Le directeur général de Nol, Ng Yat Chung, et le vice-président de CMA CGM, Rodolphe Saadé. Photo DR
Alors que le fret maritime connaît un net ralentissement, dans le sillage de celui de l'économie chinoise, l'armateur français CMA CGM, dirigé par le Franco-Libanais Jacques Saadé, poursuit les grandes manœuvres pour consolider sa position dans le secteur. Le numéro trois mondial du transport maritime par conteneurs a officialisé hier son offre de rachat de la société singapourienne Neptune Orient Lines (Nol), actuellement le plus important armateur d'Asie du Sud-Est.
Dans un communiqué commun, CMA CGM et Nol précisent que l'offre évalue cette dernière à environ 3,4 milliards de dollars singapouriens (2,4 milliards de dollars). « C'est un prix intéressant pour les actionnaires de Nol, compte tenu des perspectives actuelles de l'industrie », a estimé Rahul Kapoor, directeur en recherche actions à la société singapourienne Drewry Maritime Services, cité par l'AFP. CMA CGM a proposé 1,30 dollar singapourien par action de Nol, soit une prime de 35 % sur la moyenne annuelle du cours du titre coté à la Bourse de Singapour. Cette prime atteint même 49 % par rapport à son cours, avant les premières rumeurs, courant juillet, sur la mise en vente par le fonds souverain singapourien Temasek de sa participation de près de 67 % dans Nol. Temasek avait déja vendu en février sa filiale de logistique pour 1,2 milliard de dollars au japonais Kintetsu. Cette nouvelle cession, qui entraînera une offre de reprise obligatoire pour les actions restantes, reste cependant soumise à l'approbation des autorités de la concurrence américaines, européennes et chinoises ; prévues d'ici à mi-2016, selon le communiqué.
Redéploiement stratégique
Nol, qui souffre de la crise prolongée touchant l'ensemble du transport maritime, reste sur quatre années de pertes. Avec la reprise de sa dette estimée à 2,7 milliards d'euros, l'opération monterait à 5,1 milliards de dollars pour CMA CGM, qui réalise ainsi la plus grosse acquisition de son histoire, mais alourdit un bilan déjà affecté par un endettement d'environ cinq milliards. Dans la foulée de l'annonce, Standard & Poor's a baissé à négative la perspective de CMA CGM, tout en confirmant à B+ la note de sa dette à long terme. Selon Reuters, le groupe français, qui a obtenu un engagement ferme des banques pour financer ce rachat, prévoit de vendre des actifs représentant un milliard de dollars au cours des prochains 18 à 24 mois pour faire baisser son endettement. Contactée par L'Orient-Le Jour, la direction de CMA CGM n'était pas disponible pour commenter ces informations.
Le rachat du numéro 13 mondial en termes de capacités donne naissance à un géant affichant un chiffre d'affaires de 22 milliards de dollars et une flotte de 563 navires. Une opération stratégique à de multiples égards pour CMA CGM, déjà présent sur toutes les mers du globe. « À l'heure où le transport maritime affronte de forts vents contraires, la taille est plus cruciale que jamais pour bénéficier de synergies et capter les opportunités de croissance partout où elles se présentent », a ainsi affirmé le vice-président de CMA CGM, Rodolphe Saadé, cité dans le communiqué. Son analyse rejoint celle de l'agence Fitch qui avait noté, dans un rapport publié la semaine dernière, qu'une situation de surcapacités, le ralentissement économique mondial et la faiblesse des cours des matières premières mettaient en péril les entreprises de fret maritime de taille modeste, ajoutant qu'un mouvement de consolidation se profilait parmi les plus grandes.
Lors d'une conférence de presse organisée à Singapour, Rodolphe Saadé a également déclaré que l'armateur français envisagerait la mise en Bourse de la nouvelle entité née du rapprochement avec Nol. « Pourquoi pas Singapour? » a-t-il ajouté. Reste que cette annonce confirme « l'importance significative » que le groupe de Jacques Saadé attache à la cité-État pour le redéploiement de sa stratégie en Asie. « À l'issue de cette opération, CMA CGM s'appuiera sur l'ancrage historique de Nol et renforcera sa présence à Singapour », où le groupe prévoit de déplacer son siège régional, selon le communiqué. De fait, s'il conserve sa troisième place sur le podium, le groupe français deviendra le numéro un sur les lignes transpacifiques avec une part de marché de 12 %, contre 9 % pour le leader mondial, le danois Maersk.
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