La décision de la Russie de « limiter » sa présence militaire en Syrie semble avoir initié une nouvelle phase dans la région, orientée vers le dialogue et les négociations dans la résolution des conflits, constate une source diplomatique informée.
À la suite de ce retrait, le cessez-le-feu en Syrie est en passe de devenir une trêve permanente, maintenue par des pressions internationales, dans le cadre d'un accord russo-américain « sérieux » autour d'un compromis. C'est ce que le secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères, John Kerry, pourrait éventuellement débattre avec son homologue Sergueï Lavrov mardi prochain à Moscou.
D'un point de vue tactique, le retrait militaire de Moscou, ainsi que son intervention, obéiraient au même objectif : inciter les différentes parties au conflit (le régime et l'opposition) à négocier une solution à la crise.
Des observateurs conviennent que l'intervention russe a atteint son objectif : elle a empêché la chute du régime et fortifié sa position sur le terrain, améliorant ainsi sa place à la table des négociations. Le retrait russe a, quant à lui, servi à éviter que son intervention militaire ne soit interprétée comme un appui illimité au régime de Damas. Certains responsables syriens, « armés du Sukhoï » russe – expression imagée d'un observateur –, étaient allés jusqu'à opposer un refus catégorique au dialogue avec l'opposition. Moscou aurait donc tenu à empêcher le régime syrien d'exploiter la carte russe en vue de faire échouer les négociations de Genève et forcer une solution hâtive au conflit. La Russie aurait ainsi réussi à rééquilibrer un tant soit peu les rapports de force, ratissant le terrain des pourparlers auxquels Moscou voudrait prendre part.
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Le retrait de la Russie pourrait donc conduire à réajuster ses rapports diplomatiques avec nombre de décideurs occidentaux et arabes, de Paris, Washington et Berlin notamment, jusqu'à Riyad, Téhéran et Istanbul – des rapports qui avaient été affectés par l'intervention militaire de Moscou. En plus du secrétaire d'État américain, des responsables européens et saoudiens seraient attendus au cours des prochaines semaines dans la capitale russe. Ces rencontres pourraient préparer une visite prochaine du roi Salmane d'Arabie à Moscou. Les entretiens diplomatiques viseraient à examiner une solution au conflit régional, et précisément le phénomène du terrorisme. La création d'une plateforme régionale et internationale pour lutter contre le terrorisme ferait partie des velléités russes.
Surtout que la décision de Moscou de se retirer de Syrie semble avoir mis un terme à toutes les spéculations autour des scénarios de partition ou de fédéralisme dans ce pays en conflit. La vive opposition internationale et arabe à ce projet aurait pour motif commun la crainte qu'un système de partition n'encourage certaines zones ou régions à plus de radicalisation, qui dégénérerait en longues guerres confessionnelles et fratricides, semblables à la guerre de Cent Ans en Europe. Le retrait de la Russie constituerait ainsi une opportunité pour étudier des solutions viables et équilibrées au conflit syrien, qui préserveraient l'intégrité territoriale et frontalière du pays, renforceraient son armée et réformeraient son système politique.
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Reste à évaluer la réelle influence d'un compromis en Syrie sur la situation au Liban. Le point de vue du courant du Futur, rapporté par un de ses députés, est que certaines parties ont lié le déblocage institutionnel à la solution syrienne : le compromis au Liban dépendrait ainsi des contours de cette solution.
Mais il est un effet plus dangereux que celui de la paralysie institutionnelle : celui d'une dégradation sécuritaire au Liban, postérieure à une solution politique en Syrie. Un ancien responsable libanais affirme craindre qu'une partition, ou même un système fédéral en Syrie, ne conduise à créer un canton qui s'étende de Lattaquié jusqu'au sud du Liban, et qui longerait l'Anti-Liban, jusqu'aux frontières nord du Liban et de la Syrie. Le risque d'instabilité aux frontières libanaises serait important, surtout que ce cas de figure maintiendrait le Liban-Sud comme passerelle entre l'Iran et la zone alaouite. Autrement dit, toute solution en Syrie (fondée ou non sur la partition) qui conduirait à établir un canton monochrome, soumis à un seul pouvoir central et limitrophe du Liban, pourrait menacer la cohésion intérieure, voire l'entité libanaise. C'est pourquoi un ancien ministre réclame, à l'heure actuelle, de compléter le tracé des frontières avec la Syrie et de régler définitivement les divergences sur ce point. Plus d'un responsable révèlent que cette demande pourrait être soumise officiellement au secrétaire général de l'Onu lors de sa visite prochaine à Beyrouth.
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commentaires (10)
N'allons pas trop vite en besogne! La question kurde est une question sérieuse qui mérite de trouver une solution régionale et internationale... Région autonome ou à statut spécial etc. Que les turques empêcheront de toutes leurs forces même... otanesque. Le reste ne peut en aucun cas être sujet à une quelconque division.
Ali Farhat
16 h 50, le 18 mars 2016