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Liban - La situation

La « distanciation » ne peut se faire toujours au détriment du même camp

Le Conseil des ministres a été marqué par une mise en garde de Tammam Salam. Photo Dalati et Nohra

Le bras de fer engagé par l'Arabie saoudite avec l'Iran, au Liban, a pris de court l'opinion. Passé le premier choc psychologique, tout le monde s'interroge : où va-t-on ? Des indications glanées ça et là, tout le monde réalise que la suspension de l'aide militaire aux forces armées fait partie d'une panoplie de sanctions politiques, diplomatiques et économiques, destinées à provoquer un rééquilibrage de la politique extérieure du Liban et son retour dans le giron arabe, par opposition à son tropisme iranien trop appuyé, que l'Arabie saoudite a décidé de confronter. Mais la dose n'est-elle pas trop forte ? C'est ce que semblent croire la France et les États-Unis qui auraient, selon des sources fiables, déjà engagé une discrète médiation auprès de Riyad, pour amortir un coup que l'opinion comprend mal.

 

(Lire aussi : Les États-Unis prêts à démarcher Riyad en faveur de Beyrouth)

 

En attendant que ces contacts portent leurs fruits, il est désormais clair que pour l'Arabie saoudite, la plaisanterie est finie et qu'après le gel de l'aide militaire suivront d'autres mesures. Ainsi, Michel Pharaon redoute la suspension des vols de la Saudi Airlines vers Beyrouth. Certains évoquent la réduction de la représentation diplomatique de l'Arabie et des pays du Conseil de coopération du Golfe. En attendant, le Koweït a annulé hier la réception qu'il organisait à l'occasion de sa fête nationale. Les mesures d'intimidation comprennent aussi, il semble, le refus d'accorder de nouveaux visas à des Libanais et le licenciement de 90 salariés d'Arabie saoudite (voir ici). Certains redoutent des retraits bancaires massifs. Les entrepreneurs de travaux publics s'alarment. En tout état de cause, Tammam Salam en Conseil des ministres a clairement mis en garde les ministres contre les conséquences néfastes d'une éventuelle décision d'ignorer ou de minimiser la volonté manifeste de l'Arabie saoudite d'en avoir pour son argent.


Et d'une certaine façon, si l'on met les sentiments de côté, la façon de faire de l'Arabie saoudite se comprend. On a beaucoup répété ces derniers jours que « le Liban est arabe dans son identité et son appartenance ». Extrait du préambule de la Constitution (paragraphe B) cette phrase est assortie d'une conclusion pratique : « L'Etat concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception. »
Pour les faucons du courant du Futur, l'Arabie saoudite n'en demande pas plus. Passons sur le mot « excuses », a dit hier Nouhad Machnouk, ministre de l'Intérieur, et parlons principes. Est-ce que de mauvaises relations avec l'Arabie saoudite sont dans l'intérêt du Liban ? Et que faut-il faire pour éviter qu'elles ne le soient ? Et réparer le tort qui leur a été fait ?


Gebran Bassil, sommé de choisir entre l'unanimité arabe et l'unité des Libanais, a dit avoir choisi l'unité. Samir Geagea s'est fait une joie de démonter ce sophisme présenté comme un dilemme cornélien et de montrer qu'en choisissant « l'unité », le ministre des Affaires étrangères a tout simplement choisi d'être complaisant avec le Hezbollah et de se moquer des sentiments d'un monde arabe en guerre contre l'expansionnisme iranien. Pour l'Arabie saoudite, ce jeu ne peut se poursuivre. Le Liban doit choisir son camp. La « distanciation » qu'il a adoptée comme doctrine de politique étrangère vaut pour tout le monde. Elle ne peut se faire toujours au détriment du même camp. Et en tout cas pas au détriment des causes qui font l'unanimité des pays de la Ligue arabe.

 

(Lire aussi : La stratégie de la tension des pays du Golfe peut-elle ébranler l'économie ?)

