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Moyen Orient et Monde - Frappes US en Syrie

Donald Trump s’installe aux antipodes de Barack Obama

Profitant de l'emballement médiatique autour des attaques chimiques, le président américain a compris « qu'il peut se positionner en sauveur ».

Le président américain Donald Trump annonçant son offensive militaire en Syrie, à Mar-a-Lago, en Floride, hier. Jim Watson/AFP

Donald Trump n'est pas Barack Obama. Et il ne manque pas une occasion de le rappeler. Son prédécesseur avait renoncé à intervenir après les attaques chimiques contre la Ghouta en 2013, alors que la ligne rouge qu'il avait lui-même tracée avait été franchie par le régime de Bachar el-Assad. L'actuel locataire de la Maison-Blanche a fait tout le contraire : pas de ligne rouge, mais des frappes punitives contre le régime en réponse à l'attaque chimique contre Khan Cheikhoun, imputée au régime, qui a fait au moins 86 morts, dont 27 enfants. La volte-face du 45e président américain a pris tout le monde de court. Hier, vers 03h40 heure locale, 59 missiles de croisière Tomahawk ont été tirés par deux navires américains en Méditerranée sur la base aérienne syrienne d'al-Chaayrate, dans le centre de la Syrie. L'armée syrienne a fait état de près de 6 morts et de quelques blessés. Quelques heures plus tard, l'agence de presse officielle Sana a annoncé la mort de 9 civils, dont des enfants, dans des villages environnants. Dans une adresse solennelle à la télévision, le président américain a expliqué que ces frappes étaient « directement liées » aux événements « horribles » de mardi. Comme pour montrer que le recours aux armes chimiques, interdites par le droit international, ne pouvait rester impuni.

 

(Lire aussi : Ce qu'il faut comprendre de l'attaque US contre la base syrienne)

 

 

Une annonce surprise
C'est la première fois que les États-Unis interviennent volontairement contre le régime Assad depuis le début du conflit en 2011. C'est aussi la première grande décision du « Donald » sur la scène internationale. Une décision qui tranche radicalement avec les déclarations tenues jusqu'alors par le locataire de la Maison-Blanche en matière de politique étrangère. Plutôt considéré comme un isolationniste, le milliardaire américain avait fait de l'America First sa seule doctrine en relations internationales. Quitte à accentuer le désengagement américain, entamé par son prédécesseur, au Moyen-Orient. À coups de tweets et de déclarations-chocs, il a toujours prôné un désengagement assumé sur le dossier syrien. En 2013, alors qu'il n'avait pas encore pris place derrière le bureau Ovale, le magnat de l'immobilier s'était vivement opposé à une offensive américaine. Pour le candidat en devenir, un mot d'ordre, répété comme un refrain : « Restons en

dehors de la Syrie. »
Tout au long de sa campagne, Donald Trump n'a jamais infléchi sa décision. Le candidat républicain considérait le maintien d'« hommes forts » comme Bachar el-Assad ou son homologue égyptien Abdel-Fattah el-Sissi comme une nécessité. « Laissons la Syrie combattre Daech. Qu'est-ce que nous en avons à faire ? » déclarait-il lors d'une interview pour CNN en septembre 2015. Une fois installée dans les salons de la Maison-Blanche, l'administration Trump reste sur ses positions. Dans un communiqué de la semaine dernière, elle indiquait ne plus faire du départ de M. Assad une priorité en Syrie, la véritable lutte étant celle à mener contre les jihadistes de l'EI.

 

(Lire aussi : Quand Trump rencontre le reste du monde...)

 

 

Extérieur/Intérieur
Ce virage à 180° a pourtant ses raisons tant sur la scène politique intérieure qu'extérieure. « C'est une stratégie politique bien huilée, destinée à la fois à son camp politique et ses détracteurs », explique Marie-Cécile Naves, chercheuse à l'IRIS et spécialiste des États-Unis, interrogée par L'Orient-Le Jour. Confronté à de nombreux échecs, l'ancien promoteur immobilier cherche à regagner la confiance de sa population. « Profitant de l'emballement médiatique autour des attaques chimiques, Donald Trump sait qu'il peut ici se positionner en sauveur », souligne la chercheuse.

Face à la débâcle de ses projets de réforme et aux accusations de liaisons troubles avec la Russie lors de la campagne présidentielle, le locataire de la Maison-Blanche souhaite clairement resserrer les liens avec son camp. « Il veut retrouver la bénédiction des barons du Parti républicain », précise Mme Naves. Le coup politique est réussi. Salué par les ténors républicains comme Marco Rubio et John McCain, le président américain a aussi reçu l'appréciation de son ancienne rivale Hillary Clinton. Une décision approuvée par une partie des républicains, mais qui pourrait décevoir la frange isolationniste de son électorat.

Les frappes américaines sont aussi un moyen pour le président d'imposer sa marque sur la scène internationale. « Une manière de dire à la Russie, l'Iran et la Corée du Nord qu'il est capable d'agir et qu'il ne bluffe pas », juge Julien Théron, spécialiste de géopolitique à Sciences-Po, interrogé par L'OLJ. Le coup médiatique est réussi. Mais il ne règle pas pour autant la problématique américaine en Syrie. L'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley, a menacé hier le régime syrien d'une nouvelle action militaire. « Nous sommes prêts à en faire plus, mais nous espérons que cela ne sera pas nécessaire », a t-elle précisé. La menace devrait être entendue, au moins sur la question du recours aux armes chimiques, mais elle ne constitue pas pour autant un changement stratégique de la politique américaine en Syrie. Au moins, pour l'instant.

 

 

 

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