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Culture - Théâtre

Othello dans toute son islamitude

Actuellement, triomphe au « Shakespeare Theater », à Washington, un Othello qui n'est ni noir ni grimé au charbon...

Faran Tahir en abaya (à droite) face à Ryman Sneed dans le rôle de Desdemona. Photo Scott Schuman

Au moment où Donald Trump veut interdire l'accès du territoire US aux musulmans et que les autres candidats républicains à la présidentielle n'en pensent pas moins, apparaît sur scène un Othello dans toute sa fibre maure. Un retour à sa véritable identité effectué par le metteur en scène Ron Daniels, un spécialiste du théâtre shakespearien. Tout au long de ce nouveau spectacle qu'il signe, il braque les feux sur les racines et la religion, peu clarifiées dans le texte de la tragédie éponyme. Il a commencé par ignorer le choix d'un interprète noir, comme le veut la tradition, lui préférant un acteur américain d'origine pakistanaise, musulman de surcroît, et connu du grand et du petit écran, Faran Tahir. Ron Daniels s'est arrêté sur la signification de Maure attribué à Othello, et qui signifie berbère et musulman vivant en Andalousie. Donc, pas nécessairement une personne à la peau noire, comme on le pensait dans l'Angleterre élisabéthaine.

Muezzin et prière musulmane
Pour bien marquer cette ascendance qui, selon lui, explique diverses facettes du comportement d'Othello, le metteur en scène a créé une atmosphère tirée de cette culture. D'abord, il a donné à Chypre, cœur de l'action, une allure tout à fait islamique. Là, les femmes sont voilées et les Vénitiens sont tous des étrangers. Là aussi, s'élève la voix du muezzin appelant à la prière. Après un entracte, apparaît un Othello ayant troqué son uniforme militaire contre une ample abaya. Également visualisés, les états d'âme du célèbre général, converti au christianisme, mais non complètement détaché de sa religion initiale. Avant d'étrangler Desdémone, il fait une prière : genoux, bras et front à terre, selon le culte musulman. Les autres, les chrétiens, ont envers lui un regard sceptique, comme le montre une scène ayant pour fond un écho d'invectives raciales. Dans cette optique, le meurtre de Desdémone relève du crime d'honneur ou ce qu'Othello appelle « un crime honorable » Et dans le texte, Iago crie haut et fort : « Je hais les Maures. » On n'est pas loin des temps actuels des conflits religieux, d'autant que sur la scène la soldatesque arbore des uniformes kaki.

Shakespeare inspiré par un ambassadeur du Maroc
En plaçant cette œuvre shakespearienne dans ce contexte, Ron Daniels a voulu aller au-delà du clin d'œil aux jours sombres que vit aujourd'hui le monde pour évoquer une tragique réalité qui perdure. Et, aussi, pour dire Othello tel qu'en lui-même et que Shakespeare aurait crée sur le modèle d'un éminent ambassadeur du Maroc à Londres, à la cour de la reine Elizabeth en 1600. Diplomate de haut niveau, grand esprit, beaucoup de classe et la peau pas noire du tout, il se nommait Abdel Wahed ben Massoud ben Mohammad al-Annouri. Très apprécié de tous, il avait été le centre d'intérêt de beaucoup de grands peintres contemporain qui ont fait son portrait. À noter que cette époque avait vu l'arrivée à Londres d'un très grand nombre de musulmans (commerçants, diplomates, musiciens, traducteurs, employés de maison) venus, particulièrement d'Afrique du Nord, forger des relations avec l'Angleterre. Le reste de l'Europe chrétienne leur était fermée par un édit du Vatican, interdisant aux chrétiens tout négoce avec eux. Excommuniée par le pape, la reine Elizabeth avait tiré avantage de cette situation.

Pour toutes ces raisons, la production a renoncé au traditionnel Othello noir, lui redonnant des traits plus proches de son essence, ceux de Faran Tahir. Cet acteur (né à Los Angeles en 1964 de parents d'origine pakistanaise, musulmans et acteurs) a fait une belle carrière hollywoodienne surtout dans des films d'action et de science-fiction, culminant avec The Iron Man. De là, il est soudain invité à rentrer dans la peau d'un héros shakespearien, aux prises avec ses conflits intérieurs de grandeur et de faiblesse. Se battant avec ces démons, il s'en sort avec une glorieuse performance.

 

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