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Moyen Orient et Monde - La saga de l'été

Le jour où... le roi Hussein a repris le contrôle de la Jordanie

Du 17 au 27 septembre 1970, le monarque hachémite lance son armée contre les fedayyine palestiniens. Ces derniers, qui ont au fil des années sapé son autorité et créé un « État dans l'État », périssent par milliers.

Gamal Abdel Nasser entouré de Yasser Arafat (à gauche) et du roi Hussein de Jordanie, au Caire, le 27 septembre 1970. Photo sous licence Creative Commons

Jusqu'à ce matin de septembre 1970, la tension entre les fedayyine palestiniens et le gouvernement jordanien est palpable et la situation explosive. Tous ont littéralement le doigt sur la gâchette. Depuis un bon moment déjà, des affrontements opposent régulièrement les uns aux autres, non sans faire de victimes. Le 17 septembre 1970 à 6h, l'enfer se déchaîne. Le roi Hussein vient d'ordonner aux unités blindées jordaniennes de se diriger vers le centre d'Amman pour détruire les bases palestiniennes. Parallèlement, les fedayyine ouvrent le feu contre le QG jordanien dans la capitale, dont l'aéroport interrompt toute activité. Au compte-gouttes d'abord, abondamment ensuite, les informations filtrent surtout à travers Radio-Amman et des émissions palestiniennes émettant de Bagdad et Damas, dont La Voix de la Révolution palestinienne. La guerre des ondes est aussi intense que sur le terrain. Au fil des heures, les uns et les autres affirment avoir repris telle ou telle position stratégique de la capitale, ville fantôme où les seuls bruits à trouer le silence sont ceux des armes et des obus. Des combats ont également lieu à Zarka, Irbid, Ramtha, Madaba, Jarash, Salt...

Pendant dix jours, heure par heure, minute par minute, combattants palestiniens et soldats jordaniens rendent compte par l'intermédiaire d'émissions radio de leurs prises et de leurs victoires respectives sur les différents champs de bataille. Les camps de réfugiés palestiniens, comme ceux de Wahadat ou de Jabal Hussein par exemple, sont dans le collimateur de l'armée jordanienne et seraient même attaqués au napalm, aux dires de certains commentateurs radio, qui n'hésitent pas à qualifier le roi Hussein de « Néron de Jordanie ». La situation devient vite dramatique à Amman. Les guerres de rues font rage, les rumeurs de couvre-feu reviennent sans cesse sur le tapis ; des équipes médicales régionales et internationales débarquent tous les jours à Amman et se retrouvent vite débordées. En effet, dès le troisième jour, certains, dont le journal égyptien al-Ahram, font état de 5 000 morts, et du double en termes de blessés. Sur place lorsque la guerre éclate, le journaliste Éric Rouleau, correspondant pour Le Monde, raconte ce qu'il a vécu après avoir été pris au piège à l'hôtel Jordan Intercontinental avec des centaines d'autres journalistes, sans eau, sans électricité, sans téléphone, pendant toute la durée de la guerre, carburant au whisky et aux minipots de confiture...

Guerre de juin 67
Comment en est-on arrivé là ? La défaite cuisante des armées arabes face à Israël lors de la guerre des Six-Jours en 1967 a fortement contribué au renforcement de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). En quelques jours à peine, l'État hébreu avait occupé le Sinaï égyptien et la bande de Gaza sous administration égyptienne, puis la Cisjordanie sous contrôle jordanien depuis 1950, ainsi que Jérusalem-Est et le Golan syrien. Des vagues de réfugiés palestiniens fuient de nouveau vers les pays voisins, dont la Jordanie. Si la débâcle militaire arabe renforce Israël, elle contribue à pousser des milliers de Palestiniens vers les organisations armées qui, après le quatrième congrès national palestinien de juillet 1968, rejoignent l'OLP. Entre-temps, le Fateh de Yasser Arafat a pris de l'ampleur et gagné en popularité après la bataille de Karamé (camp palestinien en Jordanie). Les militants palestiniens multiplient les opérations à partir de la Jordanie, où les camps de réfugiés représentent un vivier de choix pour la résistance armée. Il est nécessaire de souligner au passage que les deux tiers de la population jordanienne sont d'origine palestinienne et comprennent près d'un million et demi de réfugiés. De plus en plus, l'autorité du roi Hussein est rejetée par les Palestiniens qui, d'après Éric Rouleau citant des observateurs étrangers, créent un véritable « État dans l'État ».

