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Économie - Liban - Interview

« L’absence de loi sur les Partenariats Public-Privé coûte des milliards à l’État »

Le secrétaire général du Haut-Conseil de la privatisation, Ziad Hayek, est intervenu hier à l'École supérieure des affaires lors d'une conférence intitulée « Les Partenariats Public-Privé ouvrent de nouveaux horizons ». Il revient pour « L'Orient-Le Jour » sur les avantages de cet instrument.

« Aujourd’hui, alors même qu’il y a un consensus sur la nécessité d’instaurer les PPP au Liban, les querelles politiques persistent », affirme Ziad Hayek, le secrétaire général du Haut-Conseil de la privatisation. Photo D.R

Vous êtes un fervent promoteur du développement des PPP au Liban. Quels seraient les avantages concrets de cet instrument par rapport aux contrats administratifs existants ?
Le principal avantage des PPP tient au partage des risques présentés par les projets entre l'État et les établissements privés. Actuellement, les contrats d'infrastructure existants sont attribués via des appels d'offres dont le gouvernement définit les critères et les compagnies privées présentent des offres pour gérer un service qu'elles factureront à l'État. Si l'on prend l'exemple d'un projet de construction d'une usine de production d'électricité, le gouvernement prend en charge les coûts de la construction dès la première étape. S'il y a un retard, il est contraint d'attendre, de payer des intérêts sur les crédits qu'il a contractés pour le projet. S'il y a une hausse des prix du béton, c'est encore le gouvernement qui va payer la différence. Les risques sont donc entièrement assumés par l'État...
Dans le cadre d'un PPP, le gouvernement achèterait l'électricité produite par l'usine et non l'usine elle-même. La compagnie privée assumerait les risques liés à la construction, à la gestion du temps et du budget, ainsi que les risques financiers. Elle aurait donc pris en charge l'ensemble des coûts et des dépenses supplémentaires. L'État, lui, se chargerait de fixer les prix de vente aux utilisateurs, de décider de subventionner ou non le produit ou le service, et à quelle hauteur. En résumé, le PPP n'est pas un partenariat de capital, de revenus ou de profits mais un partenariat de risques.

L'adoption d'une loi encadrant les PPP est un serpent de mer depuis près d'une décennie. Pourquoi ?
En 2007, nous avons proposé un projet de loi au gouvernement de Fouad Siniora qui l'a approuvé, mais le Parlement a par la suite refusé de l'adopter, car son président Nabih Berry considérait ce gouvernement illégitime. En 2010, le Premier ministre Saad Hariri nous demande alors de faire une nouvelle proposition. En mai 2012, le Premier ministre Nagib Mikati soumet cette version améliorée au Conseil des ministres. Un comité ministériel a ensuite été créé et il était sur le point de valider le projet lorsque le gouvernement a démissionné.
Aujourd'hui, alors même qu'il y a un consensus sur la nécessité d'instaurer les PPP au Liban, les querelles politiques persistent : certains veulent revenir sur le projet de loi approuvé par le gouvernement Siniora, même si la nouvelle version est meilleure... Entre-temps, le projet de loi ne figure toujours pas sur l'agenda du Conseil des ministres et cela fait perdre des milliards à l'État.

Que peut changer l'adoption de cette loi ?
Ce que nous essayons de faire avec ce projet de loi, c'est de mettre un cadre juridique aux processus d'adjudications. La loi libanaise n'interdit pas les PPP mais il n'y en a pas vraiment aujourd'hui : les ministères prennent chacun en charge leurs projets d'infrastructure, mais cela se fait avec beaucoup d'amateurisme technique ou juridique, sans grande transparence ; ce qui décourage les grands groupes de participer aux appels d'offres. Or ce texte renforcera la transparence : souvent, lorsqu'un appel d'offres est lancé, le contrat n'est véritablement négocié qu'après la désignation du gagnant. Dans le cadre d'une loi PPP, il y aura d'abord un appel à propositions, et une fois celles-ci recueillies, une première version du contrat sera étudiée, et c'est après que l'appel d'offres sera lancé.

Comment s'assurer qu'avec les PPP, les services proposés ne coûteront pas plus cher à l'État ou à l'usager ?
Le gouvernement restera l'intermédiaire entre la société privée et l'utilisateur final. Il gardera donc le contrôle des tarifs.
Pour ce qui est des finances publiques, dans le cadre d'un contrat administratif classique, les coûts financiers sont a priori moins importants pour le gouvernement, car celui-ci peut emprunter à un taux inférieur à celui imposé au secteur privé. Cependant, si l'on considère la totalité des facteurs et des risques, le PPP revient moins cher à l'État. Aujourd'hui, certaines compagnies proposent délibérément des prix relativement bas pour gagner un appel d'offres. Résultat, les coûts d'un projet sont parfois supérieurs de 160 % à ceux convenus pendant l'adjudication. Dans le cadre d'un PPP, l'entreprise couvrira toutes les dépenses, même imprévues. Face aux risques financiers dus par exemple à une variation des taux d'intérêt, l'entreprise devra s'adapter.

L'État pourra-t-il être actionnaire de la société issue d'un PPP afin de peser dans son conseil d'administration ?
Nous nous sommes réservé cette option en prévoyant une clause qui permet à l'État d'être actionnaire d'un projet, mais ce n'est pas toujours avantageux pour les raisons financières que j'ai déjà exposées...

Certains soulèvent aussi le risque de collusion entre le nombre restreint d'opérateurs privés concernés par les PPP. Comment éviter ces risques au Liban ?
Si deux ou trois compagnies arrivent à se partager le marché de la production d'électricité par exemple, ce sera positif. D'autant plus que selon le projet de loi, c'est l'État qui négociera les termes du contrat qui devra par ailleurs être rendu public. Ce projet de loi prévoit beaucoup de transparence, c'est peut-être pour cela que les dirigeants politiques ne l'ont toujours pas approuvé...


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Hakim : les PPP, meilleur moyen d'améliorer la gestion des infrastructures

Organisée hier par le Haut-Conseil de la privatisation et le HEC Alumni Groupement Liban, la conférence sur les Partenariats Public-Privé (PPP) a été l'occasion pour des experts nationaux et internationaux de discuter des modalités de leur mise en place au Liban, ainsi que des opportunités qu'ils pourront offrir pour le développement du pays. « L'adoption du projet de loi sur les PPP est le seul et meilleur moyen de financer et d'améliorer la gestion des infrastructures (...) en particulier dans les secteurs de l'électricité, de l'eau, de l'énergie renouvelable et des transports. Ce qui pourra créer des milliers d'opportunités d'emploi et permettre une croissance économique de 7 % », a affirmé le ministre de l'Économie, Alain Hakim, dans son discours inaugural, ajoutant que l'État n'était plus en mesure de financer lui-même des projets d'infrastructures. « Il est nécessaire que le Liban adopte le principe du PPP en raison de ses contraintes budgétaires, de ses besoins de meilleures infrastructures, d'autant plus que le secteur privé est à la recherche de nouvelles opportunités », a également insisté Emmanuel Bonne, l'ambassadeur de France au Liban. Le président honoraire de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, Pierre Antoine Gailly, a néanmoins rappelé que « la qualité de la gouvernance publique est la seule garante contre l'échec ».

 

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