D'abord prier. Prier pour les victimes innocentes des attentats-suicide du village de Qaa, prier pour leurs familles, pour leurs proches. Prier pour manifester notre compassion avec ceux qui souffrent et notre solidarité avec ceux qui se trouvent aux premières lignes face aux barbares.
Ensuite, résister. Résister à l'appel du sang. Résister à la tentation de l'oubli. Se rappeler que nous avons eu notre part de la tragédie, que nous sommes les survivants d'anciennes barbaries, de famines, de génocides et de guerres civiles et que cela doit nous rendre irréprochables. Résister à la manipulation, à l'idée de la culpabilisation collective, à la tentation de la vengeance aveugle, au repli. Il ne s'agit pas de désigner les migrants comme les boucs émissaires de nos malheurs, mais de trouver des responsables capables de penser comment protéger nos frontières et comment nous protéger à l'intérieur de ces frontières. Comment mener une action résolue dans le domaine du renseignement et de l'infiltration des milieux où se fomentent les attentats. Comment faire une politique d'immigration responsable pour réparer le chaos migratoire causé par l'irresponsabilité de nos gouvernants. Résister parce que nous avons conscience que la vie est infiniment précieuse. Parce que la résilience fait partie de notre nature. Résister parce que nous n'avons pas peur de ces chairs à explosifs lancées par des lanceurs de mort. Résister collectivement non pas pour défendre un lopin de terre, mais pour mériter une patrie.
Réfléchir enfin. Poser les questions qui fâchent. Nous voulons tous mourir pour le Liban. Mais pour quel Liban voulons-nous mourir? Nous voulons défendre notre mode de vie, nos valeurs et notre identité. Mais de quelles valeurs s'agit-il? Car excepté l'argent tout-puissant, il ne reste pas grand-chose à étaler sur la place publique. Et quel mode de vie? Puisque tout ce qui permettait de conserver une certaine «décence commune» avec l'aide de compromis énormes sur les particularismes des uns et des autres est depuis longtemps en état de putréfaction avancée. Et puis, qu'est-ce que l'identité libanaise? Quel est notre projet d'avenir? Quelle identité voulons-nous aujourd'hui rebâtir? Quel Liban voulons-nous pour demain? À quoi sert un président de la République si ce n'est d'être le ciment de nos valeurs communes, celui qui nous rassemble en un principe d'unité, celui qui incarne un projet de société et qui est porteur d'une vision d'avenir.
Adib Y. TOHMÉ