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Liban - Décryptage

Pour la première fois, le « Liban des braves gens » dans la rue

La rue n'a finalement pas attendu le général Michel Aoun pour déverser sa colère et déborder. Il ne s'agit plus de la frustration d'une partie politique contre les autres, mais bien d'un ras-le-bol populaire qui dépasse les limites confessionnelles, régionales et politiques, contre ce qui est considéré comme l'incompétence totale du gouvernement et des dirigeants et leur mépris envers la population qu'ils laissent vivre dans des conditions inacceptables. Depuis qu'elle a éclaté il y a un mois, la crise des déchets sentait mauvais, au propre comme au figuré, et était annonciatrice d'une colère justifiée. Mais au lieu de prendre les choses au sérieux, les responsables ont continué à faire traîner les décisions, comptant sur la lassitude populaire et sur le fait que si les déchets s'accumulent dans les rues, les gens seront prêts à accepter n'importe quelle solution, pourvu que les rues soient nettoyées. Sachant que toutes les solutions envisagées sont dans l'intérêt de l'un ou l'autre des camps politiques.

Mais une fois de plus, ils se sont trompés. La colère et l'humiliation éprouvées par la population ont été plus importantes que la crainte de la chaleur étouffante ou celle de la réaction des forces de l'ordre. Elles ont été plus fortes que la lassitude, le désespoir et le fatalisme et les Libanais, toutes tendances confondues, sont en train de descendre à la place Riad el-Solh, sans avoir été invités à le faire par les responsables politiques et sans que les autobus aient été loués pour les transporter sur place. Il s'agit donc réellement d'une manifestation populaire spontanée où, pour la première fois, les responsables et hommes politiques de tous bords ne sont pas les bienvenus.

Même le Premier ministre Tammam Salam, dont tout le monde reconnaît l'honnêteté, la modération et la bonne foi a été hué, après sa conférence de presse qui se voulait un discours franc et ému, s'adressant à la fibre libanaise des manifestants. Mais derrière leur petit écran ou dans la rue, les Libanais ont senti qu'il ne comprenait pas leur souffrance et qu'il ne proposait pas de solution concrète, rapide et sérieuse, préférant continuer à jouer dans le registre politique, comme si la solution était de convoquer une nouvelle réunion du gouvernement jeudi qui sera peut-être boycottée et qui n'aboutira, dans le contexte de crise actuel, à aucune décision concrète. De plus, face à des gens qui crient leur colère et leur révolte de devoir mendier leurs droits les plus élémentaires sans même les obtenir, les responsables ne peuvent pas se contenter d'attendre jeudi pour traiter les dossiers brûlants, comme si rien ne pressait. Le moins qu'on puisse dire est que cette attitude dénote une ignorance totale de l'état de désespoir dans lequel se trouve la population.

C'est sans doute la première fois que la coupure paraît si franche entre la population et les responsables à quelque bord qu'ils appartiennent. Ce ne sont d'ailleurs pas les partisans qui sont descendus dans la rue samedi et dimanche, mais bien cette large majorité silencieuse qui n'aspire qu'à une chose, un minimum de dignité. Les plus rêveurs espèrent déjà que ce mouvement sera le prélude à un vaste changement dans le système actuel qui aboutira à l'instauration d'une véritable citoyenneté. Les optimistes pensent que ce mouvement ne peut pas ne pas avoir de conséquence sur la situation politique et qu'il aboutira à la démission du gouvernement, qui ne changera peut-être pas grand-chose dans l'immédiat mais qui sera l'incitateur à rechercher de véritables solutions, dans le cadre du système mais sur des bases nouvelles de dialogue réel et de participation. Les plus pragmatiques, de leur côté, sont convaincus que rien ne changera et qu'au bout de deux jours, les gens se lasseront et le gouvernement reprendra ses réunions chaotiques... en attendant des développements régionaux qui apporteront les clés manquantes aux solutions internes. En attendant, un bouc émissaire sera trouvé pour porter sur ses épaules la responsabilité des actes de violence contre les manifestants et une nouvelle crise fera oublier celle des deux derniers jours.

Face à ces trois options, il est difficile de faire des prédictions, mais il est clair que cette fois, les protestations sont plus sérieuses que par le passé. Sans doute parce que l'inconscience des responsables a dépassé les limites acceptables.
« Le Liban des braves gens » est désormais dans la rue et son existence est en elle-même une bonne nouvelle pour tous ceux qui n'ont l'habitude de n'entendre et de ne voir que les politiciens et leurs partisans dans une atmosphère de clientélisme et d'asservissement. Contrairement à ceux qui croient qu'il ne s'agit que d'un éclat de colère et qu'un sursaut de révolte passager, il ne sera pas si facile d'étouffer ce mouvement. Quelque chose a réellement changé et même l'appui international ne parviendra plus à maintenir le gouvernement en place s'il ne change pas son mode de fonctionnement. Ce que les décisions du gouvernement n'ont pas réussi à faire, son incompétence l'a fait : unifier les Libanais dans la même misère, loin des appartenances politiques et confessionnelles et pousser ceux qui ne se sont jamais exprimés à le faire.
La crise des déchets aura finalement eu quelque chose de bon... à condition qu'il n'y ait ni récupération ni détournement !

