L'après-midi de jeudi a été marqué par des manifestations de dizaines d'activistes libanais devant trois ministères, réclamant, de manière générale, des comptes aux responsables qu'ils accusent de corruption.
Devant le ministère de l'Environnement, situé dans les immeubles des Lazaristes, au centre-ville de Beyrouth, une poignée de jeunes activistes a entamé une grève de la faim, réclamant la démission du ministre Mohammad Machnouk, qu'ils tiennent pour responsable de l'échec dans le traitement du dossier des déchets qui paralyse le pays depuis le 17 juillet. Ils ont également dressé de petites tentes sur le trottoir avoisinant, assurant vouloir rester sur place jusqu'à obtenir satisfaction. Mardi, des dizaines de jeunes membres du collectif "Vous Puez !" avaient occupé durant plusieurs heures les locaux du ministère, réclamant eux aussi la démission de M. Machnouk. Ils avaient été délogés par la force, sans avoir obtenu gain de cause.
Plus loin mais toujours à Beyrouth, deux activistes du collectif "Nous réclamons des comptes", âgés de 21 et 17 ans, ont été arrêtés pour avoir vandalisé de nouveaux parcmètres installés sur la corniche, selon les autorités. Les voitures pouvaient jusque là se garer gratuitement le long de la corniche. A Aïn el-Mraïsseh, qui donne aussi sur la corniche, des dizaines de militants de ce collectif manifestaient également leur ras-le-bol. C'est en se mêlant à cette foule que deux autres jeunes, qui vandalisaient également des parcmètres, ont trouvé refuge en échappant aux forces de l'ordre, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
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A Sanayeh...
Un peu plus tard, des camarades des jeunes détenus se sont rendus au siège du ministère de l'Intérieur à Sanayeh (Hamra) afin de réclamer la libération de leurs amis. Ils ont bloqué l'entrée du ministère, sous le regard des forces de l'ordre qui tentaient de dévier la circulation. "Nous manifestons aussi devant le siège du ministère de l'Intérieur pour dénoncer le comportement des forces de l'ordre. Nous vivons désormais dans un Etat policier. Si les autorités ont des preuves que des activistes ont vandalisé les parcmètres, qu'ils les rendent publiques", a lancé une activiste. L'un des détenus est mineur et n'est accompagné d'aucun représentant de l'Union pour la protection de l'enfance au Liban, (Upel)", a-t-elle expliqué à la LBCI. Vers 20h, l'Ani a rapporté que les deux détenus ont été relâchés contre une caution. L'agence a également rapporté que le Mohafez de Beyrouth, Ziad Chebib, a décidé de suspendre le fonctionnement des parcmètres le long de la corniche, sans plus de précisions.
... Mcharrafiyé
A Mcharrafiyé, toujours dans la capitale, des mesures de sécurité renforcées ont été déployées devant le siège du ministère du Travail, en amont d'un rassemblement d'activistes qui se réclament du "Rassemblement du 29 août" (en référence à la manifestation qui a rassemblé des dizaines de milliers de Libanais ce jour-là). Le ministre du Travail Sejaan Azzi s'est rendu à son bureau un peu plus tard, avant d'être informé par les forces de l'ordre des mesures de sécurité déployées afin d'empêcher toute atteinte aux locaux.
Sur place, un activiste a lu un communiqué au nom du collectif, précisant les revendications du groupe : "Nous réclamons des comptes à cette classe politique. Nous exigeons la démission du ministre de l'Environnement, et des comptes de la part de tout responsable qui a ordonné aux forces de l'ordre d'ouvrir le feu sur les manifestants (lors de la manifestation du 22 août). Nous voulons également des élections législatives sur base de la proportionnelle. Nous demandons aussi de nouvelles opportunités d'emplois pour les jeunes, en dehors du partage confessionnel". Et de lancer : "Venez nombreux à la manifestation centrale qui se tiendra le 9 septembre".
Interrogé sur le choix du lieu du sit-in, un autre manifestant a expliqué que celui-ci se tient devant le ministère du Travail car "il est concerné par les questions d'emploi, de chômage et d'autres problèmes sociaux". Vers 19h30, les manifestants à Mcharrafiyé, venus nombreux, se sont dispersés et la circulation étaient revenue à la normale.
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... et Riad Solh
Plus tôt, place Riad Solh, d'autres manifestants se réclamant du collectif "Le peuple veut réformer le système" se sont rassemblés. Ils ont affirmé qu'ils soutiennent les autres mouvements, tels que "Vous Puez !" et "Nous réclamons des comptes". Ces activistes ont réclamé entre autres, dans un communiqué lu par l'un d'entre eux, "l'élection d'un président de la République en dehors des camps du 14 et du 8 Mars, une loi électorale pour les législatives basée sur la proportionnelle, l'élection d'un Sénat, (...), la décentralisation administrative, (...) la mise en place d'une sécurité sociale efficace et le vote de la grille des salaires des fonctionnaires".
La campagne de protestation a commencé avec la crise des ordures provoquée le 17 juillet par la fermeture de la décharge de Naamé, au sud de Beyrouth, et l'amoncellement des déchets dans les rues. Mais au-delà de la crise des déchets, la mobilisation illustre le ras-le-bol de la population face à la corruption endémique, à la paralysie des institutions politiques et au délabrement des services publiques, 25 ans après la fin de la guerre civile.
Depuis la première manifestation, organisée le 22 août dans le cadre de ce mouvement, le gouvernement miné par ses divisions n'a pris aucune décision pour répondre aux exigences des protestataires, et le ministre Mohammad Machnouk a refusé de démissionner.
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commentaires (1)
"l'élection d'un président de la République en dehors des camps du 14 et du 8 Mars". Bonne idée! Pourquoi ne font-ils pas de sit-in devant les domiciles des députés boycotteurs?
Yves Prevost
06 h 39, le 04 septembre 2015