Malgré la tempête de sable, des milliers de Libanais manifestaient de nouveau mercredi soir, dans le centre-ville de Beyrouth, pour exprimer leur ras-le-bol face à la classe politique. REUTERS/Alia Haju
Malgré la tempête de sable, des Libanais manifestaient de nouveau mercredi soir, dans le centre-ville de Beyrouth, pour exprimer leur ras-le-bol face à la classe politique.
Cette dernière a de nouveau échoué à surmonter ses divisions qui paralysent l'Etat depuis plus d'un an. Les principaux responsables politiques se sont réunis pendant plus de trois heures avant de se quitter sans annoncer d'avancées. Une nouvelle séance de ce dialogue national dans lequel les manifestants affirment ne ne nourrir aucun espoir, a été annoncée pour le 16 septembre.
"Si vous avez un brin de responsabilité, vous n'auriez pas reporté la réunion avant d'avoir trouvé des solutions et répondu aux revendications des gens!" s'est indigné le mouvement "Vous puez!".
Après une première manifestation dans la matinée, à proximité de la place de l'Etoile, où des activistes ont accueilli les responsables politiques en jetant des œufs sur leurs convois, des milliers de personnes, drapeaux libanais à la main, se sont rassemblés en début de soirée, place des Martyrs, à l'appel du collectif "Vous puez !" qui a lancé le mouvement.
Le collectif a maintenu la mobilisation malgré la tempête de sable qui rend l'air difficilement respirable depuis lundi au Liban et dans les pays voisins. Trois des manifestants ont d'ailleurs été transportés en soirée par la Croix-Rouge libanaise dans des hôpitaux de la capitale.
Place des Martyrs, les banderoles et les discours témoignaient du ras-le-bol des manifestants sur tous les plans. Certains réclamaient "l’électricité 24/24", d’autres "l’éducation gratuite" ou encore une loi électorale basée sur la proportionnelle. "Que tombent les voleurs du consensus", pouvait-on lire sur une banderole et, sur une autre, "le dossier des déchets est électrique et le dossier de l’électricité est comparable aux déchets".
La foule utilisait également des slogans tels que "le 14 et le 8 (Mars) ont fait du pays un souk", "ni 14 ni 8, je suis un citoyen libanais", "le peuple veut la chute du système" et que "tombe le régime des voyous".
REUTERS/Aziz Taher
Un seul drapeau, le libanais
Les manifestants ont été salués par une organisatrice du mouvement. "Vous êtes ici pour avoir le Liban dont vous rêvez ; vous êtes venus avec un seul drapeau, le seul drapeau que nous portons, le seul drapeau que nous sommes fiers de porter, le drapeau libanais", leur a-t-elle lancé.
Par la suite, des Libanais venus de diverses régions et des artistes sont montés sur l'estrade pour faire valoir leurs revendications.
"Nous avons 70 % de chômage à Tripoli, des martyrs, des blessés. Nous sommes venus vous dire : rentrez chez vous, vous ne nous représentez pas", a hurlé un jeune homme originaire du chef-lieu du Liban-Nord. "Nous avons à Nabatiyé une usine de triage encore fermée mais nous avons également des montagnes de déchets. Nous sommes ici pour dire : vous puez!", a renchéri une dame originaire de cette ville du Liban-Sud.
Une femme originaire du Akkar, au Liban-Nord, a particulièrement été applaudie par la foule. "Je suis venue dire à chaque député et ministre que le Akkar n'est pas un dépotoir. C'est nous qui souffrons et pas vous. Aucun de vous ne nous représente".
Les manifestants se sont ensuite dirigés vers le siège du ministère de l'Environnement pour soutenir les activistes qui observent une grève de la faim depuis huit jours. Ces derniers ont assuré qu'ils poursuivront leur grève, appelant le ministre Mohammad Machnouk à démissionner "par respect pour le peuple libanais".
M. Machnouk avait, lui, affirmé plus tôt dans la journée que ces activistes se trompent de cible. "Je suis triste pour les jeunes qui font la grève de la faim devant le ministère de la Santé. Ils ne méritent pas cela mais ils visent la mauvaise personne", a déclaré M. Machnouk, selon des propos rapportés par la LBCI.
REUTERS/Hasan Shaaban
Le CCS, solidaire du mouvement populaire
Par ailleurs, le Comité de coordination syndicale (CCS), également présent sur le terrain, avait indiqué plus tôt dans la journée depuis la place des Martyrs que "les responsables politiques conviés au dialogue sont devant un tournant décisif". "Nous sommes solidaires du mouvement pacifique et populaire", a ajouté un représentant du CCS, espérant que ce mouvement s'étendra et se renforcera.
Le mouvement de colère a été provoqué par l'amoncèlement de déchets dans les rues après la fermeture de la principale décharge du pays le 17 juillet. A plusieurs reprises, des milliers de Libanais de toutes confessions et horizons politiques sont descendus dans la rue à Beyrouth.
Une poignée de campagnes citoyennes a ces dernières semaines vu le jour, "Vous puez !" en tête, mais aussi "Nous réclamons des comptes", "Le tribunal du peuple", "Dégagez" ou encore "Le mouvement du 29 août", né le jour du plus grand rassemblement depuis le début de la mobilisation, avec quelques dizaines de milliers de protestataires au cœur de la capitale.
Mais la contestation sociale a rapidement pris des accents politiques dans un pays où le Parlement, en l'absence d'élections législatives depuis 2009, a prorogé son propre mandat à deux reprises et n'est pas parvenu à élire un président de la République même après 28 tentatives.
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commentaires (5)
Bravo et chapeau !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
04 h 20, le 10 septembre 2015