 

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La rue n'a finalement pas attendu le général Michel Aoun pour déverser sa colère et déborder. Il ne s'agit plus de la frustration d'une partie politique contre les autres, mais bien d'un ras-le-bol populaire qui dépasse les limites confessionnelles, régionales et politiques, contre ce qui est considéré comme l'incompétence totale du gouvernement et des dirigeants et leur mépris envers...

commentaires (18)

une certitude : des braves gens ont été piégés.... le reste ça sent trop mauvais...pour y mettre des mots...

CBG

02 h 31, le 25 août 2015

Tous les commentaires

Commentaires (18)

  • une certitude : des braves gens ont été piégés.... le reste ça sent trop mauvais...pour y mettre des mots...

    CBG

    02 h 31, le 25 août 2015

  • Ce n'etait pas le Liban des Braves, ni même celui des "braves gens",(ne pas oublier le petit ton condescendant.....)

    Christine KHALIL

    19 h 55, le 24 août 2015

  • Plus ORANGINA que ca tu meurs.......

    IMB a SPO

    18 h 57, le 24 août 2015

  • Nous avons eu le spectacle incroyable que la rue pouvait faire bouger les choses toutes confessions confondues. La rue ne se taira plus Phare AOUN ou pas. Le ras le bol devra nous permettre d'en finir avec ce Liban des incompétents et des corrompus qui semblent convenir à certains huluberlus adeptes de la sieste à vie. Nous l'aurons notre pays enfin libre indépendant et fort, nous en avons les moyens aujourd'hui. Il faudra juste qu'on s'applique une certaine discipline et pour ça des forces nouvelles nous ont donné un aperçu , seuls les aveugles flemmards regarderont le train passer comme les vaches dans le pré. BRAVE MADAME SCARLETT HADDAD.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 06, le 24 août 2015

  • Merci Scarlett Haddad de mettre la lumière sur ce fait nouveau autant civile que démocratique, encourageant et de type nouveau. Je partage votre belle analyse qui consiste à dire qu'une quelconque récupération politique ne serait que néfaste à ce mouvement. Mais une chose serait à dire: Notre système politique peut certes contribuer à donner au pays une stabilité très relative mais il a besoin de profondes modifications ou de changement radical sur des bases saines.

    Ali Farhat

    14 h 17, le 24 août 2015

  • Tout cela est le résultat de la politique d'obstruction exercée par le roi Ubu de Rabieh appuyé par une milice qui reçoit ses ordres d'un pays étranger. Une seule solution à la crise, l'élection immédiate d'un Président de la République.

    Un Libanais

    12 h 35, le 24 août 2015

  • Pour finir j'ai une question pour vous madame haddad ... C'est ca pour vous le liban des braves gens?!?!? Ceux qui cassent et ceux qui lancent des cocktail Molotoff?!?! Non la date fatidique pour le liban est le 14 mars 2005 ou VRAIMENT CETTE MAJORITÉ SILENCIEUSE A MONTRER SON VISAGE PACIFIQUE ET NON MADAME MOI JE NE SOUHAITE PAS FSIRE PARTIE DE CE LIBAN DE "brave gens" SI C'EST POUR LANCER DE COCKTAIL MOLOTOFF ET SURTOUT ETRE HYPOCRITE A CE POINT C'EST INIMAGINABLE ....

    Bery tus

    12 h 19, le 24 août 2015

  • Mais n'importe quoi ... De chez n'importe quoi !!! Premièrement qui forme le gouv CPL avec les autres haha il pouvait tout simplement demsnder à ces ministres de démissionner ahhh j'avais oublier q'il lui est interdit de démissionner lool ... De plus à dire la vérité je me suis arrêter au quart de l'article car deja illogique !!

    Bery tus

    12 h 14, le 24 août 2015

  • Au milieu du vide politique aucune citoyenneté n'est possible seul le radicalisme peut l'emporter dans la rue et c'est ce qui se passe...

