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Culture - salon du livre 2015

La sagesse des fous, la folie des sages

« Un banc sous un noyer », un roman, de Carlo Akatchérian, faussement tendre, entre les clivages révoltants de la société libanaise où les arcanes de l'amour sont condamnés, mais aussi porteurs d'espoir...

Il a mis de côté son stéthoscope, son tablier blanc, son serment d'Hippocrate, sa longue carrière de pédiatre, mais a gardé son regard de médecin humaniste. Pour parler avec imagination, poésie, sens des formules simples, l'art de brosser personnages et situations, de la vie et de la société du pays du Cèdre. Dans ses terres les plus profondes. Tel un conte oriental où l'on pointe du doigt le grippage des rouages qui n'ont plus été huilés et remis à l'heure depuis des lustres.
Par conséquent, défilent comme sur une lanterne magique ou un «sandouk el-ferjeh» des beys arrogants, des hommes ivres de leur pouvoir aveugle, des êtres frustes, sans envergure, mais dotés d'une intelligence et d'une sensibilité natives, une virilité chatouilleuse de matador que rien n'arrête, si ce n'est l'insolence de l'argent, des bandits cachés dans leurs habits d'émigrés et des cœurs fondant comme le pain qui sort du four... Et, bien entendu, des femmes, épouses, mères et fiancées. Douces madones toutes soumises, malgré souvent leur supériorité et leurs noblesses comportementales, à la même enseigne des servitudes et tyrannies masculines. Une histoire douce comme un chant des montagnes libanaises domine ce récit tracé avec la délicatesse d'une aquarelle nimbée d'une certaine lumière mais plongée aussi dans les ténèbres des forces obscures et obscurantistes.
C'est sous l'ombrelle de l'exergue de Le Fou de Gibran, sur la vanité, la modestie et le respect de l'autre qu'est placé ce roman dénonçant les rapports claniques et tribaux d'une société qui évolue mal dans la modernité, l'épanouissement et la démocratie.
Une scène qui réunit Sadek bey et son chauffeur autour d'une table copieusement dressée dans un restaurant hante les premières pages. Drôle, caustique et tendre scène où le maître est pathétique caricature d'une classe décavée. Gavé de supercholestérol, le notable fait bouffer – l'aumône des riches – ce qu'il ne peut consommer à son serviteur zélé. Première critique des rapports de domination qui vont aller beaucoup plus loin, de génération en génération, de parents à enfants... Comme une fatalité inéluctable, un malheur inévitable.

Entre Pagnol et Gibran
On passe outre les détails touchants ou croustillants ourdis comme une trame policière, tant le souffle reste prenant, pour conter une histoire d'amour simple et naturelle dont on voit d'ailleurs venir les dangers, les menaces, les plaisirs, les attentes, les déceptions. Comme une malédiction, il est écrit que les riches et les pauvres n'appartiennent pas, dans cette paix de la nature, ces paysages verdoyants et ces demeures fermées, à la même tranchée.
Sadekieh, un village d'opérette des Rahbani, un curé, «khouri» Élias, l'église Mar Nohra, une châtelaine, sitt Marie, le moukhtar Abou Maarouf et une kyrielle de personnages attachants ou glauques pour des scènes vibrantes d'amour et d'émotion. Et de révolte qui gronde dans le cœur des simples que la vie est loin de combler ou choyer. Jusqu'au dénouement tragique où les bois et les forêts, impuissants et silencieux, assistent aux ravages et aux incendies causés par la haine, la mesquinerie et la vanité.
On laisse au lecteur le plaisir de découvrir ce microcosme de société, un peu entre un Pagnol à la libanaise et quelque peu de Gibran dans sa sagesse de reproduire la vie. Un roman écrit en toute sincérité par des mains non seulement tentées par l'aventure littéraire, mais des mains aussi guérisseuses. Un vrai poème bruissant d'une musicalité particulière à couleur d'une narration débordant à la fois de bons sentiments et de piques acérées. Un roman qui traque en toute fidélité et sans brusquerie les revers d'une société sans jamais couper la branche de l'espoir et de l'espérance.

*Carlo Akatchérian signe son roman « Un banc sous un noyer » (181 pages) demain mercredi 28 octobre à partir de 16 heures au Salon du livre (Biel) au stand de la librairie Antoine.

Il a mis de côté son stéthoscope, son tablier blanc, son serment d'Hippocrate, sa longue carrière de pédiatre, mais a gardé son regard de médecin humaniste. Pour parler avec imagination, poésie, sens des formules simples, l'art de brosser personnages et situations, de la vie et de la société du pays du Cèdre. Dans ses terres les plus profondes. Tel un conte oriental où l'on pointe du...

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