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Liban - Marché de Noël

Les artisans à Saïfi, entre le maître cardeur et le fabricant de bateaux...

Le marché des artisans se poursuivra ce week-end. L'événement, inauguré la semaine dernière, est organisé par Solidere, conjointement avec des particuliers qui tiennent à
préserver les traditions et qui rêvent de redonner à Beyrouth un cachet perdu avec la guerre.

Au stand du luthier, il fabrique des flûtes et joue de la musique.

Dans la perspective du marché des artisans à Saifi village, Ziad Halwani et Reine Mahfouz, deux artistes touche-à-tout, ont eux-mêmes sélectionné les artisans, travaillant de bouche à oreille et sillonnant le Liban.
« L'événement a pour but de faire revivre le centre-ville et de présenter les personnes qui pratiquent des métiers qui se perdent ? Ou de présenter aussi le travail de personnes passionnées, qui possèdent bien leur métier et qui travaillent avec leurs mains », souligne Ziad Halwani, l'un des organisateurs. « Nous avons essayé de présenter des artisans de tous les horizons : des personnes qui ont hérité le métier, l'apprenant de père en fils, d'autres qui ont changé de carrière pour travailler avec leurs mains, mais aussi des créateurs, comme une entreprise de jeunes Libanais, Urbacraft, qui fabrique des jouets et qui pourrait grandir à l'avenir. Nous avons misé aussi sur le recyclé pour la décoration avec l'atelier Moudawar », poursuit-il. « Nous avons aussi choisi des choses simples comme les lampions fabriqués, à base de bambou et de papiers multicolores, par Wastala et Saman, un couple de Srilankais, pour montrer que tout peut être beau et artistique », note-t-il.

Le souk des artisans de Saifi village rappelle de nombreux marchés hebdomadaires européens où l'on vend un peu de nourriture, quelques plantes et une panoplie de produits artisanaux et uniques qui valorisent les personnes qui les confectionnent. Une occasion pour de nombreux Beyrouthins de faire des découvertes à quelques pas de chez eux, sous une immense tente élégante dressée par Solidere.

« Mon maître était juif... »
Jamal Sultan est cardeur. Il a appris dès l'âge de huit ans à confectionner des édredons, des coussins, des matelas. Avant la guerre du Liban, il habitait le quartier de Zarif et travaillait à Wadi Abou Jmil, le quartier juif de Beyrouth. « Mon maître s'appelait Azra, il était juif. C'était l'un des meilleurs cardeurs de Beyrouth. Il m'a appris les ficelles du métier. Beaucoup de personnes qui se rendaient à l'atelier me prenaient pour son fils. Pourtant, on ne faisait même pas partie de la même communauté religieuse », raconte Jamal, cousant en matelas avec une grosse aiguille.

Jamal, dont le prénom et le nom sont neutres, refuse de dévoiler à quelle communauté il appartient. « J'habite actuellement à Sin el-Fil, mon atelier est à Zarif et mes enfants vont dans une école chrétienne de Saïfi », dit-il avec un accent beyrouthin, rappelant une tradition des villes libanaises, notamment de la capitale, celle de nombreuses familles musulmanes scolarisant leurs enfants dans écoles chrétiennes.
« À Beyrouth avant la guerre, on ne faisait pas la différence entre un chrétien, un musulman et un juif. Aujourd'hui, je ne peux pas raconter à tout le monde que mon maître était juif... Maître Azra a quitté Beyrouth durant les années quatre-vingt. Il m'a laissé des patrons, des dessins que j'utilise jusqu'à présent en cousant les tissus », dit-il, en montrant un édredon rose portant des dessins tracés par les fils d'une aiguille.

Jamal se souvient : « Il y a une dizaine d'années, une femme beyrouthine a fait appel à moi. Elle voulait restaurer les coussins de ses canapés. Elle m'a dit : Je ne veux pas découdre le tissus, l'homme qui avait confectionné ces coussins n'est plus là et il ne sera pas content s'ils se détériorent ou si je remplace son œuvre par du travail mal fait. »
Jamal regarde alors le tissus et le dessin tracé par les fils. Il reconnaît tout de suite le travail de maître Azra. Les coussins avaient été confectionnés durant les années 70, il avait lui-même aidé son maître à cette époque pour la fabrication de ce salon. « La femme a été très surprise quand elle a su qui j'étais. Elle s'était même souvenue de moi quand j'étais enfant dans l'atelier de Azra. J'ai retravaillé les canapés comme si je voulais rendre hommage à mon vieux maître », raconte Jamal.

Même si Jamal continue à travailler à Beyrouth et enseigne dans une école technique, proposant aussi une belle panoplie de tissus pour la confection de meubles, de matelas et d'édredons, ses enfants n'ont pas pris la relève. « Le métier est difficile et fatigant. »
Quelle est la plus importante qualité pour faire ce métier ? « La discrétion. Les cardeurs entrent dans les maisons, travaillent sur place souvent. Ils vont dans les salons et les chambres de leurs clients. Ils doivent savoir que tout ce qu'ils voient et entendent doit rester sous silence, qu'ils doivent garder les secrets des maisons. »

Tout commence dans la forêt
Un peu plus loin, un homme âgé d'une soixantaine d'années. Mohammad Khaled Mohammad est tripolitain. Il fabrique des bateaux, notamment des felouques. Il y a longtemps, il confectionnait une douzaine de bateaux par an. Aujourd'hui, il n'en fait pas plus que deux tous les douze mois.
« Les gens achètent désormais leur barque de pêche ou leur bateau de plaisance en Chine ; c'est moins cher. À la Mina de Tripoli nous étions des dizaines à faire ce métier. Aujourd'hui, les fabricants de bateaux artisanaux se comptent sur les doigts d'une main. Mes frères, qui ont également appris le métier, sont partis en Australie, où ils ont ouvert des commerces. J'ai préservé mon atelier », dit-il, notant que ses enfants, trois filles, ne prendront pas la relève, car le métier est difficile et très physique.

Pour les artisans tripolitains qui confectionnent des bateaux, tout commence dans la forêt, où l'on entame le travail en choisissant le bon bois et on le coupe. Une fois sur le littoral, les troncs d'arbres coupés doivent rester trempés trois mois dans l'eau de mer. « C'est la seul façon d'empêcher le bateau de pourrir une fois qu'il est prêt à naviguer », raconte Mohammad. « Il faut ensuite compter trois mois supplémentaires au minimum pour que le bois sèche. Et puis on commence à tailler les troncs, monter les pièces du bateau... », précise-t-il.

 

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