« Dès mon atterrissage à l'aéroport d'Amman, il m'était apparu qu'ils avaient raison. Les fedayyine en battle-dress y accueillaient les journalistes, leur délivraient des cartes d'accréditation, des tracts, des brochures de la résistance, ils les guidaient vers le meilleur hôtel de la ville, le Jordan Intercontinental, leur proposaient de ménager des rendez-vous avec les personnalités de leur choix (...). Ils assumaient avec davantage d'efficacité les tâches habituelles des fonctionnaires du ministère jordanien de l'Information, mais aussi celles de la police et de l'armée du royaume (...). Rouge de honte, le général Ali Abou Nawar, ancien chef d'état-major, conseiller du roi, me dit qu'il ne sortait plus de chez lui pour ne pas avoir à subir les humiliations qu'infligeaient les commandos palestiniens (...). Personne ne pouvait entrer ou quitter Amman sans montrer patte blanche. Ils disposaient de camps d'entraînement, d'arsenaux et – disait-on – de leurs propres tribunaux et prisons. Ils prélevaient des impôts, finançaient leurs écoles et hôpitaux, assuraient les frais sociaux de centaines de milliers de réfugiés palestiniens », raconte Éric Rouleau.

 


Les avions détournés puis détruits par le FPLP brûlant sur la base aérienne de Dawson à Zarka, en Jordanie. Photo British Airways

 

Lancement de l'offensive
Le roi Hussein ne peut laisser faire, il y va de son autorité, de sa dignité, de son désir de paix avec Israël pour récupérer la Cisjordanie, de l'héritage même de son grand-père. Depuis quelques mois, le monarque essaie de faire adopter le plan Rogers, qui a pour but d'apporter une solution au conflit israélo-arabe, prévoit un cessez-le-feu et affirme la légitimité de l'État hébreu, tout en réduisant les Palestiniens à un état de réfugiés. Le plan, adopté par Amman et Le Caire, est rejeté avec véhémence par la partie palestinienne, qui dénonce une trahison et un « complot impérialiste ». Au début de l'année 1970, l'OLP multiplie en toute impunité les attentats et les opérations sanglantes, sous l'ascendant croissant du Front de libération de la Palestine (FPLP) fondé par Georges Habache. Début juin, le roi Hussein échappe à une tentative d'assassinat. Idem le 1er septembre. Au cours des jours suivants, il est accusé par Arafat d'être un agent de la CIA. Le chef palestinien compare même la Jordanie à l'Allemagne nazie ! Le 6 septembre, le FPLP parvient à détourner trois avions de ligne vers l'ancienne base de Dawson's Field à Zarka, dans le Nord jordanien. La grande majorité des otages sont libérés quelques jours plus tard et, le 12 septembre, les trois appareils vides sont détruits sur le tarmac devant la presse internationale.

Ayant perdu toute crédibilité, le roi Hussein ne peut plus reculer. Il impose la loi martiale le 16 septembre, constitue un gouvernement militaire et met Habès al-Majali à la tête des forces armées. Le lendemain commence ce qui devait être connu dans l'histoire sous le nom de Septembre noir. Dix jours durant, les combats font rage, la plupart des victimes sont civiles. Les Palestiniens avancent un bilan allant de 10 000 à 25 000 morts, mais certaines sources (jordaniennes du moins) affirment qu'il faut réduire ce chiffre de moitié. Quoi qu'il en soit, lorsque les violences s'arrêtent, le bilan est catastrophique, les camps de réfugiés ont été rasés. L'OLP avait bien appelé les pays arabes à l'aide. D'ailleurs, la Syrie répond à cet appel et envoie des blindés à la frontière le 21 septembre. Mais lorsqu'Israël fait mine de les attaquer, les chars font demi-tour, abandonnant les Palestiniens à leur sort.
Sous la pression du président égyptien Gamal Abdel Nasser, Yasser Arafat et le roi Hussein de Jordanie finissent par signer un traité au Caire le 27 septembre. Nasser s'éteint d'épuisement le lendemain. Le jour même, Hussein nomme Wasfi al-Tall Premier ministre, le chargeant de rétablir l'ordre. Les affrontements se poursuivent et, à l'été 1971, les fedayyine palestiniens sont complètement éradiqués du royaume hachémite. L'OLP est alors chassée vers le Liban, où elle s'installe.

