Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a fait savoir samedi que sa formation soutenait le vote d'une nouvelle grille des salaires pour le secteur public, mettant par ailleurs en garde contre "les dangers" qui guettent les élections législatives libanaises prévues en principe en juin prochain.
Le dossier de la grille des salaires "doit être abordé loin des règlements de comptes (politiques) ou des surenchères. Cela est inacceptable. On ne peut pas porter des accusations en se basant sur des mensonges", a estimé le leader chiite, lors d'une allocution télévisée retransmise en direct samedi après-midi à l'occasion de "La Journée de la femme musulmane" célébrée avec l'anniversaire de Fatima, la fille du Prophète Mohammad.
"260.000 familles libanaises" qui attendent
La grogne populaire monte depuis plusieurs jours face à une hausse d'impôts et de taxes que le Parlement pourrait bientôt valider afin de financer la nouvelle grille des salaires du secteur public, dont le montant a été plafonné à 800 millions de dollars. Des manifestations ont eu lieu aujourd’hui, et une autre est prévue dimanche, dans le centre-ville de Beyrouth. Ceux qui s'opposent à une hausse des taxes appellent à mettre un terme à la corruption et la dilapidation des fonds publics.
"Il y a eu des rumeurs sur des augmentations de taxes mais cela s'est avéré infondé", a rappelé Hassan Nasrallah, en référence à une série de chiffres inexacts qui ont circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux.
"Le populisme au niveau de ce dossier ne fonctionne pas. Car, comme il y a des millions de personnes qui craignent de nouvelles taxes imposées aux classes défavorisées, il y a environ 260.000 familles, c'est à dire un million de Libanais, qui attendent la nouvelle grille des salaires, et cela est leur droit légitime. Il faut rendre justice aux pauvres et aux personnes aux revenus limités.", a estimé le chef du Hezbollah.
Et d'insister sans détours: "Nous soutenons avec force la grille des salaires. Cette question est indiscutable et le vote de la grille doit avoir lieu".
"Dans tous les pays du monde les impôts existent, cela est inéluctable. Mais ces impôts doivent être justes, et nous ne devons pas augmenter les impôts qui touchent les classes défavorisées et les foyers à revenu limité, a martelé le leader chiite. Cela a toujours été notre position, il s'agit d'une question de principe depuis notre première participation au Parlement en 1992. Mais si nous n'envisageons pas des impôts, comment financer la grille ? Des alternatives ont été proposées en commissions parlementaires, mais d'aucuns ne veulent pas entendre parler de ces solutions. Il faut mettre un terme aux dépenses inutiles. Mais certaines personnes refusent l'austérité, et cela est illogique et inacceptable".
Et de conclure à ce sujet : "Je ne vais pas faire de propositions maintenant, mais je vais m'adresser aux commissions qui gèrent le dossier : vous devez avoir recours à l'austérité, et augmenter les taxes seulement là où cela est faisable, sans alourdir le fardeau des classes défavorisées. Pour une seule fois soyez du côté des pauvres et adoptez une position courageuse. Vous pouvez le faire".
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"Des choix mauvais et dangereux"
Sur un autre plan, Hassan Nasrallah a abordé la question du vote d'une nouvelle loi électorale pour les élections législatives prévues en juin prochain, et dont le sort n'a jamais été aussi incertain.
Cette date tombe en plein mois de ramadan. Initialement, les législatives étaient censées se tenir le 21 mai, avant le début du mois sacré pour les musulmans. Ce report est la conséquence de l'incapacité des pôles politiques jusqu'ici à s'accorder sur une nouvelle loi électorale. La législation actuelle, dite de 1960, prévoit un mode de scrutin majoritaire plurinominal, officiellement critiqué par la plupart des partis. Les propositions sur la table sont la proportionnelle intégrale, ou le mode de scrutin mixte, alliant majoritaire et proportionnelle.
"La situation est dangereuse, car le peuple libanais est mis devant des choix mauvais et dangereux, a prévenu le chef du Hezbollah. Il ne reste plus de temps. Le danger guette toutes les formations politiques et le pays tout entier".
