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Économie - Splendeurs et misères économiques

L’immobilier menace la croissance

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

Aujourd'hui, l'impact du marché immobilier sur l'ensemble des fondamentaux est considérable, y compris dans des pays à l'économie aussi massive et aussi diversifiée que les États-Unis. Comme la propriété immobilière reste la source de richesse principale pour les ménages américains ou français, les effets d'une dépréciation de ses prix entraînent donc logiquement des suites néfastes sur l'ensemble des acteurs de l'économie, et pas seulement sur les propriétaires. À l'inverse, c'est la forte hausse de l'immobilier qui a partiellement amorti le choc de l'éclatement des valeurs technologiques en 2001 et qui a ainsi évité à l'économie américaine une forte récession. L'implosion de la bulle des valeurs technologiques fut en effet très révélatrice à cet égard. Elle détruisit dès l'an 2000 quelque 6,2 trillions de dollars, en comparaison avec celle des subprimes qui devait coûter environ 6 trillions dès 2007. Pourquoi les conséquences de la première furent quasiment insignifiantes alors que nous ressentons toujours les effets de la seconde neuf ans plus tard ?
En réalité, la variable d'ajustement fut la consommation qui – contre toute attente – devait progresser de 5 % aux États-Unis entre 2000 et 2002, tandis qu'elle déclina de 8 % en 2007 et 2009. L'effondrement du marché immobilier en 2007 devait donc très sévèrement affecter les pauvres et la classe moyenne, c'est-à-dire ceux-là mêmes qui étaient le moins en capacité de subir de tels chocs et qui furent logiquement les premiers à stopper leur consommation. Le crash du marché immobilier dès 2007 dans des pays comme les États-Unis (ou l'Espagne ou l'Irlande) devait donc y décimer la croissance en tuant la consommation. En fait, c'est la distribution même des pertes engendrées par cet effondrement immobilier qui aggrava cette crise et ses répercussions sur l'économie, bien plus que la distribution des pertes ayant touché les sinistrés de la crise des valeurs Internet. Cette dernière crise – boursière – ne devait en effet concerner que ceux qui avaient les moyens de spéculer en Bourse et qui n'avaient pas nécessairement des dettes. En conséquence, les retombées pour l'activité de la crise des années 2000/2001 furent tout compte fait très limitées, en comparaison avec la crise des subprimes qui a touché de plein fouet les ménages pauvres à moyens, forcés de ralentir considérablement leur consommation pour n'avoir pas d'autre richesse que leur bien immobilier.
Alors que l'immobilier ne constitue effectivement qu'une faible portion du patrimoine des riches, il peut représenter entre 80 et 100 % des avoirs des ménages les moins nantis, qui deviennent donc extrêmement vulnérables à toute implosion immobilière. Pire encore, puisque la quasi-totalité de ces ménages désargentés ne peuvent acquérir leur bien immobilier que par l'entremise d'un crédit, contrairement aux riches qui n'ont pas à s'endetter. Les inégalités fragilisent donc l'économie, qui vacille d'autant plus rapidement et fatalement qu'une partie de ses acteurs et de ses intervenants manque de protection face à un système ayant horreur du vide et qui gonfle des bulles spéculatives partout où il est susceptible de gagner de l'argent. Car, là aussi, c'est toujours les plus démunis qui trinquent : il va de soi que Warren Buffet ou que Mark Zuckerberg ne réduiront pas leur consommation s'ils devaient réaliser un investissement perdant de 50 000 dollars, tandis qu'une famille précaire ou moyenne en serait rudement affectée. L'immobilier crée donc de la fausse croissance, édifiée sur une activité économique négative et fictive.

Aujourd'hui, l'impact du marché immobilier sur l'ensemble des fondamentaux est considérable, y compris dans des pays à l'économie aussi massive et aussi diversifiée que les États-Unis. Comme la propriété immobilière reste la source de richesse principale pour les ménages américains ou français, les effets d'une dépréciation de ses prix entraînent donc logiquement des suites...
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