 

Un danger que l'Arabie saoudite ne voit pas
Certes, il y a là un danger que l'Arabie saoudite ne voit peut-être pas, mais que le Liban doit éviter à tout prix. Ce danger – mortel – c'est que les querelles politiques prennent une coloration confessionnelle. Oui à un rééquilibrage des relations, non à l'éviction d'un camp par un autre est appelé à devenir le mot d'ordre du moment. Oui au dialogue, non aux déclarations et aux campagnes télévisées incendiaires. Une lutte d'influence saoudo-iranienne au Liban se solderait inévitablement par un bain de sang et tout le monde devrait le comprendre. Mais l'Arabie veut-elle vraiment déstabiliser le Liban ? Veut-elle son effondrement ?
Moqués – bien à tort – par les médias du Hezbollah ou hostiles au courant du Futur, les visites d'appui à l'ambassade d'Arabie saoudite se sont poursuivies hier, ainsi que les visites au chef du courant du Futur, Saad Hariri. Parallèlement, des visites en Arabie saoudite sont envisagées par le Premier ministre et le président de la Fédération des chambres de commerce et d'industrie du Liban, Mohammad Choucair, qui a pu constater hier que les transactions bancaires entre l'Arabie saoudite et le Liban restaient normales pour le moment. « Voilà deux ans que tout au long de mes voyages dans le Golfe, je passe mon temps à tenter d'éteindre les incendies de certaines forces politiques au Liban », a-t-il confié à la presse, sans cacher que le gouvernement est, quelque part, à blâmer pour ce qui se produit.


Mais ces visites n'iront pas de soi, semble-t-il. Tammam Salam devra se rendre à Riyad avec du concret, a affirmé hier le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, et une démarche trop hâtive pourrait se solder par une rebuffade qui retournerait l'opinion contre l'Arabie saoudite. C'est sans doute un argument auquel est particulièrement sensible Walid Joumblatt, qui demande que l'on tienne compte d'une « majorité silencieuse » de Libanais surpris par la brusquerie des sanctions saoudiennes et considérant qu'elle en est la première et injuste victime.

 

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Le bras de fer engagé par l'Arabie saoudite avec l'Iran, au Liban, a pris de court l'opinion. Passé le premier choc psychologique, tout le monde s'interroge : où va-t-on ? Des indications glanées ça et là, tout le monde réalise que la suspension de l'aide militaire aux forces armées fait partie d'une panoplie de sanctions politiques, diplomatiques et économiques, destinées...

commentaires (10)

MERCI MR. B. DE METTRE LES POINTS SUR LES I...

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 46, le 26 février 2016

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • MERCI MR. B. DE METTRE LES POINTS SUR LES I...

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 46, le 26 février 2016

  • Entre le caviar et les dattes , je préfère définitivement le caviar ...! heureusement qu'il y a les russes pour servir la vodka....!

    M.V.

    16 h 07, le 26 février 2016

  • La partie chrétienne au Liban, est pauvre en hommes d'Etat. Elle a livré son destin à des sous-hommes qui ne pensent qu'à remplir leurs poches de l'argent de l'Etat donc de l'argent public des citoyens. Après la disparition de Camille Chamoun, de Pierre Gemayel et de Raymond Eddé, je ne vois personne parmi les nouveaux mini-caïds susceptibles d'affronter les dangers qui guettent le Liban de toutes parts spécialement du Golfe persique entre autres. Les chrétiens, dégoutés, émigrent laissant leur patrie vidée de sa substance chrétienne originelle dans notre pays. Hélas.

    Un Libanais

    15 h 11, le 26 février 2016

  • HYPER FAUSSE DECLARATION : LA DISTANCIATION NE PEUT SE FAIRE TOUJOURS AU DETRIMENT DU MEME CAMP... CAD UNE FOIS POUR NOUS UNE FOIS POUR VOUS... UNE FOIS AVEC LA FAMILLE ARABE ET UNE FOIS AVEC L,IRAN... NON MESSIEURS, IL DOIT Y AVOIR DISTANCIATION DANS LES LITIGES INTER ARABES... ET UNANIMITE ARABE DANS LES LITIGES ARABO ETRANGERS... ET LE LIBAN FAIT PARTIE DE LA FAMILLE ARABE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 03, le 26 février 2016

  • "Le béSSîîîl, sommé de choisir entre l'unanimité arabe et l'unité des Libanais, a dit avoir choisi l'unité. Certains se sont fait une joie de démonter ce sophisme présenté comme un dilemme cornélien et de montrer qu'en choisissant « l'unité », ce béSSîîîl bout(r)on(eux)ais a tout simplement choisi d'être complaisant avec le héZébbb et de se moquer des sentiments d'un monde arabe en guerre contre l'expansionnisme Per(s)cé !" ! Tout comme : "Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 21, le 26 février 2016

  • LA REGLE DIT : DISTANCIATION ENTRE DEUX PAYS ARABES EN CONFLIT ENTRE EUX. UNANIMITE AVEC TOUS LES PAYS ARABES POUR TOUT CONFLIT OPPOSANT UN PAYS ARABE A UN PAYS ETRANGER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 19, le 26 février 2016

