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Liban - Presse

« An-Nahar » : les avocats des salariés et de la direction exposent leurs arguments

Le contentieux se poursuit entre la direction du quotidien an-Nahar et nombre de journalistes et employés qui n'ont pas reçu leurs salaires depuis plus de 14 mois.

Hier, 27 personnes touchées par l'accumulation des impayés se sont réunies au siège de l'ordre des rédacteurs à Hazmieh, en présence notamment de son président, Élias Aoun, et de leur avocat, Akram Azouri. Ce dernier a informé ses clients du point auquel est parvenue l'affaire litigieuse, estimant qu'« elle suit son droit chemin et devra, grâce à l'application de la loi, aboutir à la satisfaction des attentes ».

Solidaire des salariés, l'ordre des rédacteurs a publié à l'issue de la réunion un communiqué dans lequel il juge que « la vente par la direction d'an-Nahar de certains de ses biens fonciers signifie que des fonds sont désormais disponibles pour régler les impayés d'un seul coup, sans retard et sans condition, d'autant que la situation socio-économique des employés laisse à désirer ». L'ordre des rédacteurs a en outre demandé qu'après le versement des salaires, la direction du quotidien « laisse le soin au ministère du Travail, sous l'égide du ministre Mohammad Kabbara, de traiter la situation selon les lois et règlements en vigueur ».

Jeudi, la direction d'an-Nahar avait annoncé avoir décidé de vendre certains de ses biens fonciers en vue de régler les salaires et émoluments de ses salariés, et affirmé avoir été amenée à « appliquer les dispositions de la loi du travail dans les cas de force majeure en matière financière ». Dans un communiqué qu'elle avait publié, elle avait indiqué « avoir notifié le ministère du Travail des noms des personnes dont elle veut mettre fin aux contrats de travail en contrepartie du paiement de la totalité de leurs 14 mois de salaires ». La direction du journal avait en outre assuré n'avoir pris aucune mesure de licenciement collectif ou abusif, et n'a fait qu'appliquer les dispositions légales.

Pour tenter de se faire une idée claire de la réalité du conflit qui oppose la direction d'an-Nahar aux employés touchés par les mesures litigieuses, L'Orient-Le Jour est entré en contact avec Akram Azouri et Fawzi Metni, respectivement avocats des journalistes et de la direction du quotidien. Ce qui a paru d'emblée remarquable est que chacun d'eux a mis d'abord en exergue le sentiment de leurs clients d'appartenir à une même famille.

 

(Lire aussi : « An-Nahar » dément les accusations de « chantage » contre certains de ses journalistes)

 

 

La version des salariés...
Akram Azouri affirme ainsi que « face à l'abstention de la direction de payer les salaires pendant de longs mois, les journalistes ont continué à travailler, ce qui, pensaient-ils, était tout à leur honneur, puisqu'ils se considéraient comme faisant partie de la grande famille d'an-Nahar ». À son tour, Fawzi Metni assure qu'« avant de se voir acculée à recourir à la loi, la direction a tenté par tous les moyens de préserver les emplois de ceux qu'elle considère comme membres de la famille d'an-Nahar ». Mais très vite, chacun des deux mandataires présente les arguments de sa cause.

Pour Me Azouri, « la loi stipule que lorsqu'un travail a été fourni, le salaire est dû sans condition ». « Or, maintenant que la direction d'an-Nahar propose à ses employés de leur verser les salaires après s'en être abstenue pendant quatorze mois, elle leur impose dans le même temps de démissionner et de signer ainsi un quitus par lequel ils renoncent à leurs indemnités de préavis, ainsi qu'à leur droit de recourir à la justice pour contester le licenciement dont ils ont fait l'objet », déclare l'avocat. « Ces droits sont légaux et sacrés, et personne ne peut les leur ôter », insiste-t-il, soulignant que « si un employé est licencié, la loi édicte que son employeur doit lui payer son salaire et ses indemnités de préavis sans condition aucune ; elle permet également à l'employé de saisir le tribunal pour tenter d'obtenir des indemnités supplémentaires s'il parvient à prouver que son licenciement est abusif ». Me Azouri s'interroge dans ce contexte sur les « raisons pour lesquelles la direction d'an-Nahar craint de voir les salariés saisir le conseil arbitral du travail (l'instance judiciaire compétente) ». « Pourquoi ne pas laisser un employé user de son droit à recourir au tribunal, sachant que le juge peut décider de ne pas lui donner gain de cause ? »

 

(Lire aussi :  L'ordre des journalistes dénonce « le chantage pratiqué par la direction d'"an-Nahar" »)

 

 

... et celle d'« an-Nahar »
En réponse à ces contestations, Me Metni affiche une position claire. Pour lui, la direction d'an-Nahar ne licencie pas ses employés. « Nous avons suivi à la lettre les stipulations de l'article 50-alinéa 6 de la loi du travail, selon lequel, en cas de force majeure ou lorsque les circonstances économiques et financières l'exigent, l'employeur peut résilier des contrats de travail dans son établissement », affirme-t-il, indiquant que la direction du quotidien « a été acculée à réduire le nombre des salariés après qu'elle eut tenté de trouver des solutions aux problèmes financiers auxquels elle faisait face ». M. Metni cite au passage la décision de faire paraître le journal sur seulement 12 pages, indiquant que cette mesure n'a pas abouti aux résultats escomptés. Ce qui, ajoute-t-il, a conduit à « convoquer certains employés pour leur proposer soit d'accepter la réalité des problèmes économiques et de démissionner en contrepartie du paiement de la totalité de leurs salaires, soit de recourir à la justice s'ils refusent de reconnaître la difficulté de la situation financière ». Il réfute les allégations de Me Azouri concernant la condition de faire signer aux salariés un quitus les privant de tous leurs droits. « Pourquoi dans ce cas n'ont-ils pas été priés de signer un tel quitus lorsque le salaire d'un mois leur a été payé ? » demande-t-il.

Selon Me Metni, lorsque les circonstances économiques imposent des restrictions au niveau des effectifs, « l'employeur n'est pas tenu de procéder à des indemnisations ». « Certains employés ont demandé des indemnités allant jusqu'à 20 mois de leur salaire », s'indigne l'avocat, indiquant que « de tels montants ne sont pas disponibles en présence des frais qu'impose la poursuite de la parution du journal ».

L'avocat d'an-Nahar affirme en outre « avoir suivi la procédure légale consistant à notifier le ministère du Travail de l'intention de la direction de résilier les contrats ». Il indique dans ce cadre que l'instance de tutelle présentera dans un délai d'un mois un rapport à travers lequel sera établi un plan de redressement, et qu'une médiation sera proposée entre la direction et les salariés. Il suffit donc selon lui d'attendre...

Il convient de noter enfin qu'une réunion de la commission créée le 5 janvier par le ministre de l'Information, Melhem Riachi, et chargée de lancer un chantier de redynamisation du secteur des médias s'est tenue hier sous la direction générale du directeur du ministère, Hassan Falha. Cette séance, à laquelle ont participé des rédacteurs en chef et des directeurs de principaux quotidiens et médias audiovisuels, couronne une série de réunions consacrées à l'examen de mesures proposées en majorité par l'ancien ministre de l'Information, Ramzi Jreige. M. Falha devrait remettre son rapport ce lundi à M. Riachi, qui entend ensuite se réunir avec les principaux responsables des médias pour faire le suivi des mesures adoptées.

 

 

 

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