Il a préconisé dans ce contexte une nouvelle approche de la question dans les jours qui viennent. "Nous répétons que nous ne cherchons pas de loi électorale taillée sur mesure. Nous proposons une loi juste envers toutes les strates de la population libanaise. Une participation maximale et juste au sein du Parlement est un intérêt national", a-t-il fait savoir.
Hassan Nasrallah a dans ce cadre répété que "la proportionnelle intégrale est la seule loi qui assure la meilleure représentativité". "Nous acceptons que notre représentation soit réduite (au sein du Parlement) et les autres doivent accepter de faire de même. Ceux dont la représentation est exagérée doivent accepter que cela change".
Et d'avertir : "Ne sous-estimez pas la gravité de la situation à venir si une nouvelle loi électorale n'était pas adoptée. Dans les prochains jours, le travail devra porter sans relâche sur le vote d'une nouvelle loi électorale et de la grille des salaires. La grille peut attendre quelques semaines, mais le vote d'une loi électorale ne peut plus attendre, car il y va de l'avenir du pays, alors qu'il ne reste que quelques jours".
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"On ne peut pas compter" sur l'Onu
Sur le plan diplomatique, le leader chiite a salué le rapport de la Cesao (Escwa) accusant Israël d'"apartheid". Un rapport qui a été retiré du site web de l'agence onusienne, à la demande du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, sur fond de pressions diplomatiques américaines et israéliennes. Cette décision a poussé la Jordanienne Rima Khalaf, secrétaire exécutive de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie occidentale, à démissionner de cette organisation basée à Beyrouth.
"Le secrétariat général de l'Onu a plié devant la pression américaine et israélienne, sous la menace d'un retrait de fonds", a déploré Hassan Nasrallah, pointant du doigt M. Guterres. "Mais cela n'est pas nouveau, son prédécesseur (Ban Ki-moon) avait fait de même, à la demande de l'Arabie saoudite, concernant son intervention militaire au Yémen", a-t-il rappelé. Inscrite par l'Onu sur la "liste noire" des pays qui violent les droits des enfants dans les conflits armés, l'Arabie saoudite avait fait pression sur l'organisation. Cette dernière avait finalement cédé en juin 2016 en retirant Riyad de cette liste.
"Cela prouve qu'on ne peut pas compter sur l'Onu pour nous restituer nos terres, que ce soit en Palestine ou au Liban, ou pour protéger les enfants....", a estimé Hassan Nasrallah.
Et de conclure : "J'apporte mon soutien à Mme Khalaf, et nous demandons à la Ligue arabe, aux États arabes et surtout musulmans, d'assumer leurs responsabilités, car ce qui se passe fait partie de la guerre psychologique de l'ennemi sioniste" israélien.
(Lire aussi : Charité bien ordonnée... Le billet d'Anne-Marie el-Hage)
"Daech est terminé en Irak"
Sur le plan régional, Hassan Nasrallah a estimé que le groupe jihadiste État islamique était "terminé" en Irak, alors que l'organisation terroriste est sur le point de perdre Mossoul, sa capitale autoproclamée dans ce pays.
"Daech est terminé en Irak, ce n'est qu'une question de semaines ou de mois. Ils n'ont pas d'avenir. En Syrie, il en est de même. Ils n'auront pas de rôle politique. Ils pourront commettre de temps en temps des attentats suicide pour se défouler, mais cela montre qu'ils ont échoué", a estimé le chef du Hezbollah.
Il s'en est en outre violemment pris aux États arabes qui appuient les rebelles en Syrie dans leur combat contre le régime du président Bachar el-Assad, lui-même soutenu par le Hezbollah, l'Iran et la Russie.
"Six ans plus tard, les grandes puissances régionales et internationales font face à une déception en Syrie. Des milliards de dollars arabes ont financé la guerre dans ce pays. Ces sommes auraient pu mettre un terme à la famine au Yémen et en Somalie, à reconstruire les maisons des Palestiniens à Gaza, ou assurer des emplois aux jeunes Arabes au chômage. Ces sommes auraient pu sortir de l'illettrisme de nombreuses personnes", a regretté le dignitaire chiite.
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commentaires (12)
ON DIRAIT UN SAINT QUI PARLE !
Gebran Eid
16 h 57, le 19 mars 2017