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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Névroses et psychoses

Nous avons déjà vu les trois cas de névrose, l'hystérie, la névrose obsessionnelle et la névrose phobique, trois catégories cliniques et structurales distinguées par Freud à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. L'abord des psychoses lui est cependant demeuré difficile. Freud n'avait pas l'habitude de recevoir des psychotiques dans son cabinet et il n'avait pas de pratique hospitalière pour avoir l'occasion de les rencontrer. C'est pour ces raisons qu'il attendait de Jung de l'aider à aborder et théoriser la psychose. Nous reviendrons sur ce point par la suite.

Freud ne se contentait pas de l'observation clinique, il avait besoin de comprendre l'infrastructure qui est à la base de la clinique, des symptômes. C'est pour cette raison qu'on l'a comparé à Karl Marx, Louis Althusser ayant excellé dans cette entreprise. Marx a mis en évidence le fait que la politique est une superstructure et qu'elle s'explique par l'infrastructure qui est la lutte des classes. Quant à Freud, il a découvert derrière les symptômes (supra structure) les conflits psychiques inconscients (l'infrastructure). Pour lui, « l'histologie est à l'anatomie ce que la psychanalyse est à la psychiatrie », soit que la psychiatrie s'occupe des symptômes et la psychanalyse de l'étiologie, des causes. Ayant donc réussi à construire, à partir des symptômes névrotiques une infrastructure clinique puis théorique pour les névroses, il cherchait donc à faire de même pour les psychoses.

Le refoulement et le retour du refoulé constituent la base même de cette infrastructure. Pour les trois névroses, le refoulement est le même, c'est le retour du refoulé qui distingue les trois névroses. Le refoulement opère d'abord dans l'enfance, puis reprend sa fonction à l'âge adulte. Le refoulement est un mécanisme d'oubli qui permet à l'enfant d'écarter de sa conscience et de maintenir écarté, un contenu désagréable lié à ses pulsions sexuelles. Pour Freud, « la théorie du refoulement est la pierre d'angle sur quoi repose tout l'édifice de la psychanalyse ».

Le refoulement est possible du fait du père. C'est lui qui va poser les premiers interdits qui seront, par la suite, intégrés dans le psychisme de l'enfant, sous la configuration du Surmoi et de l'Idéal du moi. Le père n'a pas besoin d'être tout le temps présent dans la réalité de l'enfant pour que ces interdits soient intériorisés. Il peut être mort, en voyage, séparé de la mère..., sa parole adviendra à l'enfant si la mère accepte d'en être le relais. Ce point est fondamental. La parole du père permet la séparation entre la mère et l'enfant, à condition que la mère transmette cette parole à son enfant. « La loi c'est l'inter-dit », nous dit Lacan, soit ce que la mère dit à son enfant et qui viendrait du père. C'est précisément cette circulation de la parole entre le père, la mère et l'enfant qui va permettre à ce dernier de prendre sa place. Cette circulation de la parole va déterminer le « choix de la névrose », comme le dit Freud. Choix inconscient, et si nous paraphrasons Freud, on peut dire également le choix de la psychose.

Dans ce triangle actif, la position du père va donc être déterminante. Ou bien la mère tient compte du père, ou bien elle dénie, « forclot » sa parole dans son discours. Forgé par Lacan dans son approche de la psychose, le concept de « Forclusion » est essentiel pour comprendre la psychose. La « forclusion du signifiant du nom du père » veut dire que dans le discours de la mère, ce qui représente le nom du père, un signifiant, est déchu. Dans le cas d'un père mort à la guerre par exemple, ses galons de militaire accrochés au salon servent de signifiant pour l'enfant. En voyant les galons, l'enfant peut se représenter son père, s'en faire une idée ou se le rappeler. Le père a donc sa place pour la mère et l'enfant est en face d'un référent, les galons, même si le père est mort. Si au contraire rien ne représente ce père mort dans la maison, que la mère n'en parle pas, le référent n'existe plus et l'enfant est confronté à sa mère dans une dualité fusionnelle. Cette dernière condition peut induire une structure psychotique et préparer à l'éclosion d'un délire possible.
Le père n'a donc pas besoin d'être présent, sa présence réelle peut être relayée par un symbole, un signifiant dont la mère va tenir compte.

On voit que dans cette triangulation père, mère et enfant, l'équilibre reste fragile. Il est évident qu'on ne peut pas fétichiser ces données tirées de l'expérience psychanalytique. Ces données nous servent à comprendre comment se constitue une psychose, en quoi elle est différente de la névrose et nous permettent de poser les jalons d'un accompagnement du psychotique.

 

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