Jacques Saadé et François Hollande (au premier plan) ont inauguré hier le CMA CGM Bougainville en présence de nombreux officiels français et libanais. Mat Beaudet/CMA CGM
Le président du groupe français CMA CGM, le Libanais Jacques Saadé, a inauguré hier, au port du Havre, le Bougainville, le plus gros navire porte-conteneurs battant pavillon français. La cérémonie s'est déroulée en présence du président de la République française, François Hollande, de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ainsi que d'une délégation libanaise conduite par le ministre d'État pour la Réforme administrative, Nabil de Freige. « La mise en service de ce nouveau navire s'inscrit dans la volonté de CMA CGM d'améliorer la qualité de ses services ainsi que le niveau de ses performances », a déclaré M. Saadé pendant son discours. François Hollande est, lui, longuement revenu sur le parcours personnel de son hôte, après avoir salué « le nouveau record établi par le transporteur, deux ans après le lancement du Jules Vernes, à Marseille ». Présent au sein de la délégation libanaise, le président de l'Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas, a de son côté appelé « le gouvernement libanais et les hommes d'affaires à miser sur les opportunités économiques créées par le groupe dirigé par M. Saadé ».
Course au gigantisme
Construit cette année en Corée du Sud par Samsung Heavy Industries, pour une facture de 150 millions de dollars, ce porte-conteneurs de 398 mètres de long – soit l'équivalent de quatre terrains de football – et de 54 mètres de large dispose d'une capacité théorique de 18 000 EVP (équivalent vingt pieds, unité de mesure pour les conteneurs). C'est près de 2 000 de plus que le Jules Vernes. « Pour l'heure, le Bougainville s'invite dans le top dix des navires les plus gigantesques du monde », s'enthousiasme le vice-commandant de bord Frank Giguet. Un classement composé essentiellement de navires lancés après 2014 et dominé pour le moment par le MSC Oliver du numéro 1 mondial du transport par conteneurs, l'italien Mediterranean Shipping Company, qui dépasse les 19 000 EVP. Ce dernier devrait toutefois se retrouver coiffé au poteau en 2017, lorsque seront livrés les premiers porte-conteneurs de plus de 20 000 EVP commandés par CMA CGM.
Une course au gigantisme motivée par une « demande croissante », selon une source de l'armement français. Alors que la moitié des biens transportés par la mer le sont par conteneurs, la croissance du marché mondial est estimée à environ 5 % en volume pour 2015. Autre motivation : le besoin de réduire les coûts de transport à travers les économies d'échelles permises par ces capacités gigantesques. Mais la taille n'est pas le seul atout du Bougainville qui bénéficie notamment de technologies motrices générant une économie de près de 15 % de consommation d'énergie par rapport à la génération précédente de porte-conteneurs, selon l'armateur français.
Autre atout mis en avant pour le client, le Bougainville est le premier navire avec conteneurs connectés au monde. Une innovation permise par la participation de CMA CGM au capital de la start-up marseillaise Traxens, fondée par un autre Franco-Libanais, Michel Fallah. Les informations collectées par les boitiers de Traxens sont relayées, via un « cloud » sécurisé, vers le siège de CMA CGM, ce qui donne notamment la possibilité à ses clients de connaître la position en temps réel des conteneurs, de surveiller les vibrations et chocs auxquels ils pourront être soumis, et permettent d'adapter la température en cas de transport de données périssables.
(Pour mémoire : CMA CGM remporte la concession d’un terminal au Cameroun)
Beyrouth s'arme pour la course
Le CMA CGM Bougainville est déployé sur la French Asia line (FAL1) qui relie l'Asie à l'Europe – via le canal de Suez notamment – et exploite les plus gros navires de l'armateur. Avec une poussée de 21 nœuds – une puissance équivalente à 10 réacteurs Airbus –, le porte-conteneurs pourra rallier les deux continents en près de 77 jours. Si le Bougainville ne dessert pas Beyrouth, « les portiques de manutention » Super Post Panamax « dont est équipé le port de Beyrouth sont parfaitement capables d'opérer ce type de navires », indique la source à CMA CGM. Elle précise ainsi que le Laperouse, d'une capacité de presque 14 000 EVP, y a déjà fait escale.
« D'importants travaux d'aménagement seront toutefois nécessaires afin de permettre à un navire du calibre du Bougainville de manœuvrer dans ce port », tempère M. Guiguet, évoquant notamment la nécessité de « construire un bassin de plus de 20 mètres de profondeur pour une manœuvrabilité optimale ». Or, si le nouveau terminal de conteneurs achevé à la mi-2013 dispose d'un quai (le n° 16) avec un tirant d'eau de près de 16,5 mètres – ce qui fait déjà de Beyrouth l'un des ports les plus profonds de la Méditerranée orientale –, une nouvelle phase de travaux doit, si elle est achevée, porter cette profondeur à environ 17 mètres. Une extension qui permettrait de conforter la spécialisation des activités du port autour du transbordement, c'est-à-dire le transfert de la cargaison d'un navire à d'autres bâtiments de plus petite dimension, et au Liban de ne pas se retrouver marginalisé par une course au gigantisme qui ne semble pas appelée à décélérer.
*À l'invitation de CMA CGM
Pour mémoire
Jacques Saadé : Le Liban doit s’adapter pour conquérir de nouveaux marchés
On a l'impression en lisant vite les sigles CMA-CGM de cette merveille des frères Saade de voir GMA apparaitre . Un sigle pour un bon signe ....
14 h 30, le 07 octobre 2015