A l'issue d'une réunion de plusieurs heures, émaillée de débats houleux, la commission parlementaire de l'information et des télécoms, présidée par Hassan Fadlallah, un député du Hezbollah, a assuré que le dossier des réseaux Internet illégaux ne serait clos qu'une fois "les grosses têtes" tombées.
"Chaque personne impliquée dans le scandale des réseaux Internet illégaux sera jugée". C'est de la sorte que M. Fadlallah a pris la parole à la fin de la réunion de la commission qui intervient sur fond de scandale des réseaux Internet illégaux au Liban.
L'affaire a éclaté il y a quelques semaines. Ces réseaux, présumés liés à Israël, selon le ministre des Télécoms, Boutros Harb, distribuaient, entre autres, leurs services à des administrations publiques libanaises, notamment des services de sécurité. Ils s'étendaient de Denniyé (Liban-nord) à Zaarour (Metn), en passant par Faqra et Ouyoun el-Simane (Kesrouan).
Le ministre de la Défense, Samir Mokbel, a pourtant assuré mardi que le réseau Internet de l'armée n'était pas infiltré. "L'armée libanaise bénéficie d'un réseau distribué par des fournisseurs agréés et légaux", a confié M. Mokbel au quotidien an-Nahar, paru mardi. Le réseau de l'armée n'est pas infiltré", a-t-il insisté.
Il y a une semaine, l'affaire des réseaux illégaux a pris une tournure absurde à cause d'une valse d'informations et de déclarations contradictoires concernant la découverte d'un câble de fibre optique sous-marin dans la région de Nahr el-Kalb. La société qui gère les télécoms libanais, Ogero, affirmait qu'il s'agissait d'un câble destiné à la distribution d'Internet. Le parquet militaire a estimé qu'il s'agit plutôt d'un câble de transmission télévisuelle.
Le président de la commission des Télécoms a ainsi noté des contradictions entre les rapports remis à l'Inspection centrale par l'armée libanaise d'une part et la commission des Télécoms d'autre part. "C'est à la justice de trancher la question. Personne ne veut rejeter la responsabilité sur l'autre partie. Je peux vous dire qu'il y a en tout cas aujourd'hui une coopération entre les pouvoirs au niveau de ce dossier", a-t-il martelé.
M. Fadlallah a également dit que le ministère de la Défense lui a assuré "ne pas être au courant d'installations de câbles de fibre optique". Il a ensuite affirmé ne "pas avoir eu de réponse de la part du ministère de l'Intérieur concernant l'installation des équipements illégaux et pour quelles raisons les autorités avaient fermé les yeux". S'il a confirmé l'absence du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, lors de la réunion, "pour des raisons de santé", M. Fadlallah s'est toutefois interrogé : "Le ministère a-t-il quelque chose à cacher?".
(Pour mémoire : Perquisition à Barbour et suite des investigations sur le câble sous-marin de Nahr el-Kalb)
"La justice doit répondre à cette question"
Il a ensuite affirmé que "les informations examinées en commission prouveraient qu'il y a des responsables impliqués dans le scandale, et non seulement des personnes de moindre importance". "Du matériel de grande ampleur est entré en territoire libanais, et il faut savoir si des responsables ont accordé une couverture à ces activités. La justice doit répondre à cette question qui dure depuis des années", a-t-il insisté.
Interrogé sur les accusations lancées par certains dirigeants contre le PDG d'Ogero, Abdel Menhem Youssef, M. Fadlallah a affirmé que "la commission n'accuse personne". "Nous ne pouvons faire le procès de quiconque, c'est à la justice de le faire. Nous avons un rôle d'enquête et de contrôle en tant que commission parlementaire, mais nous voulons faire tomber les grandes têtes et accompagner la justice pour aboutir au résultat final", a-t-il dit.
M. Youssef, qui assistait à la réunion, a quitté la salle avant la fin des débats. "Certaines parties ont demandé à ce que M. Youssef soit exclu de la réunion", a reconnu Hassan Fadlallah, sans en dire plus. Plusieurs médias locaux ont rapporté des accusations lancées par le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, contre M. Youssef. "Je ne suis accusé de rien. Qu'il me dise de quoi je suis accusé ou soupçonné au juste", a répondu le PDG d'Ogero à sa sortie.
Début avril, l'agence Markaziya rapportait que M. Youssef avait été entendu par l'Inspection centrale pour s'expliquer sur 45 plaintes lancées contre lui.
Une prochaine réunion de la commission a été fixée le 4 mai.
En cours de matinée, une réunion ministérielle sécuritaire s'était tenue au Grand Sérail, sous la présidence du chef du gouvernement, Tammam Salam, et en présence notamment du ministre des Télécoms. Cette réunion avait également pour ordre du jour le dossier des réseaux Internet illégaux. M. Harb avait assuré que l'enquête n'allait pas être fermée et que des mesures seraient prises à l'encontre des personnes impliquées.
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commentaires (6)
"Chaque personne impliquée dans le scandale des réseaux Internet illégaux sera jugée". Nous l'espérons bien! A commencer par ceux de son propre parti, propriétaire du plus grand réseau de télécom illégal!
Yves Prevost
06 h 52, le 20 avril 2016