 

Bibliographie
Archives L'Orient

Dans les coulisses du Proche-Orient (1952-2012), Éric ROULEAU, Fayard

 



Une organisation est née

Peu après les événements de 1970, l'organisation Septembre noir est créée. Issue du Fateh de Yasser Arafat, elle devient célèbre en assassinant le Premier ministre jordanien Wasfi al-Tall le 28 novembre 1971. D'autres opérations suivront, notamment la prise d'otages de onze athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich en 1972. La libération de quelque 230 prisonniers palestiniens est réclamée en«« échange. Cinq des huit Palestiniens impliqués sont tués, ainsi qu'un policier allemand. Le Mossad traquera les Palestiniens survivants et les éliminera dans le cadre de l'opération « Colère de Dieu ». L'organisation sera dissoute en 1973 sous la pression de plusieurs États arabes.

 

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Portrait
Un infatigable artisan de la paix


Le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin (à droite) et le roi Hussein de Jordanie se saluant dans la ville-frontière de Wadi Araba pour signer l'accord de paix entre leurs deux pays, le 26 octobre 1994. Photo sous licence Creative Commons

 

Né le 14 novembre 1935 à Amman, Hussein est le fils aîné de Talal ben Abdallah et de la princesse Zein el-Charaf bent Jamil. Après des études primaires en Jordanie, il est envoyé au Victoria College d'Alexandrie, avant de finir ses études supérieures en Angleterre, à la Harrow School, où il se rapproche de son cousin Fayçal II d'Irak, ainsi qu'à la prestigieuse académie militaire de Sandhurst. Un vendredi de juillet 1951, alors que le jeune prince accompagne son grand-père le roi Abdallah I de Jordanie lors de la prière hebdomadaire à la mosquée d'al-Aqsa à Jérusalem, un Palestinien de 21 ans assassine le monarque de plusieurs balles sous les yeux de l'adolescent. Ce dernier échappe à la mort grâce à une médaille offerte par son grand-père qu'il porte ce jour-là et qui empêche la balle qui le vise de le tuer.

La mort du roi Abdallah, qui intervient après l'annexion de la Cisjordanie par le royaume lors de la première guerre israélo-arabe en 1948, pousse son fils Talal sur le trône, et Hussein devient prince héritier. Toutefois, quelque treize mois après son accession au pouvoir, Talal est forcé d'abdiquer pour « raisons de santé » (il vient d'être reconnu schizophrène par des médecins arabes et européens). En attendant que Hussein atteigne la majorité pour devenir roi (il n'a que seize ans lorsque son père abdique), un conseil de régence est institué avec, à sa tête, son oncle maternel. Le 2 mai 1953, il monte sur le trône. Il entame ainsi un règne de près de 50 ans, et qui sera marqué par la violence et de nombreux conflits.

Les premières années de pouvoir sont difficiles pour le jeune roi et les événements qui secouent la région menacent le royaume. Mais très vite, Hussein choisit son camp. Dès 1956, il renvoie John Bagot Glubb, commandant britannique de l'armée jordanienne depuis 17 ans, et remplace dans la foulée tous les officiers britanniques par des Jordaniens. Il s'attire de la sorte la loyauté indéfectible d'une armée à présent majoritairement bédouine. Ce rejet de l'influence occidentale s'effectue au profit d'un rapprochement fragile avec l'Égypte nassérienne, en pleine crise de Suez. Au cours des années suivantes, le roi dissout le Parlement, instaure la loi martiale, s'allie à son cousin Fayçal pour former la Fédération arabe d'Irak et de Jordanie, essayant de faire contrepoids à la République arabe unie (Égypte et Syrie). Quelques mois plus tard, une révolution met fin au règne de Fayçal, qui est exécuté.

Maintenant une stabilité relative dans son pays (à partir des années 1960, le pays connaît des développements majeurs en termes de croissance, d'économie, d'infrastructures, etc.), Hussein préfère la paix à la guerre, d'où ses liens plus ou moins secrets avec son voisin israélien. Ces relations étant considérées par de nombreux leaders arabes, dont le président égyptien Gamal Abdel Nasser qui le qualifie de « laquais impérialiste », comme de la trahison, le roi hachémite finit par signer le 30 juin 1967 un accord de défense commune avec l'Égypte, ne serait-ce que pour garder un minimum de crédibilité dans le monde arabe. Quelques jours plus tard, la guerre des Six-Jours éclate, durant laquelle Hussein perdra la Cisjordanie et Jérusalem-Est, « récupérés » par l'État hébreu. De nouveau, des vagues de réfugiés palestiniens déferlent sur le royaume, surpassant rapidement en nombre les Jordaniens. De plus en plus, les Palestiniens instaurent un « État dans l'État » en Jordanie, multipliant les provocations à l'encontre du roi. Parallèlement, le rapprochement de ce dernier avec l'État hébreu lui vaut d'être la cible le 1er septembre 1970 d'une tentative d'assassinat perpétrée par les fedayyine palestiniens, qui appellent en outre au renversement de la monarchie jordanienne. C'en est trop pour Hussein, qui envoie son armée mettre fin à la présence fedayyine sur son territoire.

