Maintenant que le Liban s'est doté d'un président de la République et d'un Premier ministre désigné, une question taraude de nombreux milieux politiques : quelle va être l'attitude du président de la Chambre, Nabih Berry, dans le cadre des consultations pour la formation du gouvernement ? Va-t-il tourner la page de son conflit avec le successeur de Tammam Salam ou bien compte-t-il placer haut la barre de ses conditions et de ses revendications pour ne pas lui faciliter la tâche ?
Le fait qu'il ait nommé Saad Hariri pour former le nouveau gouvernement, alors qu'il lui en veut de l'avoir écarté de l'arrangement concocté avec le CPL pour débloquer la présidentielle, ne peut pas être considéré comme une réconciliation indirecte entre Aïn el-Tiné et la Maison du Centre, compte tenu surtout des précisions qu'il a pris soin de fournir à la presse, à sa sortie de Baabda, au terme des consultations parlementaires contraignantes. « J'ai une dette envers Hariri depuis qu'il a déclaré qu'il se tient à mes côtés quelles que soient les circonstances. J'ai décidé de la rembourser entièrement aujourd'hui en le désignant à la présidence du Conseil », a-t-il dit. En d'autres termes, Nabih Berry a fait savoir à Saad Hariri qu'il ne lui doit plus rien.
Ces propos renvoient à ceux qu'il avait tenus à Genève lorsqu'il avait déclaré à la presse que « le plus dur est à venir », en allusion à la formation du gouvernement, et permettent de croire que le président de la Chambre n'envisage pas de faciliter la mission du Premier ministre désigné.
Sauf que dans les milieux de Aïn el-Tiné, on tient un discours différent. Dans ces milieux, on souligne que MM. Berry et Hariri souhaitent tous deux tourner la page de leur conflit et on s'arrête dans ce cadre sur le discours que le chef du courant du Futur a tenu après sa désignation pour former le nouveau gouvernement. M. Hariri a fait part de son souci de coopérer avec tous pour mettre en place son équipe, même avec ceux qui se sont abstenus de le nommer. Dans le même temps, des visiteurs de la Maison du Centre soulignaient que Saad Hariri est en principe prêt à satisfaire les revendications de Nabih Berry.
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Le conflit entre les deux n'aura donc été qu'un nuage d'été, observent les plus optimistes qui s'attendent à ce que le gouvernement soit formé rapidement. Ils partent du principe que les conditions favorables ayant permis un déblocage de la présidentielle prévalent toujours et que toutes les forces politiques s'accordent pour juger indispensable d'assurer un démarrage réussi du nouveau régime, le Hezbollah et le bloc Berry compris.
Si le bloc Berry n'avait pas nommé Hariri, la cassure avec le tandem chiite aurait été consacrée et le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah aurait été suspendu, ce qui aurait eu pour effet de raviver la tension au niveau de la rue islamique, au moment où le Hezbollah considère la stabilité comme une priorité. Certes, le parti de Hassan Nasrallah nourrit des appréhensions par rapport aux nouvelles alliances du président Michel Aoun, mais il n'est pas question pour lui de lâcher le régime dont l'avènement constitue, à ses yeux, une victoire pour lui et pour l'axe qu'il représente. Il n'est pas question pour lui non plus de rester en dehors du gouvernement, partant du principe qu'il doit faire partie de l'appareil exécutif durant cette période qui précède d'éventuels règlements régionaux, avec l'avènement d'une nouvelle administration américaine.
Ce qu'il faudra retenir des événements des jours passés est que le tandem chiite, et notamment Nabih Berry, peut ne pas faciliter la tâche à Saad Hariri sans pour autant lui mettre des bâtons dans les roues. Les pourparlers autour de la distribution des portefeuilles risquent donc d'être ardus. Le président du Parlement avait déjà annoncé qu'il traitera avec le nouveau locataire du Sérail au cas par cas, et dans ses milieux, on répète que M. Berry souhaite maintenir ses acquis, c'est-à-dire garder le maroquin des Finances ainsi qu'un autre portefeuille, dit de services, comme l'Énergie, les Télécoms ou les Travaux publics. Il veut également avoir son mot à dire dans les nominations administratives qui seraient décidées. Selon une source ministérielle, les revendications et les conditions de Nabih Berry peuvent sembler nombreuses, mais elles ne sont pas rédhibitoires.
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commentaires (3)
Celui qui n'a pas encore compris la nouvelle donne,restera bouché à vie. Les chiites ont été à dure école,pour avoir été ceux qu'on baladait de 43 à 2000. L'expérience procure de la matière grise et fait qu'on a plus envi de goûter à l'amer. A d'autres d'y goûter à présent.
FRIK-A-FRAK
12 h 04, le 04 novembre 2016