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Économie - Splendeurs et misères économiques

Choisissez votre poison

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

« L'essence de la stagnation séculaire consiste en des reprises anémiques mort-nées et en des récessions qui s'auto-alimentent, accompagnées d'un chômage très élevé et persistant. » C'est en ces termes que le père de la stagnation séculaire, Alvin Hansen, décrivit à l'American Economic Association la conjoncture économique de 1938... qui pourrait également être celle qui prévaut actuellement en Europe.
Tandis que c'est le second conflit mondial qui devait venir à la rescousse de Hansen et ainsi éradiquer l'interminable Grande Dépression, ce sont les progrès technologiques qui semblent aujourd'hui – contre toute attente – tarir les investissements en direction de l'économie. En effet, comment ne pas être interpellé par cette révolution Internet qui ne semble bénéficier qu'à quelques élus et qui se traduit (par exemple) par une société comptant 55 employés – WhatsApp – cédée à Facebook en 2014 pour 19 milliards de dollars, atteignant de ce fait une capitalisation boursière supérieure à Sony ?
Il suffit aujourd'hui d'un bon ordinateur et d'un modeste local pour ériger un empire quand les grandes entreprises de l'époque embauchaient des milliers de travailleurs et de salariés, construisaient des usines et occupaient d'immenses bureaux. Bref, les investissements nécessaires pour faire prospérer les sociétés de 2016 sont sans commune mesure avec les dépenses et frais de fonctionnement souvent pharaoniques d'antan d'entreprises obligées de dépenser une partie substantielle de leurs richesses et de leur trésorerie sur leur outil de production.
En réalité, comme les innovations de ces dernières années se sont principalement concentrées sur des secteurs bien spécifiques – communication et technologies de l'information –, notre productivité actuelle ne progresse logiquement que dans ces domaines. Tandis que nos manières de vivre et de travailler furent révolutionnées en gros entre 1870 et 1970, peu de nouvelles inventions ont, depuis lors, contribué à propulser notre croissance économique. La révolution Internet n'a pas produit sur la croissance les mêmes retombées que l'invention de l'électricité, de l'eau courante ou du moteur à combustion. Voilà qui explique notre mièvre croissance occidentale, d'autant que les effets du boom de l'Internet commencent à se diluer.
Dans une telle tendance lourde que peu semblent identifier et comprendre, les taux d'intérêt négatifs sont-ils susceptibles de pousser les entreprises à investir au lieu d'être pénalisées et taxées sur leurs dépôts bancaires? Est-il sain de les forcer à embaucher sous la menace de pénalités sur leur trésorerie ? En d'autres termes, peut-on rétablir le plein emploi grâce aux taux négatifs ? Soyons très attentifs car cet environnement de taux négatifs peut amener les acteurs de l'économie acculés et sous pression à mal investir et à enfler de nouvelles bulles spéculatives.
Le diagnostic est hélas sombre mais indiscutable. La stagnation séculaire et son lot de taux négatifs contraignent à des choix impossibles. Croissance quasi inexistante ou déstabilisation financière : choisissez votre poison.

« L'essence de la stagnation séculaire consiste en des reprises anémiques mort-nées et en des récessions qui s'auto-alimentent, accompagnées d'un chômage très élevé et persistant. » C'est en ces termes que le père de la stagnation séculaire, Alvin Hansen, décrivit à l'American Economic Association la conjoncture économique de 1938... qui pourrait également être celle qui...
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