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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

La névrose obsessionnelle (suite)

Le fantasme de l'obsessionnel prend sa source dans le stade anal. Il s'organise autour de l'élimination du sujet lui-même au profit d'un Autre tout-puissant dont il ne serait que le déchet.

Si le fantasme de l'hystérique, en sa nature bisexuelle, essaie de répondre à la question de la différence des sexes, l'obsessionnel possède une marge de manœuvre moindre. C'est son existence même qui semble menacée face à la demande de l'Autre. Dans le stade anal, l'enfant sur le pot réalise, pour la première fois, qu'on lui adresse une demande. Ce «on», c'est l'Autre originel, la mère. Jusque-là, pendant toute la période du nourrissage, c'est l'enfant qui adressait une demande à l'Autre. Dans le stade anal, pour la première fois, la mère adresse une demande à l'enfant: celle de lui donner ses crottes. Le comportement de la mère va déterminer celui de l'enfant. L'impatience, l'agacement, l'énervement, l'empressement, l'ardeur, l'irritation et la nervosité de la mère vont montrer à l'enfant que désormais, il a un certain pouvoir sur sa mère.
En lui refusant ses crottes, il met sa mère dans tous ses états. Plus la mère est agacée, plus l'enfant la fait attendre. Seulement, pour la faire attendre, il doit retenir ses selles et, en retenant ses selles, il a de plus en plus mal à la zone anale, tout en éprouvant du plaisir cependant. Cette douleur et ce plaisir éprouvés s'associent à la souffrance que l'enfant fait subir à sa mère. Ainsi naît le sadomasochisme.
Ce rapport de pouvoir entre la mère et l'enfant va déterminer ce qu'on appelle le caractère sadique anal de l'enfant. Au début des années 70, dans son émission sur France Inter Lorsque l'enfant paraît, à une mère qui lui demandait combien de temps fallait-il garder l'enfant sur le pot, Françoise Dolto répond : « Vous n'avez rien de mieux à faire ? »

Cette relation à la mère se répétera tout le long du stade anal, pendant un an au moins. Coincé, l'enfant cherche à se libérer de cette double emprise, la sienne sur sa mère et celle de sa mère sur lui. Pour échapper à sa mère et s'affirmer comme un sujet désirant, l'enfant, futur obsessionnel, en est réduit à s'identifier à ses excréments qui disparaissent avec le pot que la mère vide. Face à la demande insistante venant de l'Autre, l'enfant n'a pas d'autres moyens pour lui échapper.

Dans une pièce de théâtre et un film du même nom, J'irai comme un cheval fou, Fernando Arrabal met en scène un personnage « Bon chic bon genre » qui entre dans une église. Il voit la statue de la Vierge et imagine une fellation. La terreur le prend et le précipite en dehors de l'église. Il entend soudain la voix de sa mère qui lui dit : « Tu dois toujours avoir tes souliers très bien cirés. » Il regarde ses souliers et les brosse tout de suite. Puis, tout aussi brutalement, il crache dessus et les salit dans le sable. L'obsessionnel est condamné à se soumettre, puis à se rebeller contre sa mère et les consignes qu'elle lui demande d'observer. Tout appel de l'enfant au père pour qu'il le débarrasse de sa mère reste vain. Le père s'en fout et laisse l'enfant à la merci de sa femme. C'est pour cette raison que le désir parricide de l'enfant est au cœur de la structure obsessionnelle.

Dans «L'homme aux rats» (1907), un cas publié par Freud dans Cinq psychanalyses, un jeune homme de 29 ans, Ernst Lanzer, souffre d'une pensée impossible: «Si j'ai le désir de voir une femme nue, mon père doit mourir.» S'associe à cela une histoire vécue pendant son service militaire. Un officier raconte un supplice oriental consistant à faire pénétrer dans l'anus d'un prisonnier des rats affamés. Il imagine que cette chose horrible est imposée à son père (mort pourtant depuis 9 ans) et à une femme aimée.
On voit comment la relation sadique anale à la mère se répète longtemps après le stade du même nom, et comment l'appel au père reste vain. Dans l'analyse, l'obsessionnel a une chance de s'en libérer. La cure de l'obsessionnel requiert de l'analyste une toute autre gymnastique que celle de l'hystérique. Il est important de rappeler que c'est l'analyse des obsessionnels qui a amené Lacan à modifier le temps des séances et à pratiquer des séances à durée variable. Car l'obsessionnel construit son discours en fonction de l'heure de la fin de séance et ne laisse aucune place à une parole imprévue. Il peut passer ainsi sur le divan un temps infiniment long, sans que rien ne change.

La relation à l'analyste est l'occasion pour que se déploie le fantasme sadomasochiste de l'obsessionnel. Comme il faisait attendre sa mère pour lui « offrir », à sa guise, son bol fécal en cadeau, il fera attendre son analyste avant de laisser échapper une parole libre. Considérant que c'est l'analyste qui lui demande de parler et non la règle fondamentale de l'analyse, l'obssessionnel lui livre un duel en ne lui donnant qu'une parole préfabriquée. Il en sera de même dans la relation de l'obssessionnel avec le cadre. Oubliant qu'il s'est engagé avec son analyste sur un minimum de règles à respecter, il transforme toute règle en une demande supposée de la part de son analyste, à laquelle il va dire non.

 

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