Nicolas Zouein a su moderniser l'épicerie familiale tout en préservant les traditions.
Le vieux Beyrouth, et plus particulièrement certains secteurs de Gemmayzé, et ses anciennes traditions ont su préserver, parfois, leur cachet d'antan, telle, notamment, cette épicerie de quartier qui a réussi à se recycler en ajoutant, au fil des ans, des services supplémentaires qu'elle offre à sa clientèle.
L'épicerie de Makhoul Zouein se situe dans un vieux bâtiment des années 30. Elle a ouvert ses portes au début des années 80. C'est Nicolas Zouein, le fils du propriétaire, Makhoul, qui raconte l'histoire.
Nicolas, 37 ans, a grandi à l'ombre de l'épicerie familiale. Aujourd'hui, c'est lui qui prend la relève de son père. Même si Makhoul vient encore tous les matins, travaille à partir de 5 heures. Son fils est là à partir de la fin de la matinée et jusqu'à 20 heures.
« Nous fermons les samedis à 15 heures et les dimanches. Nous avons habitué notre clientèle à ce rythme », indique Nicolas, d'emblée.
L'épicerie Makhoul Zouein fait partie de ce Beyrouth qui disparaît, de cette vie de quartier où les gens se connaissent, se rendent service et vivent vraiment ensemble.
« J'ai commencé à travailler à l'épicerie quand j'avais dix ans. Je faisais des livraisons durant l'été et les clients me donnaient de bons pourboires. J'étais le fils du propriétaire et j'avais les yeux bleus », dit Nicolas d'un ton charmeur. L'homme, aux tempes grisonnantes, poursuit fièrement : « Lorsque j'avais dix ans, je ne prenais pas, déjà, de l'argent à mon père. Je rassemblais les pourboires de l'été pour toute l'année... Ma vie est ici. Regardez mon pouce, j'étais tout petit lorsqu'une bouteille de Pepsi Cola en verre a éclaté dans ma main... J'en porte les cicatrices jusqu'à aujourd'hui », note-t-il.
Vous pouvez tout trouver chez Makhoul Zouein, une épicerie d'un peu plus de 100 mètres carrés : de la colle forte, des seaux, des bougies et des cierges d'église, toutes sortes de produit de ménage, une panoplie de produits alimentaires allant des conserves aux fruits frais, des boissons, allant de la simple infusion Lipton à la bouteille pétillante de Perrier, des friandises... Tout, absolument tout. C'est tout comme un petit supermarché, avec la convivialité en plus.
« Si un client demande un produit que nous n'avons pas, nous le lui achetons en grande surface et nous le faisons livrer à domicile. Cela va d'une marque donnée d'eau pétillante à une dimension particulière de batterie... » dit Nicolas.
L'endroit a préservé aussi ses vieilles habitudes : le propriétaire est là pour rendre service et dépanner ses clients fidèles. Nicolas et son père vendent encore des produits à crédit, permettant aux clients ayant du mal à joindre les deux bouts de régler leur facture à la fin du mois. Ils prennent aussi des chèques et donnent du cash à la place. « Si ça permet de dépanner un client qui ne peut pas aller à la banque, pourquoi pas ? »
explique Nicolas Zouein, qui connaît les habitudes des personnes qui fréquentent son épicerie. Il y a ceux qui paient par exemple en chiffre rond, oubliant de donner 250, 500 ou 750 piastres. D'autres, au contraire, font toute une scène si on ne leur rend pas la petite monnaie.
« La clientèle a certes changé depuis les années quatre-vingt jusqu'à présent, relève Nicolas. Beaucoup sont partis car ils n'ont plus les moyens d'habiter Beyrouth. Il y a de nombreux étrangers qui vivent dans le quartier aussi. Mais il y a également les vieux amis de mon père qui lui rendent visite tous les matins dès qu'il ouvre l'épicerie pour prendre le café avec lui. Mon père, qui ne vit plus à Beyrouth, descend de notre village d'origine à Yahchouch (dans le Kesrouan) tous les jours », rapporte-t-il encore.
Nicolas, qui détient un diplôme de comptabilité, a su moderniser son épicerie pour tenir le coup. Non seulement il vend de nombreuses marques présentes sur le marché et dépanne ses clients en leur procurant tout ce qu'ils demandent, mais il est présent aussi dans le quartier d'une autre façon. C'est lui, par exemple, qui assure les services du générateur, de l'antenne parabolique, de la TV par câble et de l'Internet à tout le quartier.
Même s'il a gardé sa machine à moudre le café, avec le temps il a arrêté de vendre certains produits comme le jambon. Parfois aussi, il vend ce qu'il plante dans son village de Yahchouch, notamment en été, proposant ainsi à ses clients des produits fermiers en vogue actuellement.
Nicolas a une sœur qui travaille dans une banque. Il a quatre enfants, qui vont à l'école Saint-Grégoire, la branche beyrouthine de Notre-Dame de Jamhour.
Au-delà de l'aspect purement commercial, de telles épiceries de quartier ont surtout pour (grand) avantage de préserver l'atmosphère et les traditions conviviales, voire familiales, d'un certain Beyrouth d'antan qui malheureusement fait souvent défaut dans une capitale de plus en plus envahie par les effets de la mondialisation.
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WAYNEK YIA BEYROUTH... WAYNAK YIA LEBNEN... CHOU 3EMLOU FIKONE !!!
13 h 38, le 07 juillet 2016