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Économie - Splendeurs et misères économiques

Les banques centrales, ultime rempart contre la dépression

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse et fondateur d’Art Trading & Finance – Genève. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

Notre monde est truffé de déficits, d'endettements publics et privés. De même est-il buriné par les processus délicats de réductions généralisées (volontaires ou forcées) de ces dettes. Dans ce monde tourmenté et en déséquilibre permanent, le métier de banquier central requiert doigté, finesse et anticipation permanente. En effet, le pouvoir semble désormais acquis aux banques centrales, seules capables d'insuffler un quelconque semblant de vie à nos économies à la faveur de leur planche à billets.
Pour simplifier, les comités directeurs de nos banques centrales sont profondément marqués par la dépression des années 1930 ainsi que par la décennie perdue au Japon dans les années 1990. Ces deux épisodes fascinent d'autant plus les économistes et les universitaires que leurs mécanismes ne sont toujours pas complètement élucidés. Leur maîtrise s'avère pourtant vitale dans le contexte actuel où les banques centrales doivent impérativement éviter les erreurs lourdes de conséquences de la Grande Dépression et du cas d'école nippon. C'est ainsi qu'en l'absence de clés de compréhension irréfutables, les banques centrales ont compris qu'il était une calamité qu'il fallait absolument éviter, à savoir la déflation. Nul ne sait en effet comment la vaincre et, à cet égard, nul ne saurait prétendre expliquer avec clarté et sans équivoque le cheminement ayant permis aux États-Unis d'en sortir à la fin des années 30. Sachant que le Japon ne peut toujours pas se targuer – aujourd'hui en 2016 – d'avoir surmonté sa propre déflation.
Voilà qui permet de mieux comprendre les réactions très énergiques de la Réserve fédérale américaine et de la Banque d'Angleterre qui, dès l'automne 2008, n'ont pas hésité à se lancer à corps perdu dans les « baisses de taux quantitatives », autrement dit dans une intense création monétaire censée éviter le grippage irrémédiable de leurs économies respectives. Comme la banque centrale ne connaît pas les remèdes pour combattre la déflation, elle fait ainsi un usage préemptif de toutes les munitions à sa disposition afin d'éviter d'y sombrer. Après tout, c'est bien l'attitude peu déterminée de la Banque du Japon de l'époque qui avait ouvert une voie royale à une déflation insidieuse dont le pays ne s'est toujours pas remis. Le passé étant riche d'au moins un enseignement précieux, selon lequel il est crucial pour une banque centrale d'éviter de subir les évènements et qu'il convient au contraire d'adopter une posture agressive se devant en outre d'être affichée publiquement.
Pour autant, cette attitude proactive de la banque centrale ne doit pas se solder en des actions précipitées et hautement préjudiciables pour l'économie à l'instar de la hausse prématurée des taux d'intérêt américains au début des années 1930 ayant précipité la Grande Dépression. Comme la déflation et la dépression représentent le mal absolu tant en termes de coût social, via le chômage, que sur le plan de la dégradation des niveaux de vie et de la perte de valeur généralisée de la quasi-totalité des actifs, une banque centrale moderne et flexible s'abstiendra toujours d'un resserrement précoce de sa politique monétaire. Elle préférera toujours en d'autres termes mettre fin tardivement à sa politique des taux d'intérêt très bas plutôt que de réitérer les fautes d'hier.
Néanmoins, une politique monétaire expansionniste (c'est-à-dire le maintien de taux d'intérêt bas pour une période prolongée) constitue une condition nécessaire mais hélas pas suffisante au redémarrage de la croissance. Il y a effectivement des limites à ce qu'une banque centrale peut accomplir car son action est souvent neutralisée par des politiciens frileux et hélas trop souvent préoccupés par leur réélection.

Notre monde est truffé de déficits, d'endettements publics et privés. De même est-il buriné par les processus délicats de réductions généralisées (volontaires ou forcées) de ces dettes. Dans ce monde tourmenté et en déséquilibre permanent, le métier de banquier central requiert doigté, finesse et anticipation permanente. En effet, le pouvoir semble désormais acquis aux banques...
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