Crise des déchets : la campagne "Vous Puez !" appelle à une nouvelle manifestation samedi

Après un week-end marqué par des manifestations ayant dégénéré en émeutes, à Beyrouth, les responsables de la campagne "Vous Puez !" ont appelé lundi à une nouvelle manifestation samedi prochain à 18 heures dans un lieu qui sera désigné ultérieurement. Ils ont promis de renforcer leurs capacités d'organisation lors des prochains rassemblements comme ils ont appelé les Libanais expatriés à soutenir le mouvement en organisant des manifestations devant les ambassades du Liban.

De son côté, le Conseil des ministres tiendra une réunion extraordinaire demain mardi à 10h00, à l'appel de Tammam Salam, pour discuter de la crise des déchets et des résultats des appels d'offres annoncés auparavant pour la désignation des entreprises qui prendront en charge la gestion des déchets sur le long terme.

Lors d'une conférence de presse, les organisateurs de la campagne "Vous Puez !" ont accusé "le pouvoir" d'avoir tenté de "transformer leur mouvement de contestation en lui donnant une connotation communautaire" et d'avoir tiré sur les manifestants samedi. Il ont assuré dans ce cadre que "personne ne réussira à parasiter ce mouvement qui a réveillé les Libanais". "Il y a une bataille principale, celle des ordures (...) mais nous menons une bataille générale contre la classe politique corrompue", a affirmé Marwan Maalouf, un des organisateurs de la campagne.

Une nouvelle manifestation prévue lundi contre le gouvernement avait été reportée plus tôt dans la journée, avait annoncé le collectif citoyen sur sa page Facebook, précisant que "le mouvement ne s'est pas arrêté et ne s'arrêtera pas". "Nous ne battons pas en retraite. Nous avons besoin de réévaluer nos demandes. Nous ne renoncerons pas à nos droits", avaient ajouté les activistes.

Cette décision a été prise après deux jours de manifestations déclenchées par une crise des déchets qui a dégénéré en ras-le-bol général face à l'impéritie chronique de l'Etat et les problèmes qui gangrènent le pays depuis des décennies. Les manifestants réclament non seulement une solution au problème des déchets mais également la fin de la corruption, des pénuries d'électricité et d'eau et du blocage politique dans un pays sans président de la République depuis plus d'un an. Les deux jours de manifestations se sont terminés par des violences, les organisateurs accusant des "fauteurs de troubles" d'avoir attaqué les forces de sécurité après des heures de sit-in pacifique.

Dans un Liban plus habitué aux manifestations partisanes qu'aux mouvements sociaux, les rassemblements ont réuni des milliers d'hommes, femmes et enfants samedi et dimanche dans le centre de Beyrouth, avant de virer à l'affrontement en soirée, faisant des dizaines de blessés. Dimanche soir, un groupe de 200 jeunes a en effet fait irruption sur la place Riad Solh où se tenait le rassemblement, lançant des projectiles sur les forces de sécurité qui ont alors fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes.

Crise des déchets : le week-end de la colère (en images)

Lors de leur conférence de presse lundi, les responsables de la campagne "Vous puez !" ont demandé l'ouverture d'une enquête indépendante pour déterminer l'identité des émeutiers qui s'en sont pris aux forces de l'ordre lors de leur manifestation. 

En attendant, les forces de sécurité s'activaient lundi sur le lieu des manifestations où ils ont érigé des blocs de béton, notamment devant le Grand Sérail. Les activistes n'ont pas tardé à les couvrir de graffitis et de slogans dirigés contre le pouvoir.

Le ministre de l'Intérieur, Nohad Machnouk, a de son côté souligné, après s'être réuni avec le Premier ministre Tammam Salam, que les activistes de la campagne "Vous Puez !" ont "le droit de manifester". "Mais il y a des groupes liés à des partis politiques qui ont leur propre ordre du jour", a-t-il ajouté. Evoquant les émeutes de dimanche soir Place Riad Solh, le ministre a assuré que "les forces sécurité ont fait preuve d'une grande responsabilité dans leur comportement envers les citoyens".

Plus tôt, le bureau d'Amal (de Nabih Berry) avait publié un communiqué dans lequel il dément que les émeutiers qui ont fait déraper la manifestation, dimanche, soient issus de ses rangs. "Certains médias ont affirmé que le mouvement Amal est impliqué dans les tentatives de susciter des conflits et ont accusé les membres du mouvement de chercher à provoquer des émeutes", peut-on lire dans le communiqué d'Amal. Le mouvement accuse ces médias de manquer de "professionnalisme et d'objectivité."

Le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, dans le centre-ville de Beyrouth après les violences de dimanche soir. Photo AFP

Lundi, la Croix-Rouge libanaise a annoncé via son compte Twitter que 402 personnes ont été secourues suite aux dérapages dimanche soir. "Le bilan final : 343 cas ont été traités sur place et 59 cas ont été transportés dans des hôpitaux de la région", peut-on lire dans le tweet de la Croix-Rouge.

Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont, par ailleurs, démenti via leur compte Twitter l'information rapportée par des médias locaux et selon laquelle un manifestant nommé Rida Taleb avait succombé à ses blessures après avoir été touché à la tête dimanche.

La direction générale des FSI a également annoncé que 99 agents ont été blessés lors des émeutes de dimanche soir. Les FSI font également état de dégâts dans des boutiques, des restaurants et des bâtiments du centre-ville. Des véhicules militaires ont aussi été endommagés. Il est en outre précisé dans un communiqué que 32 personnes, parmi les émeutiers, ont été arrêtées.

Lors de leur conférence de presse, les responsables de la campagne "Vous puez !" ont en outre réagi à l'annonce des résultats des appels d'offres pour la gestion des déchets des six régions du Liban faite par le ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk, quelques minutes plus tôt. Il ont estimé que "le fait que le Conseil des ministres ait mis la main sur l'argent du fonds municipal indépendant transforme tout appel d'offres en une opération de vol de l'argent public". "Tout le monde est impliqué dans ce vol", ont-ils lancé, appelant à annuler les appels d'offres et à remettre le dossier des déchets aux municipalités.

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