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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Syrie : pourquoi les Américains ont changé de ton

L'imprévisibilité de Donald Trump interdit une interprétation juste de sa politique syrienne.

Le président américain Donald Trump à Washington, le 4 mars. Kevin Lamarque/Reuters

La réalité rattraperait-elle enfin Donald Trump ? Le président américain semble s'être découvert de nouvelles « responsabilités », qu'il assumera « fièrement », comme il l'a déclaré lors d'une conférence de presse mercredi à la Maison-Blanche, après l'attaque chimique par le régime syrien contre Khan Cheikhoun, qui a fait au moins 86 morts. Il affirme avoir changé d'attitude vis-à-vis de Damas, tout en imputant la responsabilité de cette nouvelle attaque à son prédécesseur, dont la politique en Syrie a permis selon lui à Bachar el-Assad de poursuivre ce genre d'attaques. Il avait pourtant tweeté pas moins de treize fois, en 2013, à ce sujet, urgeant le président Barack Obama de ne pas intervenir en Syrie...

À l'époque, et d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui, le revirement du président Obama est perçu par certains comme une faiblesse ; par d'autres, comme une trahison. Tout aurait pu basculer, pourtant, en ce mois d'août 2013. Après une attaque chimique qui fait plusieurs centaines de morts dans la Ghouta, la banlieue de Damas, il est clair que la « ligne rouge » évoquée par M. Obama un an plus tôt ne veut pas dire grand-chose. In extremis, un accord est conclu sous l'égide de Moscou pour que Damas se débarrasse de son stock d'armes chimiques. À présent, c'est au tour de Donald Trump de se retrouver confronté à l'aplomb du régime syrien, fort de ses soutiens russe et iranien.

La réaction américaine, suite à l'attaque de Khan Cheihkoun, est une première depuis l'élection du président Trump. Elle est également la plus vive. Quelques jours à peine après les déclarations du secrétaire d'État américain Rex Tillerson sur le sort de Bachar el-Assad, qui n'est « plus une priorité » pour la diplomatie américaine, voilà que le ton change. Radicalement. Donald
Trump qualifie l'attaque d'« odieuse », d'« affront à l'humanité », et s'attarde sur « les petits enfants et même de beaux petits bébés » qui ont péri à Khan Cheikhoun. La représentante américaine à l'ONU Nikki Haley se veut, elle, moins lyrique. Elle affirme carrément que la Russie est un « problème » pour son président.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette évolution. Dès l'annonce de l'attaque, les médias américains se sont empressés de la condamner, y compris la chaîne Fox News, pourtant réputée la plus proche de la ligne idéologique de Donald Trump. Ce dernier a beau faire fi de la presse, notamment celle critique à son encontre, il ne peut ignorer l'unanimité de la réaction face à ce qui s'est passé en Syrie. Son taux de popularité est au plus bas depuis son arrivée à la Maison-Blanche (34 %), il y a à peine trois mois, et un changement de ton pourrait être un moyen de redorer son image, mais aussi de détourner l'attention générale des sujets qui fâchent vraiment, c'est-à-dire les réformes sociales.

 

(Lire aussi : Des habitants de Khan Cheikhoun racontent comment la mort a frappé en quelques minutes)

 

Paris veut « plus d'Amérique »...
Sur le plan interne également, il est probable que le président américain subisse des pressions de son administration. Pour Tarek Mitri, ancien ministre libanais et directeur de l'Institut des politiques publiques et des affaires internationales à l'Université américaine de Beyrouth (AUB), il existe des dissensions au sein de son Conseil de sécurité. Le secrétaire à la Défense, James Mattis, et le conseiller à la Sécurité nationale, Herbert Raymond McMaster, ont « réussi à évincer Steve Bannon », conseiller du président et considéré comme son éminence grise. « Ces deux hommes connaissent bien la région, ils sont plus réalistes, moins fascisants et moins idéologiques que nombre de membres de son cabinet », explique l'ancien ministre. Enfin, et surtout, avance-t-il, des dissensions parmi les sénateurs américains pourraient porter préjudice au président. Ils sont nombreux à critiquer ouvertement les propos de Rex Tillerson sur le sort du président Assad, tout en confirmant que le combat contre l'EI reste prioritaire.

En termes de diplomatie étrangère, de telles déclarations ne peuvent laisser la communauté internationale indifférente. Car il s'agit aussi de rassurer l'allié israélien, qui surveille de près la présence du Hezbollah en Syrie et a affirmé avoir des preuves de la responsabilité du régime Assad dans l'attaque, mais également les chancelleries occidentales. Échaudé par la volte-face de Barack Obama en 2013, Paris s'est toutefois contenté de répéter ses critiques contre le régime Assad, tout en appelant à plus d'action en Syrie. « La France constate un durcissement de la position américaine, mais ce n'est pas assez. Elle demande beaucoup plus d'Amérique en Syrie  », a ainsi affirmé à L'Orient-Le Jour une source bien informée au Quai d'Orsay.


