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Liban - Table ronde au Biel

L’hommage à Mounir Chamoun, « l’universitaire accompli »

De gauche à droite : Myrna Ghannagé, Antoine Courban, Henri Awit, Michel Touma et Ibrahim Najjar. Photo Claude Assaf

Le souvenir de Mounir Chamoun, pionnier de la psychanalyse au Liban, était au centre de la table ronde organisée hier au Salon du livre francophone, au Biel.

Loin de se cantonner à son métier, cet homme de science, décédé en juin, a joué tout au long de sa vie un rôle fondamental au niveau de l'université, marquant de son empreinte de nombreuses générations d'étudiants, et fondant même l'Université Pour Tous, destinée aux étudiants de tous âges. C'est justement sous le thème « Hommage à Mounir Chamoun, l'universitaire accompli » qu'un prestigieux panel d'intervenants lui a rendu hommage, au moment d'ailleurs où un numéro spécial de la revue de l'Université Saint-Joseph, Travaux et Jours, consacré à sa mémoire, vient de paraître.

Tour à tour, devant un public ému, Henri Awit, vice-recteur honoraire de l'USJ, Myrna Ghannagé, chef du département de psychologie à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'USJ, Ibrahim Najjar, ancien ministre et professeur émérite de la faculté de droit et des sciences politiques de l'USJ, Michel Touma, rédacteur en chef de L'Orient-Le Jour, et Antoine Courban, professeur à la faculté de médecine de l'USJ et nouveau rédacteur en chef de la revue Travaux et Jours, ont salué en ce chercheur une figure brillante du monde académique qui a embrassé diverses disciplines des sciences humaines dans un esprit d'engagement citoyen.

 

L'art de la transmission
Prenant la parole, M. Courban a ainsi rendu hommage à « ce culte de l'université incarnant l'esprit universitaire, qui s'est distingué par une conscience aiguë de la transdisciplinarité, parcourant les diverses disciplines du savoir avant de revenir à son métier ».

Une pluridimensionnalité que M. Awit a, de son côté, également évoquée, et qui s'est traduite, selon lui, par « une personnalité riche et fascinante d'un homme fidèle à ses racines en même temps qu'ouvert et moderne ». Le vice-recteur honoraire de l'USJ s'est attardé sur « la diversité des postes que M. Chamoun a occupés et des responsabilités qu'il a assumées », mettant l'accent sur l'impact profond que le disparu a exercé « sur tout le secteur éducatif ». Pour M. Awit, ce dernier était un brillant enseignant « doté d'une volonté de démocratiser la culture, et possédant le don de vulgariser les connaissances et l'art de les transmettre ».

Cet art de la transmission, Myrna Ghannagé l'a décrit comme une manière d'enseigner « originale, humoristique et exigeante qui a suscité une curiosité et un intérêt authentiques chez les étudiants ». Mme Ghannagé a affirmé que ces derniers ont pu, grâce à leur professeur, non seulement acquérir un savoir « mais aussi un savoir-faire et une façon d'être qui ont fortement contribué au développement de leur identité personnelle ». À ce niveau, la chef du département de psychologie de l'USJ a souligné « combien il lui tenait à cœur de consolider cette identité et d'apaiser les angoisses et les souffrances identitaires, notamment en période de guerre ou d'émigration ».

 

« Résister à la Résistance »
En acteurs de la vie publique, MM. Najjar et Touma ont, pour leur part, et chacun de son côté, mis en exergue l'esprit citoyen de Mounir Chamoun, au-delà de sa dimension d'universitaire accompli.

M. Touma a ainsi évoqué l'attachement du disparu aux valeurs et aux pratiques démocratiques et à la préservation d'un climat de liberté de pensée et d'expression, soulignant notamment « la manière virulente avec laquelle Mounir Chamoun stigmatisait les pratiques de l'appareil sécuritaire à l'époque de l'occupation syrienne ». Le rédacteur en chef de L'Orient-Le Jour a également qualifié les positions de M. Chamoun d'« audacieuses et avant-gardistes », notamment dans un article publié dans L'OLJ, et intitulé « Résister à la Résistance », où il avait fustigé « le désir de vassalisation du pays à des projets d'hégémonie régionale ». Sans complaisance, Mounir Chamoun ne manquait pas, précise M. Touma, de s'indigner contre les comportements à caractère nazi apparus sur la scène locale, et d'affirmer que « toute cette nazification lente mais sûre de la société libanaise doit nous conduire à organiser une véritable résistance... à la Résistance ».

Dans le même esprit, M. Najjar a décrit ce citoyen engagé « comme une conscience nationale dénonçant l'insupportable et l'inavouable médiocrité qui a caractérisé la vie politique depuis au moins deux décennies ».
L'ancien ministre a par ailleurs souligné l'attachement de Mounir Chamoun à « la restauration de l'État de droit », tandis que M. Touma est allé plus loin, exprimant « les doutes que nourrissait le disparu de voir un jour, au Liban, l'État de droit passer du virtuel au réel ».

Également au centre des interventions des deux orateurs, la pensée critique du chercheur.
M. Touma a ainsi lu l'extrait d'un article publié dans L'Orient-Le Jour dans lequel Mounir Chamoun affirmait que « la proximité avec ceux qui défendent les valeurs démocratiques et dont on épouse très souvent les orientations politiques globales n'exclut pas, bien au contraire, l'exercice d'une pensée critique à leur égard ».
M. Najjar a pour sa part évoqué les répercussions de cette pensée critique que M. Chamoun adoptait souvent. « Ses libres opinions lui ont coûté des procédures engagées par des hommes qui se disent vertueux », a affirmé l'ancien ministre, soulignant que « sa manière de nommer les hommes et les choses sans crainte ni médisance lui a valu des désagréments multiples ».

 

 

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