Yeryüzü. Présente lors d'un meeting organisé à l'occasion de la Journée internationale des droits de la femme avec d'autres militantes féministes, Nisan critique sévèrement le système politique basé sur des valeurs patriarcales, l'instrumentalisation des femmes et le manque de moyens dans la lutte contre les féminicides en Turquie. « Nous connaissons bien le point de vue du gouvernement sur les femmes, explique la militante, et le seul moyen que l'on a de les arrêter, c'est de voter non au référendum. » Malgré les pressions qui pèsent sur les opposants au régime, Nisan refuse d'avoir peur et votera non au référendum. Dans ses discours, M. Erdogan a d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises que ce sont les putschistes et les terroristes qui souhaitent la victoire du « non » le 16 avril. La jeune femme déplore ce climat de tension : « C'est justement pour cela que l'AKP est si fort : les gens ont peur et n'ont plus d'espoir. Certains n'iront pas voter. »

Esra : Ce n'est pas le bon moment pour changer de Constitution
Esra fait partie des indécis : elle n'a pas encore pris sa décision. La jeune femme de 30 ans habite avec ses parents et sa sœur à Fatih. Esra est musulmane pratiquante et critique vigoureusement les politiques mises en place par les anciens gouvernements kémalistes qui l'ont empêchée pendant de nombreuses années de poursuivre des études universitaires car elle porte le voile. Elle salue donc la réforme sur la libéralisation du foulard dans les universités et dans la fonction publique menée par l'AKP. Mais la jeune fille ne voit pas d'un bon œil un changement de Constitution immédiat : « La situation régionale est trop instable actuellement pour que l'on opère une telle réforme. J'ai peur que les conflits des pays voisins ne gagnent mon pays. » Elle insiste surtout sur la nécessité de prendre le temps de réfléchir aux enjeux de tels changements constitutionnels. En effet, Esra redoute l'après-Erdogan et se demande quel autre candidat politique sera capable d'assumer de telles fonctions dans le futur.

 

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