(Lire aussi : Khan Cheikhoun bouleversera-t-il tous les plans d'Assad ?)

 

Et dans les faits ?
Plusieurs observateurs voient aussi dans la nouvelle attitude américaine un test pour Moscou. Les États-Unis tiennent à prouver que leur priorité reste avant tout leurs propres intérêts, certes, mais cherchent également à se placer d'égal à égal vis-à-vis de la Russie, devant laquelle ils ne plieront pas. Selon Rex Tillerson, il est « temps que les Russes réfléchissent vraiment bien à la poursuite de leur soutien au régime Assad ». Dans un contexte tout récent de réchauffement, ou presque, des relations bilatérales avec Moscou, ces déclarations, une menace à peine voilée, jettent un froid certain.

La nouvelle fermeté américaine vis-à-vis de Damas ne devrait toutefois pas se manifester dans les faits, bien que Nikki Haley ait très vite fait mention d'« actions unilatérales » en Syrie, sans plus de détails. D'après Tarek Mitri, une réaction américaine « ne devrait pas être exclue, mais un vrai changement de la politique syrienne des États-Unis, et de priorités, n'est pas (encore) à l'ordre du jour ».

Donald Trump n'est pas connu pour être constant, et son imprévisibilité interdit une interprétation juste de sa politique syrienne. Bien qu'il n'ait aucun intérêt à s'engager militairement en Syrie, il a demandé hier au Pentagone de lui présenter des options militaires pour réagir à l'attaque de Khan Cheikhoun. Parmi les choix évoqués, des frappes qui lui permettraient de clouer l'aviation du régime Assad au sol. L'aviation russe, réel danger si engagement américain il y a, n'a cependant pas été évoquée. De même, un engagement militaire américain au sol paraît difficile à concevoir. Des troupes américaines engagées contre le régime syrien risqueraient de manière quasi certaine de faire face aux forces russes et iraniennes, entre autres, qui soutiennent l'armée du régime. Washington se retrouverait à combattre trois pays simultanément. Donald Trump aura alors deux choix : envoyer des troupes en Syrie, ou en tout cas s'engager militairement davantage dans ce pays, ce qui lui coûterait énormément à plusieurs points de vue, notamment dans l'opinion publique, ou se retrouver à revivre ce qui s'est passé en 2013 sous Barack Obama, et donc faire preuve de faiblesse.
Cela, seul le temps le dira.

 

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commentaires (3)

Il est peu probable que l’attaque sur les bases militaires syriennes par les Etats-Unis est une réaction à la mort des beaux bébés. L’objectif c’est la crainte que les munitions de destruction massive ne finissent pas au HESB rendant Israël parano. Entre-temps La Russie est secrètement positive concernant l’attaque en Syrie. Premièrement elle était embarrassée par cette attaque chimique mais ne pouvant rien dire le méchant policier le fait a sa place. Deuxièmement on ne peut plus lui reprocher d’intervenir militairement dans un autre pays souverain. L’exemple de la guerre de suez de 1956 a permis à l’URSS d’écraser la révolution hongroise.

DAMMOUS Hanna

11 h 01, le 07 avril 2017

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Commentaires (3)

  • Il est peu probable que l’attaque sur les bases militaires syriennes par les Etats-Unis est une réaction à la mort des beaux bébés. L’objectif c’est la crainte que les munitions de destruction massive ne finissent pas au HESB rendant Israël parano. Entre-temps La Russie est secrètement positive concernant l’attaque en Syrie. Premièrement elle était embarrassée par cette attaque chimique mais ne pouvant rien dire le méchant policier le fait a sa place. Deuxièmement on ne peut plus lui reprocher d’intervenir militairement dans un autre pays souverain. L’exemple de la guerre de suez de 1956 a permis à l’URSS d’écraser la révolution hongroise.

    DAMMOUS Hanna

    11 h 01, le 07 avril 2017

  • c'est évidant que c'est plus une opération de politique intérieure mais il ne faut pas la minimiser vis à vis de l'extérieur.Premièrement que c'est un message à la Russie qui faisait se quelle voulait sans réaction de la communauté internationale et aussi à l'armée Syrienne qui n'ai pas une grande armée, ce type de frappe va semer le doute dans leur moral. Et si ces frappes avaient eu lieu dès le départ nous n'en serions pas là et Assad aurait été obligé de négocier

    yves kerlidou

    10 h 54, le 07 avril 2017

  • ET TRUMP A DECIDE... L,INTERVENTION ET L,EJECTION DU DESPOTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 21, le 07 avril 2017

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