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Liban - Crise des déchets

Retour à la case départ, le blocage persiste

La municipalité de Bourj Hammoud n'ouvrira pas l'accès à l'aire provisoire de stockage tant que les Kataëb maintiennent leur sit-in devant le chantier de la décharge définitive.

Stockage des déchets dans un terrain loti de la marina de Dbayé, en attendant... Photo Michel Sayegh

Le blocage se poursuit, au lendemain de la conférence de presse du ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb. Un blocage, tant du dossier des déchets que de la route menant au chantier de la décharge de Bourj Hammoud. Cette route est coupée par le parti Kataëb et les militants écologistes. Et pour cause, « la raison d'être du blocage persiste », autrement dit la décision « d'enfouir les ordures sans traitement dans le dépotoir de Bourj Hammoud », affirme à L'Orient-Le Jour l'ancien ministre Salim Sayegh, membre du bureau politique Kataëb. Il précise que le ministre responsable du dossier des déchets « n'a rien donné de substantiel » lors de sa conférence de presse et il a « repris tel quel le plan gouvernemental de gestion des ordures ménagères ».

 

Étude d'impact et décentralisation
Le parti Kataëb invite le gouvernement à « mettre de l'eau dans son vin ». Il réclame d'abord que démarre l'étude de l'impact environnemental, économique et social de la décharge de Bourj Hammoud, réalisée par une société indépendante. « Car à ce niveau, les promesses de M. Chehayeb n'ont toujours pas été concrétisées », précise M. Sayegh. Sans compter que les écologistes et les Kataëb ont « de sérieux doutes sur la volonté des autorités de traiter l'ancienne montagne de déchets de Bourj Hammoud ». Il invite aussi les autorités à « privilégier la décentralisation dans la gestion des déchets », autrement dit, « à lever leur mainmise sur le dossier des déchets et à passer la main aux municipalités ». « Mais nous savons pertinemment bien que ce n'est pas dans d'intérêt de la classe politique, les dépotoirs étant facturés au mètre cube », précise-t-il, évoquant la corruption, le clientélisme et le partage du gâteau qui sévissent à ce niveau.
Retour donc à la case départ, alors que chaque partie campe sur ses positions.

« Le scandale humanitaire se poursuit et les déchets jonchent les rues », déplore Salim Sayegh, qui accuse les autorités « de prendre la population en otage » et de « monter cette dernière contre les Kataëb et les écologistes ». Mais les négociations ne sont pas pour autant interrompues. « Nous sommes en logique de négociation avec les preneurs d'otages », souligne-t-il avec ironie. Il révèle aussi que le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a engagé des discussions avec les chefs des municipalités du Metn et du Kesrouan, dans le but de « faire pression sur les autorités » et de redonner un nouveau souffle à la société civile.

 

(Voir aussi : "Nos poubelles sont plus propres que nos politiciens !" : paroles de Libanais excédés)

 

Du côté des écologistes, règne la même détermination mais aussi les mêmes critiques à l'égard du gouvernement et de sa politique de gestion des déchets. Le président du Mouvement écologique libanais, Paul Abi Rached, se déclare « solidaire du parti Kataëb dans ses revendications écologiques », estimant que la conférence de presse de M. Chehayeb n'a « rien changé à la donne ». « Le ministre n'a absolument rien proposé. Il a juste promis de réduire de 4 ans à 18 mois la phase transitoire » (permettant de passer du plan gouvernemental de gestion des déchets à l'étape de la décentralisation), affirme-t-il à L'OLJ. Le militant accuse le gouvernement qu'il qualifie de « mafia à long terme », de laisser pourrir le dossier et les ordures dans les rues, dans l'objectif d'exécuter son projet d'installation d'incinérateurs. « Un projet qui a besoin de 4 ans pour être exécuté », dit-il, précisant que « le cahier des charges pour ce projet est terminé depuis le mois de février ».


(Pour mémoire : Les Kataëb appellent à la création d’usines de tri et de traitement, contrôlées par les municipalités)

 

Incinérateurs, attention danger !
M. Abi Rached montre du doigt les autorités qui « mettent des bâtons dans les roues des écologistes et de ceux qui prônent le tri et le traitement des déchets ». « Construire des usines de traitement des déchets ne nécessite que 4 à 6 mois. Or ce projet n'intéresse pas les responsables, car il n'est pas rentable. De plus, si des usines de traitement des déchets sont construites, les incinérateurs n'auront pas de clients », ajoute-t-il, observant que cette solution n'est ni écologique ni bénéfique, sur le plan socio-économique. La solution immédiate existe pourtant, selon le militant, sous forme d'usines de traitement des déchets, de tri et de compostage, dont certaines sont déjà opérationnelles. « Il ne reste plus qu'à faire pression pour ouvrir une décharge de matières inertes, celle de Bsalim en l'occurrence », note-t-il, laissant entendre que cette pression pourrait venir du parti Kataëb.

Face à ce blocage, le parti Tachnag est dans l'expectative. Il attend une sortie de crise entre le parti Kataëb et les autorités. La municipalité de Bourj Hammoud n'a toujours pas rouvert la route menant à l'aire de stockage temporaire des déchets. « Nous ne l'ouvrirons pas tant que les Kataëb bloquent l'accès au chantier d'aménagement de la décharge définitive, car il est hors de question que les ordures viennent s'entasser dans l'aire de stockage », répond le vice-président du Tachnag, Avédis Guidanian, interrogé par L'OLJ.

 

(Pour mémoire : Les municipalités du Metn et du Kesrouan dans la tourmente : à quand la collecte des déchets ?)

 

Dans l'attente d'une solution acceptée de tous, les ordures s'amoncellent ainsi dans les rues de la capitale, mais aussi dans bon nombre de régions du Metn et du Kesrouan. La compagnie Sukleen se veut toutefois rassurante. Le bureau de presse de Sukleen-Sukomi assure à L'OLJ que les camions de Sukleen « n'ont jamais interrompu le ramassage des ordures à Beyrouth ». « Ils ont juste baissé la fréquence des collectes, après saturation de l'usine de traitement des déchets de la Quarantaine, la semaine dernièr. » Ce qui a poussé la municipalité de Beyrouth à « consacrer un terrain pour stocker les déchets après leur tri et leur traitement ». Quant aux régions du Metn et du Kesrouan, elles sont livrées à elles-mêmes, Sukleen ayant totalement interrompu la collecte des ordures dans ces régions, dans l'attente de directives des autorités. Ici ou là, des dépotoirs sauvages apparaissent, tel que celui de la marina de Dbayé, à titre d'exemple. L'État, lui, est aux abonnés absents.

 

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