Personne n'y croyait plus. Après les dernières hésitations, le règlement d'une crise qui a duré huit mois pleins est en route. La société Sukleen a annoncé en soirée qu'elle reprendra ce matin le ramassage à large échelle des déchets. La décharge de Naamé recueillera les 350 000 tonnes d'ordures ménagères accumulées depuis juillet dernier sur les routes, dans des zones de stockage improvisées, dans les vallons et même dans la mer. Ainsi prend fin l'un des épisodes les plus révoltants de ces dernières années, si l'on excepte celui du vide présidentiel. Sur les mille et un détails à régler dont Akram Chehayeb a fait état, impossible de ne pas songer que le dernier mot est revenu non à l'esprit civique ou à l'intérêt national, mais à l'argent, au profit et à l'esprit partisan.
Bien entendu, cet épilogue intervient alors que d'autres scandaleuses négligences portant sur la qualité du blé et les services Internet secouent le pays, révélant le degré de déliquescence atteint par la vie politique et les services publics, et que certains ont peut-être recherché et savouré.
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La solution fédérale
Cette détente coïncide aussi, curieusement, avec l'accalmie dans le conflit syrien et les tentatives des Kurdes de Syrie d'avancer leurs pions, dans la perspective d'un règlement régional. La solution fédérale que prônent les Kurdes n'est pas sans inquiéter, au Liban, ceux qui, comme Walid Joumblatt et Michel Sleiman, redoutent un redécoupage de la région qui comprendrait un remodelage des frontières et la disparition du Liban.
Le voisinage de la Syrie et le déversoir de réfugiés que constitue le Liban nous vaut l'attention du monde, à commencer par celui de l'Europe, qui s'est finalement cabrée sous l'afflux des réfugiés et ne sait plus comment les refouler. C'est ainsi que l'on annonçait hier la prochaine visite de Federica Mogherini, la responsable de la politique étrangère et de la sécurité stratégique de l'Union européenne au Liban.
La crise des réfugiés, la présidentielle, le rapprochement des points de vue entre l'Iran et les pays du Golfe seront certainement au menu des entretiens de la responsable. Il sera également question, assure-t-on de source diplomatique, des tentatives de relance des pourparlers israélo-palestiniens, ce dont on ne peut que se féliciter, tant la question palestinienne demeure l'abcès de fixation principal de la région.
Également attendus au Liban la semaine prochaine : le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, et le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim, ainsi que celle, jeudi, du président de la Banque islamique de développement, Ahmad Mohammad Ali Madani.
L'Onu, on le sait, s'inquiète des répercussions de la crise syrienne sur la stabilité du Liban et exprime sa profonde préoccupation face à la vacance présidentielle. Dans une situation régionale complexe et ambiguë, les mouvements massifs de population, que ce soit au Liban, en Jordanie, en Turquie et à l'intérieur même de la Syrie, redessinent la carte démographique de la région de façon équivoque. Le sort du Liban de la coexistence islamo-chrétienne pourrait ainsi devenir un enjeu de pouvoir dans toute négociation qui aurait lieu, notamment dans celle que l'Europe conduit avec la Turquie, pour endiguer le flot des réfugiés.
(Lire aussi : À l'ordre du jour de la visite de Ban Ki-moon au Liban : les réfugiés syriens et l'aide à l'armée)
Les réfugiés et la BM
À la veille de ces visites, et après celle aux États-Unis d'une délégation parlementaire, ce sera au tour du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, de prendre l'avion aujourd'hui pour les États-Unis, accompagné d'une délégation de hauts responsables de son ministère et de conseillers. M. Khalil a rencontré hier, à la veille de son départ, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Aux États-Unis, le ministre des Finances aura des rencontres avec des responsables du Trésor américain, du département d'État, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Cette visite intervient avant les assemblées du printemps de la BM et du FMI, au mois d'avril, à Washington. Les responsables financiers doivent y faire le point sur les programmes de soutien aux réfugiés, en particulier dans les pays limitrophes de la Syrie. Les responsables de la BM et du FMI soulignent l'importance d'une mise en œuvre rapide et concrète des objectifs du développement durable et de l'accord de Paris sur le climat, ainsi que d'une simplification des procédures d'accès aux fonds de la BM, pour les pays les plus fragiles.
Une dernière bonne nouvelle locale. Inspirée de l'initiative libanaise, la Journée islamo-chrétienne Ensemble avec Marie à l'occasion de la fête de l'Annonciation, le 25 mars, en est aujourd'hui à sa deuxième édition française. Après une première rencontre à Longpont dans l'Essonne, en France, cette Journée portée par l'association Efesia aura lieu cette année en plusieurs endroits, y compris à Bruxelles et en Tunisie. Au Liban, la fête a été décalée au 4 avril, du fait qu'elle tombait durant la semaine sainte.
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commentaires (6)
Bon...la décharge de Naamé recueillera les 350 mille tonnes d'ordures ménagères accumulées depuis juillet 2015... Mais qu'en est-il des nouvelles ordures qui sont produites chaque jour à partir de maintenant ? Y'a-t-il un plan ? Pourquoi ne nous dit-on rien ? Cela fait-il partie des "mille détails à règler" évoqués par M. Akram Chehayeb ? Messieurs, vous ne saurez décidément jamais travailler comme cela se fait dans les autres pays. Par contre, vous remplir les poches au détriment des citoyens, ça fonctionne toujours parfaitement ! Irène Saïd
Irene Said
17 h 07, le 19 mars 2016