Au moment où des milliers de manifestants étaient dans la rue, mercredi, dans le centre-ville de Beyrouth, pour dénoncer la "corruption" de la classe politique, les chefs et représentants des principaux partis politiques échouaient une nouvelle fois à surmonter leurs divisions pour sortir de l'impasse.
Les responsables ont tenu en milieu de journée une première séance de dialogue national et se sont séparés au bout de trois heures de discussions pour annoncer seulement une nouvelle réunion le 16 septembre, sans mentionner un quelconque résultat concret. Une séance extraordinaire du Conseil des ministres, convoquée par le Premier ministre Tammam Salam pour discuter de la crise des déchets, s'est par la suite ouverte à 17h au Grand Sérail.
Les représentants des principaux partis politiques se sont réunis dans un Parlement en état de siège, protégé par des centaines de policiers et des barrières en métal surmontées de barbelés, après avoir été accueillis par des manifestants jetant des œufs sur leurs convois et scandant "Voleurs, voleurs, dehors!".
"Nous voulons une patrie" ou "le citoyen d'abord", pouvait-on lire sur des bannières brandies par les protestataires rassemblés sur la place des Martyrs. "Vous avez échoué dans tout... Rentrez chez vous", proclamaient des ballons accrochés sur les barbelés.
Selon un bref communiqué lu par le secrétaire général de la Chambre, Adnane Daher, à l'issue de la séance, les responsables ont "insisté sur l'élection présidentielle et les moyens nécessaires à son aboutissement".
Photo Michel Sayegh
Le chef du Parlement, Nabih Berry, qui a proposé fin août la tenue du dialogue pour un débat sur le blocage politique sévissant depuis plus d'un an entre les deux grands blocs rivaux, devait se prononcer à l'issue de la réunion. Toutefois, son intervention a été annulée in extremis, au grand dam des journalistes qui patientaient depuis près d'une quarantaine de minutes. Il a néanmoins fait valoir dans un communiqué que "la seule tenue de cette séance est un succès en soi". "Le dialogue est la seule issue à nos crises", a-t-il ajouté.
Selon la chaîne LBCI, des échanges verbaux virulents ont opposé le chef sortant du Courant patriotique libre (CPL) Michel Aoun, au ministre des Télécoms, Boutros Harb. Le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, est intervenu dans la discussion en faveur du second. Le sujet de discorde portait sur "le recours au peuple dans le cadre de l'organisation d'élections législatives anticipées", une demande formulée par M. Aoun qui réclame également une élection présidentielle au suffrage universel.
Plusieurs responsables politiques participant au dialogue avaient déjà exprimé leur pessimisme quant à ses résultats.
Le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, dont la formation n'a pas participé à la séance, a estimé dans un discours au Qatar que le dialogue "ne résoudra rien car il détourne l'attention de la source de notre problème, à savoir l'élection d'un nouveau président de la République".
Le président du conseil politique du Hezbollah, Ibrahim Amine el-Sayed, a souhaité pour sa part, au terme d'une rencontre avec le patriarche maronite, Béchara Raï, que les résultats du dialogue "contribuent à la formation d'une volonté nationale consensuelle pour régler les crises".
Photo Michel Sayegh.
Le mouvement de colère a été provoqué par l'amoncèlement de déchets dans les rues après la fermeture de la principale décharge du pays le 17 juillet. A plusieurs reprises, des milliers de Libanais de toutes confessions et horizons politiques sont descendus dans la rue à Beyrouth.
Mais la contestation sociale a rapidement pris des accents politiques dans un pays où le Parlement, en l'absence d'élections législatives depuis 2009, a prorogé son propre mandat à deux reprises et n'est pas parvenu à élire un président de la République même après 28 tentatives.
L'agitation au Liban inquiète la communauté internationale. Le secrétaire d’État américain John Kerry a ainsi insisté, mardi au téléphone, auprès de Tammam Salam sur "la nécessité pour le Parlement de se réunir pour élire un président le plus tôt possible".
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commentaires (6)
"Une première séance pour rien ?" ! Non, pour moins que RIEN !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
06 h 39, le 10 septembre 2015