Les relations entre le roi jordanien et la résistance palestinienne finissent, au fil des années, par s'améliorer. Dans les années 1970, Hussein reconnaît l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme « l'unique représentant légitime du peuple palestinien », reçoit les dirigeants palestiniens dont Yasser Arafat, et tente même dans les années 1980 de faire une Fédération jordano-palestinienne, sans succès. Après les accords d'Oslo en 1993, le roi hachémite signe un traité de paix avec Israël le 26 octobre 1994, après trois décennies de négociations secrètes avec l'État hébreu.

En 1998, il est révélé que le monarque souffre depuis plusieurs années d'un cancer des ganglions lymphatiques et se fait soigner aux États-Unis, tout en restant très présent sur la scène politique. Il meurt des suites de sa maladie le 7 février 1999, laissant son fils Abdallah II, l'actuel roi de Jordanie, prendre la relève.

 

Dans le prochain épisode : Le jour où Hafez el-Assad a accédé au pouvoir en Syrie.

 

Les épisodes précédents
Le jour où... Kadhafi a renversé la monarchie

Le jour où... Nasser a démissionné

Le jour où ... la France a signé son départ d'Algérie

Le jour où... la République arabe unie a été proclamée

Le jour où Nasser a nationalisé le canal de Suez...

Le jour où... la partition de la Palestine est adoptée

Le jour où... Roosevelt et Ibn Saoud ont scellé le pacte du Quincy

Le jour où... Balfour a fait sa déclaration sur le Foyer juif

Le jour où... Lawrence d'Arabie a rencontré l'émir Fayçal

Jusqu'à ce matin de septembre 1970, la tension entre les fedayyine palestiniens et le gouvernement jordanien est palpable et la situation explosive. Tous ont littéralement le doigt sur la gâchette. Depuis un bon moment déjà, des affrontements opposent régulièrement les uns aux autres, non sans faire de victimes. Le 17 septembre 1970 à 6h, l'enfer se déchaîne. Le roi Hussein vient...
commentaires (3)

Nous nous sommes débarrassés de leur branche arme. Il ne nous reste plus qu'a envoyé ceux qui en reste en Syrie. La ils auront un peu de change de s'y trouver un foyer. Bachar et le Hezbollah étant si pris par leur sois disant cause, nous la leur offrons gratis sur un plateau en or!!! Qu'ils nous montre comment a partir de la Syrie ils y arrivent. Pour l'instant c'est la débandade avec un grand D sans oublier de noter que la bas, les Palestiniens ont pris faits et cause pour l'opposition. Allez vous en comprendre!!!

Pierre Hadjigeorgiou

11 h 08, le 25 août 2015

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Commentaires (3)

  • Nous nous sommes débarrassés de leur branche arme. Il ne nous reste plus qu'a envoyé ceux qui en reste en Syrie. La ils auront un peu de change de s'y trouver un foyer. Bachar et le Hezbollah étant si pris par leur sois disant cause, nous la leur offrons gratis sur un plateau en or!!! Qu'ils nous montre comment a partir de la Syrie ils y arrivent. Pour l'instant c'est la débandade avec un grand D sans oublier de noter que la bas, les Palestiniens ont pris faits et cause pour l'opposition. Allez vous en comprendre!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 08, le 25 août 2015

  • SEPTEMBRE 1970 ...a sonner le glas pour notre pays ,avec les années noires qui ont suivi ... quand les palestiniens ont outragé, saccagé ,martyrisé, pillé, violé le Liban ...! avec l'aval des pays arabes , qui pour mieux se décharger de leurs responsabilités.... nous ont imposé les fameux accord du Caire ...qui au final leurs a servi de couverture légale pour nous imposer tous ces malheurs...

    M.V.

    07 h 12, le 25 août 2015

  • "Et à l'été 71, l'OLP est alors chassée vers le Liban, où elle s'installe." ! Non, vers le Liban où tous les pays arabes, Äsraël et toute la communauté internationale de force l'installent !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 54, le 25 août 2015

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