    Beauchard Jacques

    11 h 45, le 24 août 2015

  • Si les voyous et les casseurs du Hezbollah qui ont transformé la pacifique manifestation en une tentative de coup d’état et de déstabilisation du pays, sont devenus maintenant les "braves gens", tous les autres sont de facto des saints puisque honnêtes! Nous avons donc atteint le paradis!!! Alléluia!!! Vous avez mal choisi le titre Mme Haddad. Les honnêtes ou braves gens ne se seront pas laissé entraîner dans du vandalisme a deux sous. Les honnêtes ou braves gens qui sont descendus dans la rue pour les poubelles ne se seront pas laissés entraîner dans une polémique douteuse qui réclame la chute du gouvernement en des temps difficiles pour le pays, d'ailleurs ceux ci se sont retirés vite fait et ont condamné les actions de vos "braves gens". Les honnêtes et braves gens, ils ne s'en trouvent plus beaucoup dans les rang du Hezbollah ou des Aounistes. Ceux la sont restés chez eux!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 43, le 24 août 2015

  • MADAME... LES SLOGANS DEVRAIENT ÊTRE CONTRE LES BOYCOTTEURS QUI PARALYSENT DEPUIS DIX ANS LE PAYS ET QUI ONT ÉTOUFFÉ SES INSTITUTIONS... LE PRÉSIDENT CHRÉTIEN EST ANNULÉ... LE PREMIER MINISTRE SUNNITE EST PARALYSÉ... SEUL LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE CHIITE IMPOSE SES VUES... C'EST CONSENSUEL N'EST-CE PAS ? IL EST REGRETTABLE QUE VOTRE PLUME AILLE DANS LE MAUVAIS SENS UNIQUEMENT PAR UNE MAUVAISE VUE ET ANALYSE CYCLOPIENNES !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 49, le 24 août 2015

  • Le 22-08-2015, une date charnière. Il y-aura l'avant et l'après. La jeunesse libanaise a été admirable. Quelle détermiation, quelle énergie!

    Massabki Alice

    09 h 10, le 24 août 2015

  • TRÈS CHÈRE MADAME SCARLETT HADDAD... L'ANALYSE... LA VRAIE ANALYSE... MANQUE DANS VOTRE ARTICLE... CAR NIAIS... QUI N'A PAS COMPRIS OU NE VEUT PAS ENCORE COMPRENDRE TOUTE CETTE MISE EN SCÈNE "À DEUX FACES" DES TIREURS DE FICELLES !!! ON DIRIGE LE PAYS... QUITTE À LE BRÛLER ET LE DÉTRUIRE... VERS UN NOUVEAU PACTE AUJOURD'HUI AVANT DEMAIN... CAR DEMAIN (?)...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 21, le 24 août 2015

  • euh...generalement je n'ouvre pas les articles de madame haddad. Ils sont trop parti pris avec toujours des sources tres douteuses. Mais le titre m'a interpellé et je ne l'ai pas trouvé trop en adequation avec les sauvages et les casseurs qui ont sevi. Mais bon, pour elle, c'est peut etre ces gens la qu'elle voudrait avoir pour concitoyen. Qu'elle leur dise alors ou elle habite pour qu'ils lui torchent sa maison. Pour info, la majorite silencieuse etait a la maison, se couchant tot pour aller bosser le lundi.

    George Khoury

    07 h 34, le 24 août 2015

  • Très vrai... incompétent, irresponsable et méprisant jusqu'au bout!!!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 05, le 24 août 2015

  • Au fond, "l'auteur(e)" fait-il partie, yîîîh, lui aussi de cette "MASSE" de "braves gens" ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 11, le 24 août 2015

  • "C'est sans doute la première fois que la coupure paraît si franche entre la population et les responsables à quelque bord qu'ils appartiennent." ! Même ceux du "bord" du bigaradier boSSfééér ? "Ce ne sont d'ailleurs pas les partisans qui sont descendus dans la rue, mais bien cette large majorité silencieuse." ! Ainsi cette "majorité silencieuse" ne serait pas "partisane". Mais, pourtant, elle participe aux élections et elle vote pour des Partis politiques, cette "majorité silencieuse". Bien essayé, mais ça ne passe pas !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 07, le 24 août 2015

  • "La rue n'a finalement pas attendu Michel Aoun pour déverser sa colère et déborder. Il s'agit d'un ras-le-bol populaire contre ce qui est considéré comme l'incompétence totale des dirigeants, et leur mépris envers la population qu'ils laissent vivre dans des conditions inacceptables.". S'il s'agissait réellement d'un ras-le-bol contre l'incompétence des dirigeants, ce même Äoûn étant lui-même "dirigeant" et en sus au "gouvernement", comment cette "rue" pouvait attendre quelque chose de ce type afin de "déverser sa colère" contre ces mêmes "dirigeants" ? Bien éssayé, mais ça ne passe pas, äâïynéééh, même en préambule !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 58, le 24 août 2015

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