  • VICTOR HUGO - IL VIENT UNE HEURE OÙ PROTESTER NE SUFFIT PLUS : APRÈS LA PHILOSOPHIE, IL FAUT L’ACTION

    FAKHOURI

    10 h 01, le 26 février 2016

  • Encore une fois allons sans détours aux faits concrets. Malgré leur gravité, ce ne sont pas les festivals chroniques et indécents d'insultes adressées à l'Arabie saoudite par les responsables du Hezbollah et leurs suiveurs, tous plus perses que les Perses, qui ont fait déborder le vase. C'est l'erreur diplomatique grossière du ministre des Affaires étrangères, donc du Liban officiel, de "se distancier" de l'unanimité arabe condamnant les agressions aux représentations diplomatiques saoudiennes en Iran. Le ministre allègue qu'il avait à "choisir entre l'unanimité arabe et l'unité des Libanais" et qu'il a opté pour celle-ci en se distanciant du communiqué des ministres arabes où était mentionné le Hezbollah comme "terroriste" ? Son devoir était de voter dans le sens de l'unanimité arabe, tout en exprimant ses réserves sur cette qualification du Hezbollah. Voilà la solution par laquelle il n'aurait pas violé l'unanimité arabe et aurait épargné l'unité des Libanais. Par sa distanciation, il n'a sauvé ni l'une ni l'autre et, en plus, sa position a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de la patience de l'Arabie saoudite. C'est comme ça que l'on sauve les intérêts de son pays et de ses citoyens. Alors que maintenant, et comme le dit le président de la Fédération des chambres de commerce et d'industrie, Mohammad Choucair, sa grosse gaffe diplomatique a créé un risque économique énorme pour le Liban et pour ses centaines de milliers d'emigrés dans le Golfe.

    Halim Abou Chacra

    04 h 53, le 26 février 2016

  • Walid Joumblatt, qui demande que l'on tienne compte d'une « majorité silencieuse » de Libanais surpris par la brusquerie des sanctions saoudiennes et considérant qu'elle en est la première et injuste victime LES MAJORITES QU'ELLES SOIENT SILENCIEUSES OU BRUYANTES PAIENT TOUJOURS LE PRIX DE LA BETISE DE LEURS DIRIGEANTS. SI ELLES EN ONT MARRE DE LA BETISE OU DE LA STUPIDITE DE LEURS DIRIGEANTS TRAITRES/CRIMINELS ELLES DEVARAIENT LES RENVERSER AU LIEU D'ETRE "SURPRIS' OU DE SE SCANDALISER DES RSANCTIONS QUE DES GOUVERNEMENTS/PAYS POURRAIENT PRENDRE POUR SANCTIONNER LEUR BETISE,TRAITRISE OU LEUR IRRESPONSABILITEE.

    Henrik Yowakim

    03 h 35, le 26 février 2016

  • La « distanciation » qu'il a adoptée comme doctrine de politique étrangère vaut pour tout le monde BALIVERNES : LA DISTANCIATION NE PEUT S'APPLIQUER QUE QUAND ELLE CONCERNE CONCERNE LES CONNFLITS INTERARABES ELLE DEVIENT TRAHISON QUAND ELLE S'APPLIQUE A UN CONFLIT QUI OPPOSE UN PAYS NON ARABE A UN PAYS ARABE DE PAR SON APPARTENANCE AU CAMP DE LA LIGGUE ARABE,LE LIBAN NE PEUT NE PEUT SE DISTANCIER,SE DESOLIDARISER DES PAYS ARABES QUAND UN CONFLIT LES OPPOSE A UN PAYS NON ARABE: LA DISTANCIATION DEVIENT DANS CE CAS HAUTE TRAHISON. EN SE DISTANCIANT DE L'ARABIE SAOUDITE DANS LE CONFLIT QUI L'OPPOSE A L'IRAN LE LIBAN TRAHIT SON DEVOIR DE SOLIDARITEE ENVERS L'ARABIE SAOUDITE,COMME IL RENIE HONTYEUSEMENT SON ENGAGEGEMENT DE SE TENIR AUX COTEES DES PAYS ARABES. S'IL VEUT JOUER LA CARTE DE LA DISTANCIATION TOUS AZIMUTS,LE LIBAN DOIT COMMENCER PAR SORTIR DE LA LIGUE ARABE.

    Henrik Yowakim

    03 h 25, le 26 février 2016

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