Huit mois après la fermeture de la décharge de Naamé, qui desservait depuis dix-huit ans Beyrouth et le Mont-Liban, les ordures qui se sont amoncelées dans les rues de la capitale et des autres régions, plongeant les Libanais dans l'horreur, doivent reprendre le chemin... de Naamé. En fin de soirée, Sukleen a annoncé qu'elle commencerait à lever les ordures ménagères des rues à 6 h aujourd'hui.
Le plan gouvernemental, qui semble avoir définitivement été mis sur les rails hier, comprend la création de deux grandes décharges côtières, l'une sur le littoral de Choueifate, connu sous le nom de Costa Brava, et l'autre proche du dépotoir fermé de Bourj Hammoud.
Hier, c'est de son domicile d'Aley que le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb, chargé du dossier des déchets depuis plusieurs mois, a annoncé que « les habitants de la région du Chahhar (autour de la décharge de Naamé) ont accepté une réouverture du site pour une période de soixante jours ». Il était en présence de plusieurs cheikhs de la région, ainsi que de délégations d'habitants.
« En tant que représentant d'une force politique et responsable, j'affirme que cette décharge ne sera pas ouverte plus de soixante jours et ne sera jamais plus un site d'accueil pour les déchets du Mont-Liban, d'Aley, du Chouf ou d'ailleurs, a ajouté M. Chehayeb. Après sa fermeture définitive, elle sera réhabilitée. Le budget existe déjà et se trouve au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), oscillant entre 11 et 12 millions de dollars, pour la fermeture et la réhabilitation de la décharge, surtout que les installations de production d'électricité (par récupération du gaz méthane qui s'en dégage) ont déjà commencé à être installées, pour une production de six mégawatts qui desservira les régions alentour. »
À l'optimisme affiché par Akram Chehayeb, des membres de la société civile ont opposé leur colère, non loin de là. Près de la décharge fermée depuis juillet, les membres de la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé, accompagnés de représentants du Mouvement écologique libanais (LEM, rassemblement d'ONG), annonçaient leur refus total de la réouverture de ce site, même pour un nombre limité de jours. « Cela fait des mois que nous respirons un air propre, nous ne vous permettrons pas de revenir vers nous avec vos promesses creuses », a vociféré Ajwad Ayache, porte-parole de cette campagne.
Pour sa part, le LEM a publié un communiqué dans lequel il « rejette totalement la réouverture de la décharge de Naamé », préconisant « une solution décentralisée, où chaque caza traiterait ses propres déchets, dans des centres de tri et de traitement, non des décharges où tout serait enfoui ».
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Entre-temps, les deux autres sites...
Selon ce plan gouvernemental, si les déchets amoncelés devront se retrouver à Naamé, les déchets produits au fur et à mesure seront acheminés vers les deux autres sites, à Bourj Hammoud et à Costa Brava. Des superficies seront consacrées au stockage temporaire, le temps de construire les sites des décharges. Hier, des photos de tracteurs balisant des superficies sur la plage de Costa Brava – là où se trouvent les remblais résultant des destructions de la banlieue sud durant la guerre de 2006 – ont été photographiés par des militants de Choueifate, opposés au projet. L'un d'eux, Imad Kadi, affirme à L'Orient-Le Jour qu' « une cellule de crise a été formée, regroupant les différentes ONG de Choueifate et des représentants des partis politiques ».
Pour sa part, le principal opposant à cette décharge, le député Talal Arslane, semble camper sur ses positions, du moins en apparence. Le conseil exécutif de son parti, le Parti démocratique libanais, s'est réuni hier sous la présidence du secrétaire général Walid Barakat, pour réaffirmer que « la position de principe (du député) qui s'oppose à l'ouverture de cette décharge est claire et ne saurait pas être interprétée autrement ».
Du côté de Bourj Hammoud, le principal interlocuteur du gouvernement, le parti Tachnag, n'a pas publié de communiqué officiel affichant sa position (approbation ou désapprobation). Des rumeurs contradictoires circulaient hier en ville, certaines prenant leur assentiment final pour acquis, d'autres soulignant que des difficultés persistaient dans les pourparlers. Le député Hagop Pakradounian était injoignable pour un commentaire.
Pour le leader druze Walid Joumblatt, toutefois, il ne fait plus de doute que le plan de sortie de crise est bien sur les rails. Il a estimé hier, dans un tweet, que « le plan de gestion des déchets a été mis en place grâce aux énormes efforts de M. Chehayeb et de son équipe, soutenus par le Premier ministre, Tammam Salam », remerciant « tous ceux qui ont contribué à faciliter la mise en application de ce plan, partis politiques et mouvements civils, sans exception ».
Ce plan gouvernemental, même s'il est mis en marche et malgré le soulagement de voir les ordures enfin collectées des rues, fait toujours grincer des dents : en effet, il impliquera, outre la création de décharges côtières, le remblayage de larges superficies en mer. Malgré les déclarations selon lesquelles ces nouveaux terrains resteront des biens-fonds maritimes publics et que leur investissement reviendra aux municipalités, beaucoup y voient tout simplement une mainmise sur de nouvelles parcelles du littoral.
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commentaires (4)
Si nous n'acceptons pas leur dernier plan INCOMPÉTENT et / ou CORROMPU, ils vont continuer à nous noyer dans nos propres ordures. Alors ... nous devrions l'accepter pour le moment ... et continuer à pousser très fort pour résoudre chacun des points ci-dessous qui manquent: 1. Un plan sans coût annoncé 2. Un plan qui redonne aux mêmes incompétents et corrompus la responsabilité de faire les appels d’offres (le CDR qui nous a offert le scandale de l'exportation de déchets) 3. Un plan qui ne donne pas au Conseil des ministres le droit de superviser le travail du CDR 4. Un plan qui a un énorme risque de polluer la mer 5. etc, etc ..
Hanna Philipe
13 h 26, le 20 mars 2016