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Culture - Salon du livre 2015

Que lisent les amants de Dante, Paolo et Francesca ?

La peinture est (souvent) un enchantement. Le livre aussi. Leur liaison, dans l'ouvrage de Robert Bared, est des plus heureuses.

Robert Bared : « Le livre et le tableau sont tous les deux une fenêtre ouverte sur l’imaginaire. »

«Que lisent tous ces personnages qui tiennent un livre dans les tableaux de Raphaël ou de Velasquez, de Manet, de Renoir ou de Magritte?» Vous êtes-vous jamais posé la question? Robert Bared, lui, l'a fait. Cet auteur et essayiste, qui traite dans ses ouvrages de la rhétorique de l'image et des liens entre la littérature et les arts, s'est penché sur les livres placés entre les mains des personnages de peinture. Quels en sont les thèmes? Quelle signification peut avoir la représentation d'un livre dans telle ou telle œuvre picturale? Quel lien y aurait-il entre l'ouvrage lu et le cadre ou le paysage dans lequel les lecteurs sont représentés?

Un bouquet de questions, parmi d'autres, auquel ce diplômé de lettres classiques (avec une thèse sur La Fontaine), mais aussi d'histoire et de philosophie, apporte des réponses aussi érudites que captivantes dans Le livre dans la peinture (éditions Citadelles & Mazenod).
On le sait, les divers arts entretiennent entre eux de nombreuses correspondances. Parfois évidentes, d'autres fois plus secrètes et subtiles. Ainsi, si l'on a souvent opposé l'écriture et la peinture, leurs liens sont, en réalité, des plus riches. C'est ce que démontre l'auteur sur plus de 250 pages en papier glacé, mixant textes et reproductions de quelques-unes des plus belles œuvres muséales. À la fois livre d'art, plaisant à feuilleter et mine de connaissances, il offre aux lecteurs (de chair et d'os cette fois) un tour «livresque» des plus beaux musées du monde et de quelques-uns des chefs-d'œuvre universels de la peinture.
Un bel ouvrage – dont on peut regretter les caractères trop petits – qui a donné envie à L'Orient-Le Jour d'en savoir plus sur Robert Bared, l'un des auteurs invités du Salon du livre francophone de Beyrouth*

Votre nom sonne très libanais...
Mon nom ne sonne pas seulement libanais, il est libanais. Je suis né à Byblos, inutile de préciser que ce «livre sur le livre» que je viens d'écrire était prédestiné... En fait, si ce n'était pour le symbolisme de la chose, je devrais dire «né à Jbeil», car je ne suis pas né sur les remparts qui surplombent la mer, dans l'enceinte de la citadelle, je vous rassure! Dommage, d'ailleurs: j'aurais bien aimé avoir une naissance un peu romanesque. Quand j'ai obtenu la nationalité française, il y a trente ans, on m'a demandé si je voulais franciser mon nom, mais je ne me voyais pas porter un autre nom. Pour moi, ce n'était pas seulement comme changer de visage, c'était presque comme changer de parents! J'avais vécu 17 années merveilleuses au Liban, avant d'aller en France pour études. C'était en 1975, et cela coïncidait avec le début de la guerre. Entre anciens de ma promotion du Collège de Jamhour, nous évoquons souvent ce sentiment d'être les derniers vétérans de la paix...

Comment avez-vous échoué sur les rivages de l'édition en France ?
J'y ai fait mes classes comme correcteur dans le Quid annuel, dès l'âge de 20 ans, avant de rejoindre l'équipe éditoriale de l'Encyclopédie Hachette. Depuis, j'ai beaucoup réécrit les livres des autres avant de me consacrer moi-même à l'écriture.

Comment est né ce livre? À qui s'adresse-t-il? Et comment le lecteur doit-il l'aborder?
J'ai toujours aimé la rencontre des arts: la littérature, la peinture, la musique. Cet ouvrage, qui s'adresse tout autant aux amoureux des livres et aux amateurs d'art, est né très précisément de cette analogie, aux multiples implications, entre un livre et un tableau: tous les deux sont une fenêtre ouverte sur l'imaginaire. Quand vous représentez l'un dans l'autre, le livre dans le tableau, vous créez une œuvre qui procède des deux réunis. Plus que jamais vous peignez une pensée, et il était intéressant de cerner cette pensée artistique. Par ailleurs, une scène de lecture peinte tend à tout lecteur un miroir, car on se projette dans ces lecteurs et lectrices dont on contemple la lecture dans les tableaux. Et, en même temps, on est fasciné, on cherche à percer leur mystère: que lisent-ils et pourquoi ont-ils jeté leur dévolu sur tel livre plutôt qu'un autre? Pourquoi un sonnet de Pétrarque, ou les Essais de Montaigne, ou un roman de Zola? Et quels indices a laissé le peintre pour nous préciser ce qu'ils lisent? D'ailleurs, on n'a pas toujours besoin de le savoir. On entre dans une scène de lecture peinte sans but précis, comme on entre dans un livre. On s'imprègne du paysage pictural comme le personnage fait corps avec sa lecture.

Vous aviez signé il y a deux ans, au cours de ce même Salon, un ouvrage sur «La peinture représentée» (chez le même éditeur). Avez-vous un prochain en cours d'élaboration ?
J'en ai deux sur le feu. J'aimerais surtout concrétiser un projet très ancien sur le symbolisme de l'escalier à travers les siècles et les différents arts, notamment littérature, peinture et cinéma. Les contours de l'autre projet sont encore en gestation, mais j'ai promis un synopsis à mon éditrice dans les prochains mois. De toute façon, je mènerai les deux à bout, mais ce sont souvent les éditeurs qui finissent par fixer les priorités ou le tempo de publication.

Quelles seraient, à votre avis, les trois toiles à ne pas rater dans cet ouvrage. Et pourquoi?
Peut-être avant tout ce tableau d'Ingres représentant les amants de Dante, Paolo Malatesta et Francesca da Rimini, au moment où ils lâchent leur lecture pour s'embrasser comme leurs héros littéraires: le livre est peint dans sa chute, à jamais suspendu. Ensuite, le tableau d'un peintre allemand, Max Arenz, où quatre enfants partagent silencieusement, et avec ferveur, la lecture du Dernier des Mohicans. Et puis le tableau de Juan Gris où Pierrot, le personnage de la commedia dell'arte, tend à bout de bras un grand livre avec une sorte de douceur triste qui le rend particulièrement émouvant.

*Robert Bared donnera une conférence sur le thème « Lire dans le silence de la peinture » ce dimanche 25 octobre (à 16h), au Salon du livre francophone de Beyrouth, salle A du Biel, avant de dédicacer son ouvrage au stand de la librairie Antoine (à 17h).

 

 

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